Non, mais sérieusement ?!
Quand tu m'as achetée, mon étiquette t'annonçait clairement la couleur : CASA Bougie, 6.99 €.
Et pourtant, je suis là, depuis 2 ans, déposée lâchement sur ton bureau, telle une vulgaire décoration.
Tu crois que j'aurais vu la lueur d'un briquet depuis tout ce temps ? Méééé non, Môdame n'est pas foutue de m'allumer!
Je suis là. J'attends. Bêtement.
Mais moi, MOI, j'ai été créée pour rencontrer ma flamme. Ma destinée est de me consumer petit à petit. Donner de la chaleur, de la joie même. Je suis néée pour mettre l'ambiance, oserais-je dire, mettre le feu...
Je pose. Je te fais de l'oeil. Je te tends mes promesses.
Trop occupée à regarder cet écran, tu n'as d'yeux que pour lui. Cette horrible lumière blanche.
Je pourrais te donner tellement.
Allume-moi.
S'il-te-plaît.

J'ouvre les yeux. Sa présence m'avait animé je crois. Ou peut-être sa main qui m'avait saisi sans douceur. J'observe mon nouveau compagnon avec attention, il ressemble à tous les autres : glabre, potelé et maladroit.
Il dégage une chaleur enveloppante et son odeur de caramel m'enivre , je m'endors avec lui.
Nous nous apprivoisons. Moi, doudou; Toi, bébé.
Je suis gris clair, ma trompe est longue et douce, si longue que sa main s'y aggripe sans cesse et si douce que ses doigts s'y enroulent.
Il pleure, me serre, je le réconforte. J'ai froid, il me serre et me réchauffe.
Nous sommes inséparables. Son lit est mon paradis, la crèche, un enfer bruyant et la maison de mamy sent le vieux poireau. Je suis son premier mot.
Il ne veut que moi et je ne veux que lui. Mon parfum unique le rassure pour la maternelle. Il pleure à peine.
Son lit est ma prison. Ma trompe est usée et j'ai perdu un oeil. Voici la première primaire, il part une figurine à la main.
Je ne réconforte plus personne et grisaille de poussière.
La fin déjà. C'est arrivé si vite. Le sac poubelle se referme sur moi.
Une vie courte, de calins caramel, à éponger les rires et les larmes.
Une belle vie de doudou.

Quelqu'un t'avait-il déjà mis la main sur le coeur? Des amants, sans doute. Papa, enfant, peut-être. Ton mari, c'était plutôt des claques sur la gueule. Mais la mienne était différente. Déjà, elle ressemblait à la tienne. Et son intention n'était ni frivole, ni caline. Ses sens étaient en éveil, elle scrutait, écoutait. Ton coeur battait-il encore ? Quelques minutes plus tôt, l'agitation. Le corps médical se débattait avec tes veines. Tes proches se débattaient avec leurs émotions. Discussions, chuchotements, rires même. Tu t'inquiétais, la mort viendrait-elle te prendre aujourd'hui ? Tu étais pressée de partir, gênée de retarder les plus occupés. Le métal cliquote froidement. Les pieds d'une chaise racle le sol. Une voix se pose à tes côtés, rassurante. L'aiguille s'enfonce enfin. Je m'agenouille, sans un mot. Plus rien n'existe. Juste toi et moi. Je saisis ce moment, le savoure. Des mots doux sortent de ma bouche. Je pose ma main sur ton coeur. Il bat lentement. Ma paume craint et souhaite ce silence. Le voilà. Mamy, toi qui étais si bruyante. La vie t'a quittée, sans un bruit.