Quartier7
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Au départ, quand on venait de s'y mettre avec les copains, on a cru que ça ne prendrait que quelques heures. On a cru que c'était un puzzle comme un autre. Puis on s'est rendu compte qu'il était interminable, comme si le nombre de pièces se multipliait à chaque fois qu'on y revenait. C'était mystérieux, pour ensuite devenir complètement angoissant, quand Jimmy disparaît un matin alors qu'un énorme tas de pièces de puzzle recouvre son lit, justement là où sa mère l'avait vu pour la dernière fois. Très vite, c'est la panique qui s'empare de la commune.
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Défi
Il faisait froid. C'était long. J'avais qu'une envie: rentrer chez moi.
Les gens autour devenaient ennuyants. J'en avais assez.
Je savais bien qu'il fallait que j'arrête d'être aussi négatif tout le temps, mais c'était trop dur. Faire des efforts, c'était plus mon truc.
Après une semaine passée en vacances, avec ces personnes envers qui je ne portais aucun intérêt, j'en avais la certitude: je suis insociable.
- Max?
J'entendais quelqu'un m'appeler à un mètre même pas. Je me retourne.
C'était la jolie fille. La plus charmante de la colonie; celle qui suscitait l'attention de chacun et qui amenait à se poser pleins de questions sur son compte. Discrète mais charmeuse. Une gentille fille mais je l'aimais pas trop; elle savait bien qu'elle avait les cartes en mains. Faussement banale, quelque chose comme ça.
- Julie, c'est ça?
On était que dix dans la colo. Evidemment que je connaissais son prénom. Elle sait que j'en joue pour lui montrer mon indifférence, mais elle ignore.
- On va dans la forêt avec les autres; tu vas te décider à venir?
Je souffle. Face à la mer, les pieds dans l'eau s'accrochant au sable mouvant, je regarde l'horizon alors qu'elle attend derrière pour ne pas avoir les pieds trempés.
- J'aime pas la forêt. Je préfère la plage.
- Dis plutôt que tu n'aimes pas le groupe.
La tonalité de sa voix était sectaire. Puis elle avait répondu du tac au tac. Comme si elle en avait quelque chose à faire de moi.
Il y avait un petit silence. Paisible ce bruit de vagues déferlant sur le sable. Je sentais bien qu'elle attendait une réponse.
Je m'en fichais totalement.
Mais elle insite.
- Viens je te dis! C'est pas cool que tu te mettes à l'écart tout le temps! Qu'est-ce qui ne te va pas dans le groupe?
je réponds toujours pas. Un autre silence s'installe, puis j'entends qu'elle se mouille les pieds pour s'approcher de moi et pouvoir me parler dans les yeux.
- Ça fait bien une heure que tu restes immobile ici.
Elle suit la direction de mon regard. Elle attend un peu avant de reprendre:
- Qu'est-ce qui te plaît dans ce paysage?
J'en ai assez d'elle. Elle joue. Elle est un personnage tout fabriquée. Elle est vue et revue.
Pourtant j'ai pas envie de la faire fuir. Alors je retiens mon soupir. Mais je me trouve ridicule. Elle mérite pas mon attention. J'ai pas de temps à perdre pour elle.
Elle est lourde, mais elle continue son petit speech. Elle veut une réponse; un dialogue. Elle l'aura pas.
- J'ai jamais compris comment ça pouvait être beau. Pourquoi les gens voyagent pour voir des paysages comme ceux-là? Finalement, d'une certaine manière, il n'y a pas grand chose à voir. Une étendue mouvante de bleu foncé qui s'arrête nettement par une ligne droite, avec au dessus un ciel d'un autre bleu, lui aussi foncé. Il fait nuit. Il y a des points jaunes, mais le reste est uniforme.
Ses paroles avaient l'air authentiques. En tout cas, elles étaient intéressantes.
Elle a les bras croisés, le regard interrogateur vers le ciel. Elle avait de beaux yeux marrons.
Merde. J'étais en train de la regarder.
- Non, je ne comprends vraiment pas. L'infini et le non-accessible attirent l'attention des humains. On ne peut pas voir ce qu'il y a au-delà; donc pourquoi chercher?
Elle me regarde.
J'ai envie de lui répondre, mais je résiste.
Jusqu'à ce que je croise son regard.
- Je ne cherche pas.
Elle sourit.
Je ne souris pas.
Mais son sourire persiste.
On s'observe mutuellement, pénétrant dans le regard de l'autre.
Le silence prend place; cette fois pour de vrai. Ses cheveux lisses s'agitent dans le vent. Ils viennent la déranger sur son visage. Elle ne prend pas la peine de les remettre en ordre. Elle laisse le vent faire.
Elle est belle.
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"Si tu étais un être surnaturel; quel pouvoir souhaiterais-tu avoir?" m'avait interrogé mon père il y a une trentaine d'années. J'avais 12 ans et j'avais réfléchi à cette question pendant plusieurs semaines. Il m'avait fallu imaginer une multitude de versions que ma vie pouvait avoir, et enfin choisir celle qui m'enthousiasmait le plus. Je ne voulais pas me tromper. C'était une question futile à laquelle j'attribuais une importance incroyable.
Lorsque je lui ai donné ma réponse, mon père ne l'attendait plus et avait oublié à quelle conversation je me référrais.
"Je sais papa !" M'étais-je exclamé. "Je serais invisible! Ce serait ça, mon super-pouvoir!"
Il avait froncé les sourcils et puis voilà. Me concernant, ce choix que j'avais consciencieusement fait, avait formé des images si puissantes qu'il était resté dans ma mémoire comme s'il avait eu un réel impact dans ma vie.
Comme j'ai pu être stupide.
Aujourd'hui, mon rêve de petit garçon est accompli.
Je suis invisible. Je n'ai rien fait pour ça - aucune prière, aucun sacrifice, rien. J'ai eu la chance de me faire percuter par un camion de 40 tonnes. C'est tout.
Je roulais dans ma Range Rover. J'arrivais tranquilement sur un carrefour routier. Et bam; le miracle s'est produit. J'étais totalement fauché, inerte - presque mort en fait. En tout cas, visuellement j'en avais l'air. Je n'ai rien vu venir. Je n'ai même pas eu le temps de comprendre que mon souhait le plus fou allait être exaucé. Si j'avais pu tourner la tête vers la gauche, peut-être j'aurais pu entrevoir mon actuelle merveilleuse réalité : j'ai toujours l'air aussi mort.
Mes os sont toujours aussi visibles; ma peau toujours aussi blanche et flétrie que lorsque j'ai croisé d'un peu trop près les 40 tonnes ambulantes.
Bref, depuis ce miracle que les médecins appellent un grave accident; je suis là sans que personne ne s'en doute. Autour de moi, ma famille, le personnel médical, et mes quelques amis pensent que je suis mort. Ils ont tous vu les catastrophes sur mon corps et n'ont gardé aucun espoir de me revoir.
Lorsqu'ils viennent, ils ne me voient pas. C'est fantastique. Ils serrent fort mes mains. Je peux sentir leur contact et la fraîcheur de leurs larmes sans qu'ils le sachent; je peux les écouter sans qu'ils s'en rendent compte.
Regardez comme c'est génial d'être invisible. En effet, je n'avais rien demandé pour avoir ce pouvoir. Je m'étais juste dit que dans une autre vie, dans une nouvelle dimension, ça serait sûrement mon pouvoir.
Mais voià que aujourd'hui, je deviens fou en me répétant perpétuellement que peut-être ; si je n'avais pas choisi ce pouvoir et que j'avais réinventé ma vie avec un autre aspect surnaturel - alors oui peut-être j'aurais passé le carrefour tranquilement, et poursuivi ma route dans ma Range Rover.
Il y a eu un bug dans la programmation de ma vie. J'en suis sûr ! Et c'est à cause de moi! *horreur*
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