Natacha Delorme
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Défi
"Dans son vieux pardessus râpé, il s'en allait l'hiver, l'été, mon vieux....." chantait Daniel Guichard dans les années 70.
Le mien n'avait pas de pardessus, mais une cotte de travail, bleu délavé, un mètre métallique dépassant d'une poche et un crayon sur l'oreille. Je le revois encore rentrer de ses chantiers, les cheveux couleur de poussière et les doigts déchirés. Chaque soir, la maison était envahie de l'odeur d'éther et on suivait les pansements à la trace. Le soir il s'endormait sur la table, ivre de fatigue. Il a failli en mourir d'épuisement. Enfin c'est ce que je croyais, du haut de mes quelques années !
Pourtant, il aurait pu être poète. Passionné de peinture, de musique, d'histoire mais pas seulement...il m'a initiée très jeune à l'analyse des phénomènes de société. Par les livres, les films, les journaux télévisés. C'était l'ère du noir et blanc. Alors Freaks, M. le Maudit, La Strada, les films de Renoir et Marcel Carné. Plus tard ce sera Costa-Gavras. Mais surtout, les premiers attentats : les J.O. de Munich, avec cet homme sur une terrasse, le visage dissimulé sous un bas et armé jusqu'aux dents. Le Vietnam, les famines, la mort du général De Gaulle puis de Pompidou. Mai 68 aussi...Quelle épopée !
Les airs d'accordéon à l'heure du midi, les chansons de Brassens à la guitare. Les matchs de volley le Dimanche ou les parties de pêche sous la pluie. Les concours de pétanque et de bouquets de fleurs des champs. Les départs en vacances, avec comme il disait " le bateau qui nous poussait au cul ". Sa première voiture, la même que le président de la République, celle qui décollait comme un avion malgré ses allures de grenouille. Les soirées tarot, les éclats de rire et la bière qui coule à flot.
Les drames aussi. Trop.
De ceux dont on reste meurtri à jamais. Comment peut-on survivre à l'innommable...
Le rideau tombe alors sur une vie à mi-course.
On y aura perdu le goût du perlimpinpin.
Pourtant, comme il le dit lui-même, il faut bien s'accrocher aux branches. Pour les autres.
Alors il reste les tout petits plaisirs : regarder la vie continuer sans vous, les fleurs qui poussent, les nuages qui se courent après, les gens heureux, les années qui passent.
Parfois, on se tirerait bien une balle dans la tête. Parce que bon. Tout de même.
Mais il est là. Il est toujours là mon papa. Croûlant sous son vieil accordéon. Et c'est le coeur serré que je regarde ses doigts déformés entamer "la chanson pour Ninette". Il me jette un oeil complice. Ecoute celle-là ! C'était pour ta mère autrefois... Et au milieu des fausses notes et des couacs, il rigole tout seul. Comme un vieux clown déchu prêt à sortir de scène... Tu te souviens ?
Un jour j'espère, même l'air résonnera de ces mélodies d'antan. Et je pourrai à mon tour scruter les nuages en me disant que j'ai tenu jusqu'au bout.
Ce jour-là, comme lui et à l'image de la chèvre de M. Seguin j'irai m'allonger dans un champ de coquelicots. De ceux dont on faisait des bouquets autrefois.
Et je me dirai juste ...non seulement qu'il m'a tout appris, mais surtout qu'il avait raison.
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Défi
Oh la douceur du soir, après une journée tumultueuse... Couleur aux nuances lentement estompées, chaleur en decrescendo, sons en suspens, sentiment d'éternité.
L'ombre enveloppante, sourde aux soucis et contrariétés. Et l'odeur des champs au loin, aux volutes de fumée. Peut-être un orage tout proche... mais aucun nuage sombre ni souffle glacé. Seule l'obscurité délicieusement annoncée, pas à pas, encore chaude de cette longue journée d'été.
L'heure bleue et Guerlain à mes côtés.
Souvent, au fond du souvenir, la naissance d'un frisson, d'une larme, d'un spasme ou d'un cri. Puis l'éveil d'une conscience, un remords, un chagrin, un désespoir. Dans quel ordre, quel but, pour quel avenir avorté... sans importance.
Là, Guerlain, multiples portes et trousseau de clefs.
Dans l'air du temps, à l'unisson des fragrances, dans l'insouciance et le refus des sermons, voici l'enfance, par bouffées, par bonheur et par monts et par vaux.
Belle échappée, au-delà du présent, au-delà des prisons. Comme un coureur à travers les multiples saisons.
Que de moments, nombreux et rassurants, autour de l'âtre et ses hivers si blancs.
Rien que la pénombre autour de la clarté, et cette lueur bleutée...
L'heure bleue, prélude au songe d'une nuit d'été.
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Défi
Il en avait quatorze
Et il bombait le torse
Elle en compte bientôt quinze
Et pour lui elle en pince
Il était plus que beau
Il était aussi pauvre
Elle lui dévore les paumes
Nue sous ses paupières mauves
A cet âge quand on flirte
Le moindre mot vous heurte
Dans un excès de pleurs
On peut commettre un meurtre
Plutôt que d'être larve
Dans ses filets de bave
On se comporte en brave
Lors on combat la lave
Il dévorait des gaufres
Et sa vie comme un goinfre
L'existence en balafre
Et le corps en triomphe
Il n'avait rien d'un monstre
Et s'affichait sans honte
Comme on joue, comme on montre
Sa jeunesse puis la fonte
Il était plus que beau
il était aussi pauvre
Elle lui dévore les paumes
Nue sous ses paupières mauves
Mais ce sont des yeux belges
Et leurs ongles qu'il baise
D'autres coeurs qu'il allège
D'autres lèvres qu'il lèche
A cet âge quand on flirte
Le moindre mot vous heurte
Dans un excès de pleurs
On peut commettre un meurtre
Elle rêvait d'une vie simple
Au sommet de l'Olympe
Elle n'est plus qu'une plainte
Une mort en demi-teinte
Il était plus que beau
Il était aussi pauvre
Elle lui dévore les paumes
Nue sous ses paupières mauves
Il n'avait rien d'un monstre
Et s'affichait sans honte
Comme on joue comme on montre
Sa jeunesse puis la fonte.
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Défi
Un thème...Etrange comme il semble vous faire des clins d'oeil. Comme un soleil derrière les persiennes qui vous invite à venir jouer.
J'y vais, j'y vais pas ?
S'installe un moment de flottement...Oui, mais. Il y a tout de même des choses plus sérieuses à faire, plus urgentes, plus normales.
Pourtant on se plait à imaginer comment on aurait pu illustrer cette idée de départ. Surgit tout à coup une image, à laquelle on va associer un mot. Puis une autre qui lui répond en écho. Un décor pointe le bout de son nez. Non non, va-t-en de là, c'est pas le moment franchement....Mais on a bien envie de l'animer ce lieu magique, le remplir un peu. Juste histoire de combler le vide, de voir à quoi cela ressemblerait si....
C'était quoi déjà le thème ?
Ah oui ! ... Jolie cette idée, vraiment....très belle trouvaille. Il y aurait tant de choses à dire....
D'autres mots surviennent alors, en tandem. Ils semblent danser sous nos yeux amusés. Deux par deux ils commencent même à former une farandole...Oh la ! Attendez, pas si vite !! J'ai à peine le temps de profiter de la scène que vous voilà déjà envolés !!
Alors on se précipite sur le premier crayon, et sur un coin de table ( parfois à même la nappe ) on griffonne en toute hâte.
Les mots surgissent de partout, les idées s'organisent, le paysage ressemble bientôt à une scène de théâtre. Il y a des couleurs.
Les phrases commencent à s'articuler entre elles, une histoire se construit. Parfois toute une vie....
Cette fois c'est sûr, on n'est plus seul. Une présence invisible guide notre main, nos yeux, nos neurones.
La source est devenue une rivière alimentée peu à peu par l'afflux des pensées. Elles arrivent de toutes parts. La rivière enfle, devient fleuve. On aperçoit au loin les dunes. Pour un peu, on entendrait résonner la Moldau !
On sait déjà qu'arrivé(e) au bas de la page, l'encre ira rejoindre l'océan...celui des innombrables lecteurs, qui vivront à leur tour cette épopée.
Alors les lignes se remplissent, un mot en entraînant un autre. Et on voudrait pouvoir continuer ainsi jusqu'au bout de la nuit.
Il était une fois un thème, un tout petit rien du tout. Pourtant en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, il se transformera en gigantesque tremplin.
Celui qui permet aux enfants de rebondir et de faire des galipettes. Ca y'est ! On est sur la plage au milieu des balançoires et des pédalos, le vent enfoui dans les cheveux. Et il y a cet oxygène, cet air incroyable de liberté.
Un plaisir presque enfantin. Celui des châteaux de sable et des constructions éphémères. Celui du rêve et du plaisir partagé.
STOP ! Tout le monde descend...
Car là voyez-vous, à l'heure où je vous écris, je reviens tout droit du jardin, la porte-fenêtre est restée grande ouverte malgré le froid et la pluie, mes sabots sont pleins de terre et mes mains couvertes de la cendre destinée aux arbres fruitiers. J'ai croisé le chemin de Scribay et la vie s'est arrêtée. Je regarde mes mains noircies en souriant....Un ange passe... Coup d'oeil par la fenêtre. Le soleil joue encore des claquettes derrière ma persienne imaginaire.
Pas grave, je vais de ce pas les rincer dans l'Océan !...
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Défi
De l'aube au crépuscule tu me suivras partout
Prémices de la vie et douleur de l'absence
Parfum suave, frais et sucré
Eclatant sous les perles enfantines de ces fleurs à croquer
Je t'aperçois souvent à la tombée du soir
Mêlé au ciel profond des hivers flamboyants
Mais c'est l'intimité des aubes nouvelles
Qui révèle ta douceur lors du premier rayon
C'est ta naissance qui m'apparaît alors
Dans les tout premiers cris de l'aurore
Cette couleur hésitante entre le bleu et le rose
S'étalant à nouveau sur la tenture du dernier jour
La vie s'en est allée mais la couleur est restée
D'une teinte audacieuse et fraîche comme le temps
Subsiste ce goût délicieux et réconfortant
Dont les enfants raffolent et rêvent éveillés
Sirops ou bonbons dans les armoires volés
Et si bientôt par un détour
Ma mémoire s'estompait pour toujours
Il survivra de ton rire de bébé
La saveur du printemps exalté
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Elle a 22 ans. L'âge de l'insouciance, des copains et des projets sans fin. Je l'entends chaque matin dévaler le raidillon de gravier, souvent une chanson au bord des lèvres. Je pourrais presque entrevoir ses boucles rousses voltigeant dans l'air du temps. Au creux de ce petit bourg où elle va-et-vient, le petit bourg de Sologne où je repose. Chaque jour, la mélodie suspend son vol et le pas s'arrête. Là, juste devant moi. Toujours à la même heure, elle soulève le clapet et je l'aperçois dans l'insolence de sa jeunesse. L'index posé négligemment sur ma façade, elle jette un oeil distrait par la fente, puis s'en va comme elle est venue après m'avoir rendu visite. Avec sa chanson, ses boucles et son pas léger. Saison après saison... Aujourd'hui, c'est l'automne. Elle est venue au rendez-vous, plus tôt que d'habitude. Le pas était peut-être plus rapide, le souffle court, la chanson intérieure. Quand la lumière du jour a pénétré, je l'ai aperçue se détachant au milieu des feuilles mortes qui tourbillonnaient. C'est alors que j'ai vu son regard de verre se figer, à mi-chemin entre les aubes tourmentées et les crépuscules sans lendemain. Elle s'est enfoncée en elle-même. Coeur en croix,
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Défi
J'ai crié tant de fois à l'aide et aux nuages
Que j'espère sans effroi que l'île nous entendra
C'est dans l'instant venu que tu l'as dessinée
Ma main sur ton épaule aura su te guider
Au loin dans ce mirage absurde et fantastique
Nous nous jetons enfin sur la vague érotique
La douceur du matin effleure la promenade
Le soleil de midi échauffe nos gonades
Au coeur de l'oasis nous boirons nos délices
En fin d'après-midi les mains jointes au calice
Ton ombre grandissante parmi les crépuscules
Aura raison de moi incroyable crapule
Et que dire du voyage qui au jour finissant
Nous livrera transis au monde ahurissant
Que tant de fois j’ai fui criant à l’impensable
Rêvant d’une vie tranquille couchée au creux du sable
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Défi
Euh... Une poésie bancale, qui sort de je-ne-sais-où. Mais j'avais terriblement envie de répondre à ce joli défi avant le W.E.. J'espère qu'on me pardonnera !
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Un texte déjà publié à l'occasion d'un autre défi. Mais ces yeux-là dans les miens........font rêver, non ?
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Défi
Tu es là ? Muse de toute une vie, j’entends ton sifflement dans le noir, noyé dans le clapotis des solitudes. Et ma voix te répond en écho.
Tu trembles ? Quels sont donc ces cris mezza voce comme un murmure à l’oreille : le bruit du ressac ressassant l’évènement, ou le gémissement des mâts impatients de prendre la mer ?...
Je la reconnais pourtant cette mélodie familière, rythmant l’existence au gré de tes nuances.
Du pianissimo des petites marées enfantines au sforzando de l’âge mûr, la tempête a soufflé…
Sforzando puis smorzando, comme la vague vient mourir sur la grève.
Smorzando… déjà ???
Des harmonies résonnent au loin comme la corne de brume se mêlant au chant des sirènes.
Bientôt le brouillard se dissipe.
Je les vois alors ces accords étagés vers le ciel. J’y grimperai sans doute au rythme des grands oiseaux de mer. Rendez-vous au point d’orgue des âmes égarées disait le parchemin.
La boussole s’affole, l’orchestre retentit.
C’est fini.
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Oh la douceur du soir, après une journée tumultueuse...Couleur aux nuances lentement estompées, chaleur en decrescendo, sons en suspens, sentiment d'éternité.
L'ombre enveloppante, sourde aux soucis et contrariétés. Et l'odeur des champs au loin, aux volutes de fumée. Peut-être un orage tout proche...mais aucun nuage sombre ni souffle glacé. Seule l'obscurité délicieusement annoncée, pas à pas, encore chaude de cette longue journée d'été.
L'heure bleue et Guerlain à mes côtés.
Souvent, au fond du souvenir, la naissance d'un frisson, d'une larme, d'un spasme ou d'un cri. Puis l'éveil d'une conscience, un remords, un chagrin, un désespoir. Dans quel ordre, quel but, pour quel avenir avorté ...sans importance.
Là, Guerlain, multiples portes et trousseau de clefs.
Dans l'air du temps, à l'unisson des fragrances, dans l'insouciance et le refus des sermons, voici l'enfance, par bouffées, par bonheur et par monts et par vaux.
Belle échappée, au-delà du présent, au-delà des prisons. Comme un coureur à travers les multiples saisons.
Que de moments, nombreux et rassurants, autour de l'âtre et ses hivers si blancs.
Rien que la pénombre autour de la clarté, et cette lueur bleutée...
Juste la présence de Guerlain et de la volupté
L'heure bleue, prélude au songe d'une nuit d'été.
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