jean-paul vialard
Les plus lues
de toujours
Ce texte est très long. Il parle de solitude, d'amour, de maladie, de souffrance, de mort. Il parle du VIRUS. Il parle de l'ECRITURE. Il parle de Proust et d'autres choses encore...
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Expérimenter le Solitaire
Hier, ce qui était à faire, je l’ai fait. Expérimenter le « solitaire » jusqu’en sa limite d’où, peut-être, jamais l’on ne pourrait revenir. Une sorte de folie pareille au vent blanc des hautes latitudes. Expérimenter le « solitaire ». Selon toute logique, la formule te paraîtra bien étrange. Sans doute aurais-tu attendu « solitude » en lieu et place de « solitaire ». C’eût été plus conforme aux usages de la langue, moins en accord cependant avec ce que je voulais dire. Ce que je souhaitais montrer : ma condition de Solitaire dont la « solitude » n’aurait été qu’un pâle reflet, une abstraction attachée au seul paradigme conceptuel. Non, « le Solitaire » comme on dirait le « Paralytique », le « Sourd-muet ». Tu vois, quelque chose de fondamentalement rédhibitoire, à la manière dont quelqu’un a les yeux bleus, une haute stature, le nez camus ou bien aquilin. De l’indépassable autrement dit, du fixé à demeure dont il faut reconnaître l’incontournable degré de réalité. Souvent l’on se pose le problème du réel, souvent l’on joue avec sa naturelle complexité, on jongle avec la pluralité de ses formes, on tente de l’amadouer, de le disposer selon sa plus immédiate fantaisie. Le réel, c’est le phénomène lorsqu’il se donne aves son irréfragable pointe avancée, ces yeux bleus dont tu ne pourras changer la couleur, cette peau si claire qu’elle se refuse au soleil, cette implantation de cheveux qui dégage deux golfes ouverts au-dessus des tempes.
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Beauté immédiate du DESERT
'C’est léger une âme, c’est brillant. Ça a la transparence d’une eau, la résonance d’un cristal. C’est comme un cerf-volant, ça nage dans la trame souple de l’air, ça claque au vent, ça a une traîne qui déplie longuement la minceur d’une histoire. Juste une fiction tutoyant la partie libre, ouverte, des choses. Seuls ceux qui, en eux, reconnaissent cette simple figure peuvent connaître le désert, s’y inscrire tel l’un de ses fils, y dérouler la pelote sans début ni fin d’une félicité imminente qui ne doit rien à quelque calcul, à quelque compromission.'
'C’est léger une âme, c’est brillant. Ça a la transparence d’une eau, la résonance d’un cristal. C’est comme un cerf-volant, ça nage dans la trame souple de l’air, ça claque au vent, ça a une traîne qui déplie longuement la minceur d’une histoire. Juste une fiction tutoyant la partie libre, ouverte, des choses. Seuls ceux qui, en eux, reconnaissent cette simple figure peuvent connaître le désert, s’y inscrire tel l’un de ses fils, y dérouler la pelote sans début ni fin d’une félicité imminente qui ne doit rien à quelque calcul, à quelque compromission.'
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POETISER
Un massif de cheveux
Dans le noir
Des épaules d’albâtre
Leur chute dans le jour rare
Un massif de cheveux
Dans le noir
Des épaules d’albâtre
Leur chute dans le jour rare
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LA MAISON DE MON AÏEUL - RÊVE ET NOSTALGIE
'Le lieu qui me plaisait le plus, dans cette espèce de vide sidéral, était la terrasse recouverte d’un toit de tuiles, bordée d’un mur à mi-hauteur, qui courait tout le long de la façade orientée à l’est. C’était un genre de pièce à vivre, à la fois intérieure et extérieure, donnant sur un paysage largement ouvert. On voyait, au-delà de la rivière, le Château Des Tirieux, ses hautes tours, son grand corps blanc, ses dépendances, les ramures vertes de ses cèdres. Puis, plus loin, les carrés réguliers des vergers et, à la limite de la vision, la ferme de mes Grands-Parents paternels où je passais le plus clair de mes jours de congés scolaires, autrefois le jeudi.'
'Le lieu qui me plaisait le plus, dans cette espèce de vide sidéral, était la terrasse recouverte d’un toit de tuiles, bordée d’un mur à mi-hauteur, qui courait tout le long de la façade orientée à l’est. C’était un genre de pièce à vivre, à la fois intérieure et extérieure, donnant sur un paysage largement ouvert. On voyait, au-delà de la rivière, le Château Des Tirieux, ses hautes tours, son grand corps blanc, ses dépendances, les ramures vertes de ses cèdres. Puis, plus loin, les carrés réguliers des vergers et, à la limite de la vision, la ferme de mes Grands-Parents paternels où je passais le plus clair de mes jours de congés scolaires, autrefois le jeudi.'
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LE TRAVAIL DE LA CONSCIENCE
"Seul l’homme est à même de percevoir toute cette richesse ontologique, de la porter sur les fonts baptismaux de la pensée, de la traduire en langage, d’en faire une poésie, d’en bâtir une légende, d’en tirer un savoir, d’en déduire une connaissance, d’en édifier une morale. Etonnant jeu des métaphores du vivant, incroyable fécondité des métamorphoses successives par lesquelles se disent aussi bien l’ouverture de la rose que le chant d’amour, le faible éclat du lampyre dans la nuit d’été."
"Seul l’homme est à même de percevoir toute cette richesse ontologique, de la porter sur les fonts baptismaux de la pensée, de la traduire en langage, d’en faire une poésie, d’en bâtir une légende, d’en tirer un savoir, d’en déduire une connaissance, d’en édifier une morale. Etonnant jeu des métaphores du vivant, incroyable fécondité des métamorphoses successives par lesquelles se disent aussi bien l’ouverture de la rose que le chant d’amour, le faible éclat du lampyre dans la nuit d’été."
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Tâcher de comprendre quelque chose à l'AUTOMNE de l'ÂGE
'vous descendez, Nikolaï, Olga, main dans la main des Montagnes Russes, vous titubez un peu, comme grisés par les mouvements, les taches de couleur, vous jouez à la Tombola - une fois vous gagnez, une fois vous perdez et vous vous réjouissez pareillement du gain, de la perte -, vous allez en courant, vous faufilant parmi la foule joyeuse, jusqu’à la Confiserie emplie de mille merveilles, vous sautez comme des cabris, vous êtes un peu fous, c’est une telle ambroisie la jeunesse et puis, elle est inépuisable, toujours un jour vient après l’autre...'
'vous descendez, Nikolaï, Olga, main dans la main des Montagnes Russes, vous titubez un peu, comme grisés par les mouvements, les taches de couleur, vous jouez à la Tombola - une fois vous gagnez, une fois vous perdez et vous vous réjouissez pareillement du gain, de la perte -, vous allez en courant, vous faufilant parmi la foule joyeuse, jusqu’à la Confiserie emplie de mille merveilles, vous sautez comme des cabris, vous êtes un peu fous, c’est une telle ambroisie la jeunesse et puis, elle est inépuisable, toujours un jour vient après l’autre...'
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NEO-FANTASTIQUE
Cela a commencé une nuit dans le lourd sommeil des hommes. Comme un bruit d’orage, un roulement continu, le fracas d’un torrent sur l’étrave du rocher.
Cela a commencé une nuit dans le lourd sommeil des hommes. Comme un bruit d’orage, un roulement continu, le fracas d’un torrent sur l’étrave du rocher.
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Défi
GAVROCHE lui-même
"Oui, je ne rêve pas, c’est bien l’éléphant de la Place de la Bastille que je vois distinctement avec ses flancs de plâtre que traversent en maints endroits les quadrillages de fer rouillé qui lui servent d’armature. Au milieu d’une crevasse d’ombre, qui est l’ouverture pour entrer dans le ventre du pachyderme, un visage hilare, des cheveux en broussaille, un air narquois en même temps qu’accueillant, je pourrais dire resplendissant."
"Oui, je ne rêve pas, c’est bien l’éléphant de la Place de la Bastille que je vois distinctement avec ses flancs de plâtre que traversent en maints endroits les quadrillages de fer rouillé qui lui servent d’armature. Au milieu d’une crevasse d’ombre, qui est l’ouverture pour entrer dans le ventre du pachyderme, un visage hilare, des cheveux en broussaille, un air narquois en même temps qu’accueillant, je pourrais dire resplendissant."
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MYDRIASE
[NB : Ceci doit être essentiellement lu comme une fable onto-métaphysique se construisant sur le mode d'une narration fantastique. Cependant, malgré son caractère fictionnel, certaines vérités pourraient bien y apparaître en filigrane. C'est, du moins, ce que nous croyons.]
"Du sol montaient une visqueuse irrésolution, de ténébreuses fibres s'invaginant dans l'antre étroit du sexe ou bien s'enroulant autour de sa hampe dressée comme pour une ultime érection. Les yeux étaient cadenassés et la proche perdition de l'homme sifflait aux oreilles avec son bruit de rhombe. Des silex, parfois, entaillaient les lèvres et du sang bleu coulait, longues larmes suspendues dans la résille du temps."
[NB : Ceci doit être essentiellement lu comme une fable onto-métaphysique se construisant sur le mode d'une narration fantastique. Cependant, malgré son caractère fictionnel, certaines vérités pourraient bien y apparaître en filigrane. C'est, du moins, ce que nous croyons.]
"Du sol montaient une visqueuse irrésolution, de ténébreuses fibres s'invaginant dans l'antre étroit du sexe ou bien s'enroulant autour de sa hampe dressée comme pour une ultime érection. Les yeux étaient cadenassés et la proche perdition de l'homme sifflait aux oreilles avec son bruit de rhombe. Des silex, parfois, entaillaient les lèvres et du sang bleu coulait, longues larmes suspendues dans la résille du temps."
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[Note de lecture : Le narrateur, un journaliste, part au bord du lac de Lugano pour y écrire un article sur Gérard de Nerval. Il voyage en compagnie lointaine d’une passagère que, dans son imaginaire, il nomme « Ephémère ». Arrivé à l’hôtel où descend également son « accompagnatrice », il rédige son papier alors que la nuit bascule, que les songes l’envahissent au point qu’il en perd toute notion de réalité, mêlent indistinctement paysages, Aurélia, Ephémère, devenant Gérard Labrunie lui-même que son sort tragique rattrape. Il rejoindra Paris sur l’ordre d’Ephémère qui lui désigne la corde de son destin : pendu Rue de la Vieille-Lanterne en janvier 1855. Ainsi, parfois, le sort des « poètes maudits » est-il de faire s’épancher « le songe dans la vie réelle » au point de lui vouer un culte mortel. NB : en fin de texte se trouve une « écriture à quatre mains » faisant alterner la belle prose de Nerval (en italique) avec la mienne (en graphie normale). Belle lecture en territoire fantastique !]
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Voyez-vous, parler des couleurs, c’est comme parler du temps ou de l’espace. C’est une tâche infinie au motif qu’une couleur en appelle toujours une autre, que les gradations de l’une à l’autre sont inépuisables, que notre naturelle subjectivité en précise les contours à sa propre manière qui n’est nullement celle des autres qui ont à juger de ces formes polyphoniques. C’est le pur domaine de la sensation, aussi convient-il de puiser en soi les ressources qui les définiront, ces couleurs, et les inscriront sur l’intime palette que notre regard intérieur définit en tant que notre climatique particulière. Nous sommes si sensibles à leur phénomène que, le plus souvent, elles prennent valeur symbolique. Ainsi le noir indique-t-il le deuil, le blanc la pureté, le jaune l’énergie, le vert l’espérance, le bleu le rêve, le rouge la passion, le rose la sensualité. Mais ce sont encore des généralités qui n’ont de valeur qu’universelle et ne nous concernent que d’assez loin. Peut-être attribuons nous à telle couleur des vertus autres que celles que lui confère la tradition ? Nous sommes d’abord des individus qui nous questionnons nous-mêmes avant d’interroger le vaste monde.
Ce qu’il faut faire, c’est particulariser la notion de couleur, en faire une singularité de la vision telle qu’unique en son genre. Il faut différer du concept commun, faute de quoi nous ne ferions que peindre et repeindre de touchantes images d’Epinal. Imaginons ceci : le monde est encore partiellement incréé, chaotique, doué d’énergies primordiales qui bouillonnent et s’impatientent de surgir sur la grande scène de l’Univers. Pourrait-on dire qu’on voit quelque chose de distinct, d’approximativement formé, le contour d’une chose, le dépliement d’un sens ? Non, on ne voit rien et c’est comme si les yeux étaient immergés dans un genre de chaudron où nagerait une poix épaisse, gluante et nos yeux seraient soudés et nos yeux seraient aveugles. Tout est NOIR, dans le noir le plus absolu qui se puisse imaginer. Un noir qui serre les tempes, entoure le corps de bandelettes de momie, soude la conscience au rocher sourd de l’anatomie. Un noir pareil à une pierre d’obsidienne plongeant au cœur de sa propre nuit. Autrement dit un noir qui immobilise et ne produit nul avenir, seulement un point fixe d’où rien ne peut émerger que le trouble confondant du Néant. Le noir comme fermeture absolue.
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