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Katouche la mouche
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Ma vie, mon oeuvre... j'avais envie de poser ce que je suis, en détail, parce que je suis persuadée que ce que j'ai vécu, d'autres l'ont vécu également. La sagesse que j'ai pu en retirer, je veux la transmettre. Parce que ce monde manque de sagesse. Ce sera ma contribution, même si ça ne ralentira pas le réchauffement climatique.
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Les premières vacances au ski, c'est un peu comme quand tu es enceinte pour la première fois. Tu idéalises à mort, parce que tu ne peux compter que sur ce que les autres t'ont raconté de l'expérience. Tu rêves de dévaler les pentes à toute allure, moulée dans ta côte de ski Quechua, les cheveux au vent, avant de détendre tes muscles endoloris au bar de la station, en sirotant un vin chaud, le visage tourné vers le soleil pour parfaire ton bronzage de déesse et faire bicher tes collègues au retour de vacances.
Cher lecteur, permets-moi de t'expliquer une fois pour toutes la réalité de cette semaine. Elle qui va te coûter un mois de salaire dans le meilleur des cas, un genou dans le pire, mérite d'être anticipée pour en tirer la substantifique moelle.
Commençons par le commencement : la route. S'il s'agit de ton premier séjour au ski, je suis en droit de penser que tu résides à un minimum de 500 kilomètres de la montagne la plus proche. Ce qui signifie que tu vas te retrouver avec tes compatriotes, lancée à 130, puis 90 pour finir à 30 km/heure arrivée à 100 kilomètres de ta station. Ton GPS t'a calculé un trajet de 6h30, tu as estimé que tu aurais largement le temps de t'installer, louer tes skis et t'élancer sur les pistes pour la fin de journée.
Utopiste que tu es. Soit déjà contente d'arriver avant la fermeture des magasins. Tu l'as compris, tu skieras demain.
Bien entendu, tes enfants étaient enchantés de ce voyage. Attends de dépasser les huit heures de voiture. Cette idée de les laisser au chenil pour la semaine ne te semblera peut-être plus si incongrue.
Tu es arrivée à ta location. Tu te rends compte que 20m2 pour quatre personnes, ça n'est pas très grand. Tu pensais ta relation amoureuse d'une solidité à toute épreuve, tu ne sais pas encore que vingt-cinq pour cent des couples envisagent le divorce à l'issue du séjour. Tu mets à profit le visionnage des dix épisodes du rangement par Marie Kondo et tu parviens, par on ne sait quel miracle, à transférer le contenu de tes quatre valises dans les deux micro-placards à ta disposition.
Il est maintenant temps de louer le matériel de ski de toute la famille. Tu arrives à la boutique, impatiente de disposer enfin de ton outil de travail. La vendeuse te tend une paire de chaussures dont le poids excède celui de la trousse à maquillage de la famille Kardashian. Tu te tortilles pour tenter de faire rentrer ton pied, tu te sens un peu comme les sœurs de Cendrillon devant la pantoufle de verre. Tu te niques deux ongles en essayant de la fermer et tu envisages à court terme une ablation des orteils pour gagner de la place. Et pourtant, quand la vendeuse te demande si tu es à l'aise, tu lui dis oui, juste pour ne pas avoir à renouveler l'opération.
Tu manques un battement quand apparaissent les chaussures des enfants mais tu t'accroches à ton instinct maternel et calcule mentalement la perte calorique que l'enfilage de trois paires de chaussures orthopédiques t'occasionnera sur les cinq prochains jours.
Arrive le moment tant attendu de chausser pour de vrai chaussures et skis. Engoncée dans ta combinaison, pas si seyante que cela finalement, tu te bats avec tes enfants qui pleurent parce que le pied ne rentre pas, que la chaussure est trop serrée, que le bonnet les gratte et que la neige est trop froide. Tu te dis que dans dix minutes, ils seront à leur cours et que tu seras au moins tranquille pour deux heures. Si et seulement si, tu retrouves ces fichus gants que tu es presque sûre d'avoir mis dans la valise. Pour faire bonne mesure, tu gueules sur ton mec qui s'impatiente, trois paires de ski sur les épaules.
Les gants sont retrouvés, les enfants expédiés au moniteur. Il est temps de monter sur tes skis. Pour la première fois. Tu n'as pas pris de cours pour toi, ceux des gosses ont déjà coûté un rein et tu as besoin du second. Forfait en poche, financé par le PEL ouvert par tes parents, tu prends le pli du tire-fesses après une chute aussi douloureuse pour ta fierté que pour ton arrière-train. Te voilà enfin en haut de la piste (verte), prête à t'élancer. Au bout de dix minutes de glisse fastidieuse, tu es tellement crispée que tu ne sens plus tes jambes mais au moins, tu maitrises le chasse-neige. Ton homme décrète alors que tu as le niveau pour une belle bleue, bien facile, dit-il. Trois chutes plus tard, tu te retrouves en PLS au milieu de la piste en te demandant si le sauvetage en hélicoptère est compris dans ton assurance.
Tu finis à pied, ton salaud de mari hilare en bas de la piste. Seule la raclette de ce soir te maintient en vie. Tu récupères tes monstres qui viennent de finir leur cours par une piste rouge et qui sont ravis de t'annoncer que le ski, c'est super facile ! Tu ravales des idées d'infanticide et repars au studio en boitant, les tibias bleus et le nez cramoisi.
Je te rassure, cher lecteur, une fois avoir survécu à cette première journée et si tant est que tu parviennes à finir cette piste verte sur tes deux jambes, ne te resteront au cœur que le sourire de tes mômes, la blancheur de la neige et le goût du vin chaud en terrasse.
Et tout comme pour la seconde grossesse, ne te reviendront ces mauvais souvenirs que l'année suivante, dans la boutique, face à la vendeuse souriante, te demandant si tu es confort dans tes étaux de ski.
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Défi
La peur paralyse. La peur fait qu’on ne fait rien. La peur fait son chemin dans notre tête et coupe tout lien avec la réalité. Tout à coup, tout semble insurmontable. Se lever, bouger, sortir, choisir.
J’ai l’impression d’avoir eu peur toute ma vie. Peur d’échouer mais surtout de réussir. Peur qu’on me demande de faire plus que ce que je ne savais faire. Ou plus que ce je croyais pouvoir faire.
Je passe mes journées à regarder ces gens qui font, qui vivent, qui se mettent en danger. Je les regarde, je les envie. Je me dis qu’il doit être possible pour moi d’avoir cette vie. Pas leur vie mais au moins une vie. Plus remplie, moins statique. Je dois cependant affronter ce que je suis : je ne suis pas une faiseuse, je suis une penseuse. Et les penseurs, par nature, envisagent tout et surtout le pire. C’est là qu’intervient la peur.
La peur prend aux tripes et avant même que l’on ne s’en rende compte, notre canapé est devenu notre panic room. Il est le cocon au fond duquel nous sommes en sécurité. A l’abri du danger. Mais de quel danger ? Celui d’enfin faire quelque chose, de prendre des risques ?
Nous vivons dans une société où nous avons tant à perdre et si peu à gagner, semble-t-il. Mais qu’avons nous à perdre, si ce n’est notre temps et notre énergie.
J’écris ces mots du fond de mon canapé, entouré de mes écrans, de mes filtres protecteurs. Ma télé, mon téléphone, ma tablette, mon PC, mon MacBook. Combien d’écrans sont nécessaires pour absorber la vie des autres ? Combien d’écrans dois-je mettre entre moi et le monde extérieur pour me sentir en sécurité ?
Quand j’étais petite, je n’avais pas cette conscience du danger. J’écris le mot danger comme si cette notion avait un quelconque sens dans mon mode de vie. Mais jusqu’à l’âge de 10 ans, j’avais l’impression de n’avoir peur de rien. Et puis l’adolescence est venue, avec son lot de doutes et d’insécurités. Je me suis sentie différente et j’ai tenté de me conformer, sans succès. J'ai étouffé mon potentiel et j'ai embrassé les joies d'une vie simple.
A quel moment prend-on peur de ses capacités et décidons-nous de ne pas les utiliser ? Avec le recul, je me rends compte que j’aurais pu faire ce que je voulais. Mes parents m’auraient suivi si je leur avais demandé. Mais, parce que j’ai toujours été entourée et aimée, j’ai peut-être eu peur, par-dessus tout, de perdre ce cocon dans lequel j’avais grandi ?
Agir, se mettre en danger, c’est accepter que les autres ne vous suivront peut-être pas. Ai-je eu peur de prendre mon envol ? De partir du nid ? D’être désavouée par les miens ?
Je n’ai jamais vécue seule. Je n’ai quitté le cocon familial que pour m’installer avec mon homme. J’ai souvent dit que je ne craignais pas la solitude, mais sans l’avoir jamais vécue. Certes, j’apprécie d’être seule chez moi, je ne crains pas le silence. Pour la simple et bonne raison que je sais que ce silence va être rompu en fin de journée ?
Et puis agir, c’est prendre des décisions et on en revient à la mise en danger. Non pas d’autrui mais de soi. Que faire si cette décision n’est pas la bonne ?
On en vient à ne pas vivre pleinement par peur de prendre un mauvais chemin. Mais existe-t-il réellement un mauvais chemin ? Je veux dire, quand nos parents nous ont donné de solides bases, que nous n’avons pas de névroses qui nous feraient déraper vers des pentes glissantes, quand nous savons que notre famille nous soutient, existe-t-il réellement un mauvais chemin ?
Quand, arrivé à une patte d’oie, nous est donné le choix entre plusieurs chemins, comment choisir ? Le plus long, le plus court, le plus calme ou le plus excitant ? D’autant que la vue de la patte d’oie peut être trompeuse. Nous ne voyons jamais qu’un bout du chemin, nous envisageons le voyage entier par les quelques mètres devant nos yeux. Car il faut bien prendre une décision.
J’ai littéralement eu à faire ce choix, un été de vacances avec mon père. Nous étions partis pour une aventure en canoë, et quelques minutes après notre départ, il m’a laissé le choix entre deux bras de rivière. D’où je me situais, je ne voyais qu’n bras calme d’un côté et quelques rapides de l’autre. J’ai naturellement choisi le bras calme. Celui-ci s’est vite transformé en rivière sauvage, nous avons dû éviter quelques branches et nous avons perdu une casquette dans la bataille. Et encore aujourd’hui, je me demande ce que nous aurions trouvé en passant de l’autre côté. Certes, le départ avait l’air plus effrayant, mais au moins, nous pouvions nous y préparer. Alors que le chemin que nous avons emprunté en toute confiance nous a pris de court.
A cette question, je n’attends aucune réponse, car les deux chemins menaient à notre destination, et nous ne prenions aucun risque réel ni d’un côté, ni de l’autre.
Ce que je veux dire, c’est que nous ne pouvons juger notre futur sur les quelques mètres que nous voyons devant nous, et nous créer un cocon protecteur ne signifie pas que celui-ci sera pérenne.
Alors pourquoi ne pas faire ? Pourquoi ne pas accepter de se mettre en danger ? Pourquoi laisser la peur nous guider dans nos choix ? Je laisse cette question en suspens, parce que je n’en ai toujours pas la réponse et je ne l'aurai peut-être jamais.
Peut-être faut-il faire son deuil de sa vie rêvée et accepter celle, imparfaite, qui se présente à soi. Accepter de la vivre à fond, sans trop penser aux conséquences de ses choix, tant que ceux-ci n’entrent pas trop violemment en conflit avec nos valeurs.
Et puis accepter que nous ne pouvons pas tous être des aventuriers, que le monde a aussi besoin de penseurs. Qu’il n’y a pas de hiérarchie entre ceux qui font et ceux qui regardent, tant que tout est fait avec bienveillance et dans le souhait de faire évoluer sa vie et celle des autres dans le bon sens.
Un serment d’Hippocrate à destination des masses.
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Le défi est lancé : pourquoi j'écris ? C'est parti !
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Défi
Mon petit moi, ma petite chose, mon grand bébé.
J'avais besoin de te parler de nous, de toi et de moi. De nous qui composons cette personne qui tente de traverser sa vie la tête haute.
Tu te poses beaucoup de questions actuellement. Tu ne sais pas si tes choix sont les bons. Tu ne sais pas si tu pars sur le bon chemin. Tu aimerais que l'on te dise que tout va bien se passer pour continuer à avancer sereinement.
Tout ce que je peux te dire aujourd'hui, c'est que je t'observe depuis de nombreuses années. Et que j'ai confiance. J'ai confiance en ton jugement, j'ai confiance en tes choix. J'ai confiance en toi.
Tu as toujours su rebondir, malgré les cailloux dans tes chaussures, malgré les pierres sur le chemin. Tu as quelques fois pris des détours pas très heureux, des raccourcis qui n'en étaient pas, des chemins escarpés qui t'ont fait tomber. Mais tu t'es toujours relevée.
Alors souviens-toi des passages herbeux, des traversées de champs de fleurs, de la canopée qui t'a protégé. Souviens-toi que malgré les errances, ton chemin a toujours été pavé de l'attention des autres. Souviens-toi que ce chemin, tu ne l'as jamais arpenté seule. Souviens-toi de ceux qui t'ont épaulé, soutenu, porté parfois. Dis-toi que leur chemin à eux est tout aussi chaotique que le tien. Plus pour certains.
Regarde en arrière et prends conscience du chemin parcouru. Compte les petits cailloux dans tes poches, comme autant de souvenirs, heureux ou malheureux. Sens leur poids dans ta main, comme ils sont nombreux, comme tu es chanceuse de pouvoir les contempler. Débarrasse-toi des pierres trop lourdes qui t'empêchent d'avancer. Ne garde que ce que tu peux porter.
Dis-toi que la vie est comme ce chemin. Il n'existe aucune ligne droite vers ta destination. Seuls des tours et des détours qu'il te faudra arpenter, des croisements qu'il te faudra passer, des choix qu'il te faudra assumer.
Alors assume. Assume qui tu es, assume ce qui te fait avancer. Assume tes choix, les bons comme les mauvais. Ils ne reflètent qu'une partie de toi, ils ne te définissent pas entièrement. Ne te juge pas trop sévèrement, ça ne ferait que te ralentir. Et ralentir n'est pas la solution. L'important, ce n'est pas le temps passé sur ce chemin mais bien la distance parcourue.
Va aussi loin que tu peux, en faisant juste attention de ne pas perdre de vue ceux qui marchent avec toi. Sois là pour les soutenir, les épauler et les porter si nécessaire. Sois pour eux ce qu'ils sont pour toi. Des compagnons de route qui font un bout de chemin ensemble.
Et si un jour vos chemins se séparent, ne te lamente pas sur ce que tu as perdu. Ajoute un petit caillou dans ta poche et transposes-y tout ce que tu veux garder.
J'ai confiance en toi, parce que tu as déjà parcouru tout ce chemin gracieusement, en tentant de faire le moins de mal possible. On ne peut contrôler le chemin qu'il nous reste ni l'empreinte qu'on y laissera, on ne peut que contrôler la longueur de nos pas et la façon dont on l'abordera.
Il est difficile de trouver son chemin si l'on marche à reculons. Alors, s'il te plaît, ne regarde pas trop en arrière, parce que le meilleur est à venir et qu'il se trouve devant toi.
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Elle est fatiguée. Tout est douloureux. Parler, bouger, respirer. Être. Prétendre. Qu'elle va bien, qu'elle est heureuse, que tout est pour le mieux.
Tout n'est pas pour le mieux. Tout est pire depuis longtemps. Elle essaye, quelques fois, de trouver un point de départ, une raison objective. Une façon d'expliquer pourquoi elle est comme ça. Elle se dit qu'en trouvant ce qui a tout déclenché, elle parviendra à trouver une solution pour prétendre mieux et peut-être, qui sait, aller mieux.
Elle a forcément été bien, à un moment de sa vie. Ce moment, elle voudrait se le remémorer, y reprendre des forces, mais il lui échappe. Elle ne sait pas quand les murs se sont refermés sur elle mais depuis, ils bloquent tout. Le soleil, les rires, la chaleur. Elle ne sent plus. Elle est vide, grise et terne. Un trou noir, qui aspire l'énergie autour d'elle sans jamais pouvoir la libérer.
Elle voit les gens, inconscients de son vide, tournoyer autour d'elle, comme des abeilles travailleuses, occupés à vivre leur vie. Elle les envie, parfois, de ne pas savoir. De ne pas connaitre les abysses qui habitent son corps, qui noient son esprit. Ils sont heureux, inconscients de cette tristesse qui la submerge.
Quelques fois, ils tournent vers elle leurs yeux interrogatifs, comme s'ils sentaient le froid sourdre de sa peau. Alors vite, elle endosse sa peau d'abeille, bourdonne, détourne l'attention. Les voilà rassurés, autorisés à revenir à leur quotidien.
Elle a été comme eux, avant. Elle a ri, souri, aimé, vraiment. Sans prétendre. Les sensations doivent être quelque part en elle, elle n'a juste plus la clé pour les retrouver. La clé, la force, l'envie. Des mots qui l'épuisent.
Le monde tourne, elle s'est arrêtée. Comme une montre fatiguée qu'on n'a pas pris le temps de remonter. A quoi bon. A quoi bon continuer ainsi. Pour quoi ? Pour qui ?
Partir, prendre le large. Pour de vrai, pour de bon. Elle n'apporte rien à personne et personne ne lui apporte rien. Partir. Pour soulever le voile de sa mélancolie, aller voir ce qui se cache, derrière. Que risque-t-elle ? Rien, le néant, elle est déjà dedans.
Elle explore ses options, se découvre un centre d'intérêt morbide, savoir comment. Comment partir ? Comment réussir. Ne pas foirer ça aussi. L'ultime insulte. Ne pas réussir à vivre et ne pas réussir à mourir. Elle doit au moins gagner cette manche-là, pour obtenir SA revanche sur la vie.
A moins que... à moins que quelqu'un ne la regarde et ne la voit, que quelqu'un ne l'entende et ne l'écoute, que quelqu'un ne tende une main vers elle et ne la touche.
Vraiment.
Elle voudrait sentir à nouveau, qu'on lui donne l'impulsion qui la ferait de nouveau tourner avec le monde, qui la ferait s'échapper de sa singularité, qui lèverait le voile tombé sur sa vie, qui remplirait le vide.
Attendre. Encore une heure, encore un jour ou une semaine. Attendre la vague de trop ou la bouée de sauvetage. Qui viendra en premier ? Qui, de la mort ou de la vie, remportera le combat ? Qui, de l'espoir ou de l'oubli, prendra sa main et lèvera le voile ?
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Défi
Le vent se lève et frappe les parois de la tente. Au loin, le grondement caractéristique d'un orage en approche. Le tonnerre roule, résonne sur les parois rocheuses des montagnes environnantes. Il encore loin, il gronde sourdement mais sûrement, et chaque nouvelle charge le rapproche inéxorablement du campement de fortune où je me trouve.
Je ne suis pas seule dans cette tente, mais je suis la seule à ne pas dormir. J'attends, avec une impatience mélée d'anxiété que cet orage prenne forme, qu'il se rapproche et nous englobe. Je l'appelle de mes voeux. Qu'il fasse baisser la température infernale de cette nuit, qu'il nous isole du monde extérieur pour un court instant.
La pluie commence doucement à tomber. Elle s'écrase sur le tissu de notre abri, avec ce bruit caractéristique qui a bercé les étés de mon adolescence. Je reste allongée, sur mon matelas, à écouter le bruit de la pluie mêlé à la respiration calme de mon voisin. Il semble que je sois la seule à savoir que le ciel ne va pas tarder à abattre sa colère sur nous. Cette colère, je la souhaite épique, terrible et grandiose.
Les rafales de vent se font plus pressantes, le tonnerre plus sonore et je sais maintenant qu'il ne reste que quelques minutes de répit avant que le chaos ne s'abatte sur nous. Je n'ai pas peur, bien au contraire. Je suis inconsciente des arbres autour de nous, des dangers que cet orage pourrait nous faire courir. J'ai peur de mon ombre, mais pas des éléments.
Et soudain, une lumière vive éclaire l'intérieur de la tente. L'espace d'un instant, tout est illuminé. Sacs, chaussures, vêtements, rien n'échappe à cette clarté aveuglante. Puis le silence, quelques secondes avant un craquement sonore qui semble faire trembler le sol. L'orage est là, il est proche et il est féroce. Il s'est approché vite, plus vite que je ne l'avais anticipé, et il nous surplombe. Les éclairs se succèdent, le tonnerre les suit, de plus en plus rapproché, jusqu'à ce qu'une simultanéité nous donne l'information essentielle : l'orage est sur nous. La pluie s'est intensifiée et fait tellement de bruit qu'il est impossible de s'entendre parler. Seule la pensée existe maintenant au milieu de ce chaos.
Et moi, inconsciente du danger, protégée par une pièce de tissu d'une finesse extrême, je me délecte de ce chaos et de cette fureur. Je garde les yeux grands ouverts et m'esclaffe à chaque nouveau craquement. Je ris de plaisir, je ris de terreur, je ris d'assister d'aussi près à la puissance des éléments. Je me sens faire partie intégrante de cet orage, de cette nature, de cette colère salvatrice. Je me perds dans le bruit des gouttes qui s'écrasent comme un raz de marée, je voudrais ouvrir la porte pour assister au spectacle, me dresser dans la tempête et qu'elle me lave, qu'elle me recharge ou qu'elle m'emporte, .
Mais je n'en fais rien. Parce que j'en connais les dangers et parce que je ne suis pas seule. Alors j'attends. Que l'orage s'éloigne, que la pluie cesse, que cette odeur d'azote soit remplacée par le pétrichor, cette odeur si caractéristique du sol chaud après la pluie.
L'orage passe, le calme revient et le sommeil aussi. Comme si cette tempête avait balayé en moi toutes mes craintes, tous mes doutes, tout le mal. Ne reste que la tranquillité, la plénitude et cette langueur que la fraîcheur retrouvée apporte à nos corps.
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Aimer, souffrir et aimer plus fort. Aimer, trahir mais aimer encore.
Désirer, convoiter, se perdre et admirer.
L’autre, l’âme soeur, le karmique. Le jumeau, le confident, l’amoureux chronique.
Aimer la beauté, aimer la laideur, voir les qualités que l’être aimé abhorre.
Idéaliser, mettre sur un piédestal. Se rendre compte, bien trop tard, de cette union bancale.
Mais aimer encore, aimer toujours, comme si notre vie en dépendait.
Comme si les peines, les coups au coeur n’avaient jamais existé.
Aimer de nouveau. De tout son coeur, de tout son corps, voir le beau.
Voir le grandiose de cet être. Chercher à le comprendre, apprendre à le connaître.
Et espérer, une fois de plus, que cet amour sera le dernier.
Le plus grand, le plus fort, le plus inespéré. Et vouloir être vu, espérer être lu, être compris, être entendu. Espérer que cet autre puisse voir aussi tout le bon que notre être contient au fond de lui.
Aimer fort, aimer juste, aimer tout simplement.
Aimer l’autre, s’aimer soi indifféremment.
Ne plus être seul dans nos prisons mentales, partager la charge et partager les larmes.
Partager les joies, les fou-rires, les plaisirs, partager les peines, les traumas, les souvenirs.
Mais partager, échanger, caresser, effleurer, animer, envouter, écouter et aimer, découvrir, s’enrichir des expériences à venir.
Apprendre, entendre et comprendre, patienter, s’exciter et surtout, oui surtout, exister.
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Vous êtes arrivé à la fin