Maigrophobie
Ça a commencé à peu près comme ça :
« À ce que je vois, tu auras la culotte de cheval de la famille. »
J'ai 13 ans. Je ne comprends pas vraiment ce que « culotte » et « cheval » font ensemble, mais à en juger par le regard de mon interlocutrice, ce n'est pas un compliment. Alors, instinctivement, je me tords dans tous les sens pour voir mon postérieur dans le miroir. Plus je le regarde, plus je le trouve énorme. Je complexe. Je le cache.
Puis, insidieusement, d'autres critiques fusent :
« La poitrine, à mon avis, tu peux oublier. »
« Putain, t'es blanche comme un cul. »
« C'est quoi cette horreur que tu portes ? »
Le pire, c'est que ces remarques viennent de ma famille. De femmes, qui plus est. Avant cela, je ne m'étais jamais posé la question de mon apparence. Je me sentais bien, et ça me suffisait. Mais peu à peu, ces mots se sont infiltrés dans mon esprit et ont fini par m'habiter totalement. Et sans m'en rendre compte, je me suis lancée sur ce long et tortueux chemin vers la non-acceptation de soi, offert avec amour par mes proches. [Merci.]
En grandissant, le regard des autres m’a poussé à supposer que je n’étais peut-être pas si horrible que ça. J’ai gagné en confiance, mais pas assez pour m'accepter vraiment. Parfois, j’ai osé me trouver jolie, mais l'illusion était vite balayée par une nouvelle salve de critiques. Elles avaient évolué :
« Pfoua, t'es maigre, t'es malade ? »
« On va finir par ne plus te voir ! »
« Tu ne manges pas assez, ce n'est pas possible. »
« Avec un peu plus de poitrine, ce serait mieux. »
« Delphine, elle serait bonne... mais seulement avec des seins. »
Et parfois, un peu d'humour : « T'es comme une cathédrale, les seins sont à l'intérieur. »
Pendant longtemps, j'ai encaissé ces piques lancées avec légèreté tel un « Salut, ça va ? ». J'ai toujours gardé le silence, car ces remarques venaient souvent de personnes elles-mêmes mal dans leur peau. Mais aujourd'hui, à 33 ans, après avoir donné naissance à ma fille, une question me traverse l'esprit : comment appelle-t-on les gens qui critiquent la maigreur ?
Je connais l'inverse : la grossophobie. Mais pour les « supposés » maigres ? Alors, j'ai demandé à mon meilleur allié, ChatGPT, qui m'a répondu : le terme équivalent à la grossophobie est « maigrophobie » ou parfois « minçophobie ». Bien que moins courants, ces mots désignent les discriminations, moqueries et jugements négatifs envers les personnes perçues comme trop maigres.
Alors, à toutes celles et ceux qui jugent le corps des autres, la prochaine fois que tu trouves quelqu'un trop mince à ton goût, sache que tu le discrimines. Pire, tu te moques et le juges. Si tu as le tact de ne pas dire à une personne en surpoids qu'elle est « grosse » en face, fais de même pour l'inverse. C'est exactement la même chose. Et surtout, c'est blessant.
On m'a toujours dit qu'on ne devait jamais reprocher à quelqu'un quelque chose qu'il ne peut pas changer en deux minutes. Alors, un peu de bienveillance.
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