
Gracchus Tessel
Les plus lues
de toujours
Recueil d'anecdotes que j'ai pu noter au gré de mes déplacements. Trois fois rien. Des bribes de vie. Quelques vieux souvenirs aussi.
Ce sont des choses vues directement.
Ce sont des choses vues directement.
57
29
5
7
Recueil informe de nouvelles, au gré des inspirations. Cela pourra être des nouvelles à chute ou de courts textes, selon l'humeur.
C'est du vrac, j'avoue. Bienvenue chez moi quand même.
C'est du vrac, j'avoue. Bienvenue chez moi quand même.
5
1
2
31
Il s'agit d'une nouvelle sous la forme d'un polar minimaliste. Car il y a eu un meurtre et le coupable n'est pas évident à identifier...
7
9
9
29
Son bureau donnait sur le vieux fort de Georgetown, avec la mer à l’horizon. L’Alliance française de Malaisie, fort modeste en dimension, bénéficiait d’un emplacement privilégié depuis qu’elle avait récupéré les locaux d’un ancien magasin de tissu.
Alexandre Lartimon, son directeur depuis deux ans, y appréciait la sérénité de l’endroit, la vue apaisante dont il jouissait de son bureau, et la gentillesse de ses collègues, expatriés ou non. Organiser les cours de français, préparer des soirées francophones, faire vivre le français au-delà des frontières hexagonales, tout cela le passionnait depuis longtemps.
A Penang, il coulait enfin des jours heureux. A trente-neuf ans, il occupait un poste de direction enviable. Sa famille lui manquait parfois, il est vrai. Quelques soirs, la solitude lui pesait plus que la touffeur des lieux. Mais il ne parvenait pas à se lasser de sa vue sur l’océan indien et venir travailler dans ces conditions lui semblait un luxe dont il souhaitait jouir encore longtemps.
Vers dix heures, ce matin-là, Layala, à l’accueil de l’Alliance, l’appela sur son téléphone.
« Alexandre, bonjour, il y a une dame qui voudrait vous parler. Madame Jodovan… Non ? Attendez, comment vous dites que vous vous appelez madame ? Jdanova ? Ok, merci. C’est madame Jdanova. Elle me dit qu’elle travaille au centre culturel russe de Singapour. Est-ce que vous pouvez la recevoir ? »
Alexandre avait bien quelques menues affaires à préparer, mais rien qui puisse servir d’excuse à refuser d’accueillir son homologue russe. Il s’étonna tout de même qu’elle n’ait pas prévenu de son arrivée. Ils auraient commandé un teh tarik avec du roti canai. La ventilation brassait un air tiède, le teh tarik froid s’imposait. Ou alors, il aurait pu solliciter Puri qui tenait un restaurant français où on pouvait trouver des croissants à peu près corrects avec du bon café. Cela aurait été plus convenable, sans doute. Il n’eut pas le temps de finir son inventaire de la gastronomie protocolaire que Layala était déjà dans l’encadrement de la porte.
« Bonjour, est-ce que vous voulez que je vous apporte quelque chose ? On doit avoir du thé.
- Merci Layala, du thé, ça ira très bien, si madame Jdanova est d’accord. »
Layala ressortit et laissa la place à une jeune femme aux longs cheveux noirs. « Du thé, cela me conviendra tout à fait » répondit-elle dans un français impeccable, avec une légère pointe d’accent russe.
Elle posa son sac sur un fauteuil et s’approcha d’Alexandre qui était resté pétrifié.
« Lenka ? » souffla-t-il sans y croire.
Le jeune femme eut un petit haussement des épaules, tourna un peu dans le bureau et choisit de se mettre à la fenêtre, de regarder la mer, toujours en silence.
« Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?
- D’après toi, Alexandre ?
- Te venger. »
Lenka se retourna vers lui dans un grand éclat de rire. Elle se détendit et vint s’asseoir sur le deuxième fauteuil en osier. Sa beauté illuminait la pièce, mais Alexandre la dévisageait avec méfiance.
« Je ne m’appelle plus Lenka, pour commencer. Je suis redevenue Iulia Jdanova.
- Peu importe. Que me veux-tu ?
- Calme-toi, Alex. Je suis un peu déçue à vrai dire. J’aurais pensé que tu aurais été un peu content de me revoir. »
Alexandre faillit s’étrangler, mais aucune parole ne sortit de sa bouche. Tout un flot de souvenirs ressurgit dans sa tête, tous se bousculaient avec fracas. La psychologue lui avait appris à construire des murs pour éviter que le passé ne revienne le hanter, pour aller de l’avant, mais face à Iulia, cela se fissurait à grande vitesse. Il sentit les vieilles passions l’inonder. La colère, la trahison, la honte, mais aussi, l’amour. Il devait lutter contre ce dernier, de toutes ses forces, ne pas laisser rejaillir la flamme de cette ancienne histoire.
12
1
1
22
Il y a des livres qui nous marquent plus que d'autres. Ils sont arrivés dans nos vies à un moment particulier, parfois ils ont créé des changements dans nos vies. Ce ne sont pas toujours des chefs d'oeuvre - rarement même.
Avec le projet d'autobibliographie, je cherche à expliciter comment ces livres ont eu une influence sur moi. C'est donc à mi chemin entre la fiche de lecture et l'autobiographie. Même s'il s'agit plus de raconter une petite histoire autour du livre plutôt que de raconter le livre.
Bref, pour les lectrices et lecteurs curieux, y aura de quoi faire. Pour les autres, j'espère que ça peut intriguer. Enfin, nul n'est obligé de s'infliger des lectures de lectures fatigantes.
Avec le projet d'autobibliographie, je cherche à expliciter comment ces livres ont eu une influence sur moi. C'est donc à mi chemin entre la fiche de lecture et l'autobiographie. Même s'il s'agit plus de raconter une petite histoire autour du livre plutôt que de raconter le livre.
Bref, pour les lectrices et lecteurs curieux, y aura de quoi faire. Pour les autres, j'espère que ça peut intriguer. Enfin, nul n'est obligé de s'infliger des lectures de lectures fatigantes.
6
5
0
20
Défi
Devant le miroir, Maellina fit le constat sans appel de la situation. Ce n’était pas avec ses tubes de gouaches qu’elle deviendrait influenceuse beauté.
9
7
0
0
Le givre passait sous la fenêtre de la cuisine qui donnait sur le petit square de la cité. Nicole voyait quelques balcons décorés de guirlandes clignotantes. Cela masquait mal le crépi lépreux des immeubles mais apportait malgré tout un peu de joie en cette période hivernale.
Depuis ce matin, elle attendait 15h et son rendez-vous sur Skype. Elle avait fait attention à sa toilette, mis une broche dorée sur sa robe, et sa coiffure était impeccable. De temps en temps, elle jetait un œil dans le miroir du salon pour s’assurer que son apparence n’avait pas changé. On pouvait très bien avoir soixante-huit ans et ne pas se laisser aller.
Pourtant, ce n’était pas si facile de tenir. Après une vie entière à servir des assiettes dans les cantines scolaires, à nettoyer les couloirs de la clinique, sa retraite ressemblait à une insulte. Sans le complément vieillesse, sans doute aurait-elle dû recourir au Secours populaire. Il y avait des mois où il fallait compter les patates. L’hiver, elle ne chauffait pas tout l’appartement, seulement le salon. C’était comme ça. Elle consommait peu d’énergie, ça, elle était dans les recommandations gouvernementales sans discuter. Quand on est pauvre, on est écolo, de manière forcée.
Son mari était décédé d’un cancer des poumons, vite généralisé, qui l’emporta en six mois. C’était il y a trois ans, déjà. Sa vie sur les chantiers de construction n’avait pas été facile et il ne s’était jamais plaint. Il avait fini sa vie les poumons noirs de tabac, le dos en morceaux, un genou en plastique et avec une retraite quasiment inexistante. Certains chantiers au noir payait bien, mais ça comptait pour rien ensuite. S’il avait su, avait-il avoué à Nicole, s’il avait pensé qu’ils seraient si pauvres dans leurs vieux jours, sans doute aurait-il fait différemment. Il avait continué à travailler un peu, comme ça, entre voisin.
Nicole avait dû apprendre à vivre avec le vide. Le décès de son époux l’avait plongée dans une profonde tristesse, malgré le soutien des amis, celui de sa sœur aussi. Mais elle était seule, dans cet appartement, et le frigo squelettique la déprimait encore plus.
Mais aujourd’hui, c’était Noël. Elle avait préparé un bon repas. Elle avait bien déjeuné et oubliait ses soucis pour la journée. C’était son cadeau pour elle-même, ne plus penser à rien.
Ses deux enfants, Anthony et Natacha, habitaient loin dorénavant. L’aîné avait brillamment réussi ses études et travaillait à Singapour pour une entreprise de transport maritime. Il s’était marié avec une Australienne, Kathy, et ils avaient deux enfants, Nicolas et Arthur. Elle ne les avait vus qu’une seule fois, il y a deux ans. Mais Anthony tentait d’organiser des Skype avec la famille pour que les petits la voient et qu’ils parlent français. La connexion n’était pas toujours très bonne et elle n’avait pas grand-chose à leur raconter. Au bout de dix minutes, les enfants parlaient anglais et quittaient la pièce. Elle restait alors toute seule face à un canapé vide, attendant sagement qu’Anthony revienne. Cela prenait parfois un peu de temps. Il s’excusait, promettait de rappeler plus tard, et raccrochait. Les rendez-vous s’étaient espacés forcément. Et le décalage horaire n’arrangeait rien. Même si elle était fière de la réussite de son fils, elle ne pouvait s’empêchait de regretter qu’il fût si loin. Mais ils avaient tout fait pour qu’il fasse de bonnes études, l’école c’était important à la maison. Et réussir, ça voulait dire quitter Roubaix. Elle l’avait accepté.
Natacha de son côté travaillait à Paris. Elle vivait avec son compagnon, un breton de Dinard, dans un bel appartement de la rive gauche. Elle bossait dans la communication pour un groupe international dont Nicole n’avait jamais entendu parler. A Noël, Erwan et elle avaient pris l’habitude d’aller à Marrakech, où les parents d’Erwan louaient une grande maison pour toute la famille. D’ailleurs Nicole était invitée, chaque année. Mais elle n’avait pas les moyens de se payer le billet d’avion. Et puis quels cadeaux aurait-elle offert à ces gens ? L’écart se creusait avec ses enfants, elle les voyait s’éloigner progressivement. C’était bien normal et jamais elle ne leur en fit le reproche. Natacha lui promettait des réunions Skype tous les lundis soir. Alors tous les lundis soir, Nicole se branchait sur Skype et attendait que sa fille se connecte. Cela n’arrivait pas souvent. Mais lorsqu’elles parvenaient à échanger, c’était toujours un moment joyeux. Elle regrettait qu’ils ne viennent pas la voir. Roubaix, c’était pas la jungle quand même. Elle les aurait bien reçus. Sinon, elle serait bien allée voir sa fille à Paris. Hélas, Natacha travaillait beaucoup, et n’était pas disponible le week-end. La mère ne dit rien, et se contenta de la guetter le lundi sur Skype.
Aujourd’hui, pour Noël, à 15h, ils seraient tous connectés. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas vus les deux ensemble, même par écran interposé. Cela lui procurait une grande excitation et espérait que la connexion serait assez bonne pour qu’ils puissent échanger tous les trois sans problème. Natacha lui avait assuré qu’à Marrakech ça captait d’enfer. Anthony avait promis qu’il serait disponible à cette heure-là, les petits auraient dîné.
A 14h45, Nicole avait déjà mis l’ordinateur en route et lancé Skype. En attendant, elle avait fait un peu de thé, qu’elle versa dans une grande tasse. Elle était prête. L’excitation ne lui permettait pas de se concentrer sur le Reader’s digest qu’elle lisait d’un œil distrait. Bientôt elle verrait le visage familier de ses grands enfants.
Mais à 15h, Skype restait vide. 15H10 passa. Elle ne comprenait pas pourquoi ils n’étaient pas connectés. On était bien le 25 décembre. Et Internet fonctionnait parfaitement. Elle hésita à redémarrer sa box. Peut-être y avait-il eu problème ? Elle prit son téléphone pour envoyer un SMS à Natacha. Ils n’avaient pas pu l’oublier comme ça.
Aucun message sur son portable. Elle regarda par la fenêtre. Les décorations sur les balcons, ces petites preuves de joie familiale, lui firent mal au coeur. Elle était toute seule, et ses enfants l’avaient même oubliée. La magie de Noël, tu parles.
Elle retourna devant l’ordinateur. Toujours rien. Les ingrats, pesta-t-elle intérieurement. Après tous ces sacrifices, quand même, c’était dur.
Il y eut une sonnerie à la porte. Les enfants des voisins s’amusaient dans les couloirs. Elle dressa l’oreille, d’habitude elle entendait leurs pas résonner sur le palier dans un éclat de rire étouffé. Mais là, rien. Un échange à voix basse tout au plus.
La sonnerie reprit.
Nicole ouvrit, inquiète. Sur le paillasson, elle vit Natacha et Anthony derrière un gros bouquet de fleurs. Il ne pouvait pas y avoir plus heureuse surprise pour elle. Ils étaient devant elle, un peu essoufflés mais souriant : « Joyeux Noël maman ! ». Oui, c’était son plus joyeux Noël depuis longtemps.
*
3
8
4
5
Défi
Bien sûr, Jean-Michel était un compétiteur dans l’âme. Ces dernières années, il avait particulièrement développé des compétences mentales, avec un psy qui le coachait avant les grandes épreuves. Il n’en restait pas moins lucide.
Selon toute vraisemblance, il allait perdre cette ultime partie de cache-cache.
7
1
0
0
Défi
Grâce à une nouvelle technique, le Grand Urbaniste avait littéralement fait dérouler deux grands immeubles de béton en bordure de la Ville. Devant tant de beauté fonctionnelle, il eut un petit orgasme.
6
4
0
0
Défi
A l’école des Beaux Arts, le professeur Amstutz avait coutume de présenter cette photo à ses étudiants de première année. Cet arbre encapsulé dans une goutte de verre provoquait généralement des réactions intéressantes et en disait long sur leur imaginaire. La fragilité de la nature, la force de la vie, la beauté de la simplicité, voire la poésie des éléments primaires – une forme d’éternité sensible. Il ne s’attendait pas à la réflexion de Maellina : « Ah ouais, comme il a dû faire trop de likes le mec avec ça ! »
Le professeur se dit qu’en effet c’était peut-être un peu facile. Il passa très vite à la prochaine image.
4
3
1
0
Défi
Maellina avait toujours su qu’elle était douée et ne s’était jamais découragée malgré les échecs précédents. Grâce à la réalisation de cette étagère, elle avait enfin réussi : l’obtention de sa ceinture rouge et or de feng-shui, option ikebana, était pour elle un accomplissement personnel inespéré.
4
4
0
0