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volume@tahiti

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œuvres
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Œuvres

Défi
volume@tahiti

Aujourd’hui, décision était prise de cuisiner pour le déjeuner ce plat automnal qui ne devait pas être bien compliqué ni très long à préparer, et qui accompagnerait fort bien les arancini achetés la veille. Mais la vie est ainsi faite qu’une montagne peut parfois être gravie bien rapidement, et que sous la plus anodine des plantes herbacées vivaces – une botte de trois poireaux, donc – se cache l’innommable. Un petit retour en arrière nous apprend que pour ne pas encombrer le frigo, ladite botte avait été disposée sur le rebord extérieur de la fenêtre. Puis rapatriée sur la table ce matin. Et c’est donc lorsque je tranchai les trois extrémités pour retirer les racines que m’apparut… l’ARAIGNÉE !
« FUCKING HELL !! » beuglai-je dans un mouvement de recul immédiat, sous l’effet de la vision d’horreur. Rodrigo* (*j’appellerai ici mon fils Rodrigo, pour respecter la vie privée de Clément) me regarda d’un air un peu apeuré, il n’était pas trop habitué à de tels cris de ma part, il faut dire. Tentant de l’apaiser tout en m’évertuant à ne pas perdre de vue le léviathan arthropode, dans un numéro d’écartèlement oculaire assez complexe, je constatais dans un dégoût mâtiné de terreur primitive que la chose avançait pour se faufiler entre les yaourts situés sur la table.
Et l’envahissante vérité se dévoilait à moi : j’étais seul à la maison avec Rodrigo et ce n’était pas lui qui allait nous débarrasser de cette infecte pu*e des enfers (oui, bon, les qualificatifs jaillissent tous seuls dans ce genre de situation, excuse my french!). Mais ce moloch répugnant devait mesurer 2 cm et les pattes -que dis-je, des jambes !- au moins deux fois plus longues. Car oui, nonobstant une phobie manifeste, j’ai scruté la bête, funambuliste sur la corde raide entre la peur maladive qui m’ordonnait de détourner le regard, et la crainte qu’elle ne se volatilise qui m’intimait encore plus fort de ne pas. la. perdre. de. vue.
Bon. Il fallait agir. J’ouvre donc la porte de la maison. Je dispose une planche à découper devant l’arachnide immobile, que je tente d’orienter en poussant les yaourts avec un bout de poireau, tressaillant à chaque mouvement de la chose répugnante. Bon, une fois sur la planche, j’avise la cocotte-minute. Le plan est le suivant :
1) d’un mouvement rapide, je jette la planche à découper dans la cocotte,
puis 2) je cours avec la cocotte dans le jardin,
et 3) je jette la cocotte et j’attends qu’elle parte (l’araignée, pas la cocotte).
En option, j’ajouterai un 4) désinfecter la cocotte-minute à l’acide sulfurique. Mais pour l’instant, c’est bien la partie 1) qui me pose problème et moult questions existentielles : et si elle s’échappe de la planche AVANT que celle-ci ne tombe dans la cocotte ? Et si elle court sur mon bras ? (je n’aurai alors d’autre choix que de hurler en me cognant la tête sur les murs capitonnés d’un asile jusqu’à la fin de mes jours, en proie à cette scène que je revivrai encore et encore jusqu’au jugement dernier).
Avisant Rodrigo qui profite innocemment du soleil sur le pas de la porte en tentant de grignoter je ne sais quelle saleté apportée par le vent, je le soulève pour le déposer deux mètres plus loin, sur le tapis. Et retour aux choses séri… AH ! Vision d’HORREUR : dans l’intervalle de deux secondes qui s’est écoulé, ELLE A DIIISPAAAAAAAAAARRRRUUUUUUUUUUUU ! Elle ne bougeait pas et elle s’est volatilisée quasi-instantanément. Rien sur toute la table, rien sur le carrelage ! Where the hell has it gone?! Je me surprends à penser en anglais ; circuits neuronaux grillés par l’adrénaline ou réminiscence d’un séjour en Australie lors duquel j’ai pu croiser certains de ses congénères poilus et autrement plus conséquents : les huntsman (arachnophobe : ne google pas ce mot), que certains appellent « non mais celles-ci ne sont pas dangereuses et mangent les parasites ». Que dire… ?
Mais revenons à nos moutons (à huit pattes) : concomitamment à cette disparition s’enclenche donc le superpouvoir de toute araignée (screw you, spiderman!) : être potentiellement partout à la fois ; telle une créature d’un Schrödinger mal inspiré, elle est à la fois là et pas là. Absente, sa présence est plus pesante, plus monstrueuse, démultipliée. Un cheveu, les lignes dans le bois, une peluche, les longues tiges de la plante qui pendent, les franges du plaid : tout est comme un test de Rorschach maléfique : araignée, araignée, araignée ! Je transpire, je grelotte (serait-ce parce que la porte est restée ouverte et qu’il fait 3° dehors ?). Ma jambe me gratte, elle serait là ?! La scène de salon est burlesque ; Rodrigo joue tranquillement dans son coin, les enceintes de l’ordinateur diffusent l’électro-chill de Bonobo, et plane une sourde menace ; Kubrick, prends-en de la graine ! Le contraste entre l'apparent et le sous-jacent est vertigineux.
Gabriela* (j’appellerai ici ma femme Gabriela, pour respecter la vie privée de Juliette) nous retrouva quelque temps plus tard, Rodrigo endormi dans mes bras tétanisés, moi à la limite de concurrencer la pâleur du carrelage. La traque au sheitan brunâtre durera 2 minutes, à l’aide d’un verre (non, de deux, car le démon grouillant avait presque autant de poigne que Gabriela et qu’il fallut bien cela pour l’emprisonner - je défaille!) et d’une feuille de papier.
La Belzébête fut relâchée dans le jardin, des passants l’auraient vue en train de faire une clé de bras au chien du voisin, je ne veux rien savoir. Rodrigo, Gabriela et moi déménageons bientôt (Lubrizol et les effluves d’hydrocarbures passent encore, mais le voisinage de la cousine d’Arachne sans l’anneau ni Dard, c’est au-delà de mes forces), et ordre est donné au ministère de la défense de sécuriser la zone d’une bonne frappe orbitale. La rive gauche de Rouen devrait être annihilée sous peu.
Bref, la vie a une autre saveur une fois qu’on a frôlé les abîmes de la folie et les tréfonds de l’horreur. Pensez-y. Vivez, aimez, savourez la vie, mangez des churros… tant qu’il est temps !
Ah, et ces poireaux de Pandore ne sont toujours pas cuits… J’imagine que je n’en mangerai plus. Jamais.
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volume@tahiti
Poème en bouts-rimés à partir du "Lac" de Lamartine (Méditations poétiques, 1820).
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Défi
volume@tahiti

14:05. M. Seillo est un peu en retard, mais bon. Le Dr Loisel est lui-même rarement en avance... Bonjour M. Seillo. Asseyez-vous je vous prie.
Ah non, aujourd'hui il était justement à l'heure ! Bonjour Docteur. Vous avez enfin les résultats de mes analyses ? Vous aviez dit que vous vouliez me voir avant mon départ pour l'Argentine... Oui, en effet... Je voulais vous voir pour vous dire... Il se trouve que moi-même :
-- J'ai une fort mauvaise nouvelle à vous annoncer.
-- Ah bon, vous aussi ?! Si l'on met la situation de côté, ce serait presque drôle que nous arrivions à dire exactement la même chose en même temps... Oui, c'est cocasse. Allez-y, je vous en prie. Non, non, après vous. J'insiste.
-- Vous allez mourir.
-- Pardon ?! Qu'avez-vous dit ?! La même chose que vous, j'en ai peur... Mais comment ?! C'est à moi de poser la question !! Je suis médecin, et j'ai dû annoncer ce genre de nouvelles quatre ou cinq fois durant ma carrière, mais vous ?! Mais ce n'est pas possible ! C'était un simple bilan avant de déménager... Qu'avez-vous trouvé ?! Cancer du pancréas. Stade avancé. Je pensais qu'on en avait terminé avec l'intervention de l'année dernière, mais visiblement cela a recommencé, en plus foudroyant. Vous n'avez que peu de temps devant vous, ça ne pardonne pas. Attendez, mais n'inversons pas tout ! Vous, expliquez-moi ! Comment et de quoi vais-je mourir ?! C'est une mauvaise plaisanterie ?! Votre femme. Quoi, ma femme ?! Nous avons une liaison depuis bientôt un an, et elle veut vous quitter. Elle veut aussi vous tuer, à cause de ce que vous avez fait... ... Vous l'avez violée plusieurs fois au cours de votre vie conjugale, vous la harceliez pour qu'elle vous donne un enfant, vous avez des accès de violence imprévisibles, vous êtes possessif et maladivement jaloux... Je crois rêver ! Bref, elle veut vous quitter, mais pas sans se venger. Ni sans que vous ne sachiez que le coup viendrait d'elle. Elle a pris un avion ce matin, elle est partie juste après vous de l'appartement. Et moi, je suis censé la rejoindre après vous avoir réglé votre compte. Je ne vous dis pas comment, ce sera la surprise ces prochains jours. Mais je vous avoue que cette histoire de pancréas change un peu mon point de vue sur mes perspectives d'avenir... Mais je vais bientôt être père ! Vous ne pouvez pas faire ça ! Je suis le père de cet enfant. Faustine me l'a assuré. C'est grotesque, c'est un cauchemar ! Le cauchemar, c'était vous ! Quand... quand donc l'avez-vous rencontrée ? Je l'ai rencontrée dans votre salle d'attente, lors de mes nombreuses allées et venues il y a presque un an. Elle m'a pour ainsi dire sauvé la vie pendant cette pédiode difficile. Elle m'a soutenue et m'a raconté sa vie infernale avec vous. Mais comment quiconque pourrait tomber amoureux d'un déchet comme vous, tout livide et à moitié démoli par la thérapie ? C'est quelque chose que vous ne pourrez jamais comprendre, sans doute. Ca ne tient pas debout ! Vous n'êtes pas du même milieu, vous n'avez à peu près rien en commun ! Et ça va peut-être vous surprendre, mais Faustine est plutôt du genre calculatrice qu'altruiste. Je ne sais pas ce qu'elle vous a raconté et je ne vais pas m'étaler ici, mais elle m'en a fait voir de belles, elle aussi. Elle m'a dit que vous diriez des choses de ce genre... Mais enfin réfléchissez deux secondes ! On dirait un mauvais conte de fées ! "La belle et le mort-vivant"... C'est pathétique. Je vois surtout que tout ce qu'elle m'a dépeint est très réaliste ! Mépris, condescendance, méchanceté. Sans parler de déontologie douteuse : elle a dit que vous lui racontiez sans arrêt des anecdotes sur vos patients. Et le secret médical ? ... Et je ne vous dirait pas ce qu'elle m'a dit sur votre virilité pendant qu'on profitait de votre beau et grand lit.
Le Dr Loisel écarquilla les yeux, les mâchoires comme soudées entre elles. Si j'étais psy, je dirais que votre complexe de supériorité provient d'une certaine... infériorité manifeste.
Est-ce que ce furent les mots ou le petit sourire du patient qui déclenchèrent l'explosion chez le médecin ? La conséquence, elle, fut nette et vive : Loisel s'empara d'un lourd presse-papier en métal et frappa Seillo.
Dans sa chute, il tomba contre la bibliothèque du praticien, faisant dégringoler quelques livres.
Du sang dégoulinait de son crâne. Il se releva péniblement tandis que le médecin avait saisi son téléphone et composait le 18. Ou le 15, ah il ne savait jamais lequel était lequel !
Seillo jeta un volumineux Vidal vers le médecin. Celui-ci se protégea la tête de la main mais trébucha et lâcha le téléphone.
L'instant d'après, Seillo était sur lui. Du sang coulait à grosses gouttes depuis l'arcade du patient sur la blouse blanche du docteur. Maîtrisant le docteur de son poids, Seillo porta la main à sa poche et en sortit une petite seringue qu'il décapuchonna avant de la planter dans le bras du docteur.
Loisel toussa et hoqueta. Seillo le maintint au sol encore quelques minutes, jusqu'aux premiers spasmes.
De l'écume blanche monta aux lèvres de Loisel. Seillo expira profondément. Le sang coulait encore abondamment et il commençait à ne plus voir clair. Son corps devenait comme cotonneux.
Il ouvrit les yeux sans se rappeler qu'il les avait fermés. Il était allongé au sol. Le corps du médecin toujours à côté de lui. Seillo avait encore les paupières lourdes. Il entendit une sirène approcher dans le lointain.

Faustine jeta un oeil à sa montre et rajusta ses lunettes de soleil. L'océan était d'huile, le sable presque blanc. Elle posa la main sur son ventre, déjà bien arrondi maintenant. Une autre main se posa tendrement sur la sienne. Tout va bien ? Maintenant oui, Emiliano. Je crois que tout va bien. Notre fils a l'air impatient d'arriver, mais je suis prête.
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