L'as-ellyn
Naryl avait quitté la caverne comme si une horde d’orcneas le talonnait. Mais une fois arrivé dans la forêt, il s’arrêta.
Il était revenu sur le territoire du clan. La tanière n’était qu’à quelques pas, derrière la colline.
Que faire ? Yuja avait découvert son secret. Allait-elle le trahir ? Peut-être pas.
Alors que Naryl hésitait, le fumet puissant d’une femelle en chaleur s’engouffra dans ses narines. Soudain transporté, il se raidit, le cou tendu, et le huma. Qui pouvait sentir ainsi ? Ce n’était sûrement pas Yuja. De plus, elle était restée à la grotte.
Naryl parvint à s’arracher à l’emprise suffisamment longtemps pour réfléchir. Hormis Yuja, les femelles du clan étaient toutes pubères. Si leur odeur lui faisait un tel effet, sans même qu’il puisse les voir, qu’est-ce que ça allait être lorsque la lune rouge allait déployer ses pleins pouvoirs sur lui ! Il n’y avait pas trente-six solutions. Il fallait qu’il parte.
Naryl jeta un dernier regard à la caverne. Puis il prit le sentier qui s’enfonçait dans les bois. Maintenant que sa décision était prise, il se sentait mieux. Il était adulte, désormais. Les ellith du clan, toutes de féroces chasseresses, l’avaient initié dans leur guilde. Il était temps qu’il retourne chez lui et délivre sa mère et ses sœurs de la tyrannie Asvgal l’usurpateur. Il s’en sentait la force. Il allait le défier, et le tuer.
Si seulement il pouvait oublier ce parfum… l’odeur diabolique continuait à lui titiller les narines. Naryl grogna de frustration et réajusta son arc sur son dos.
Au milieu du chemin, Nanal l’attendait.
La plantureuse femelle avait quelque chose de changé : tout son être semblait recouvert d’un voile de poudre scintillante, tel que la lune bleue déposait sur les ailes des eyslyns. Surtout, elle était nue. Le tissu qui dissimulait habituellement son entrejambe avait disparu. Seule restait sa ceinture de coquillages et de gemmes, qui luisait sous les rayons de l’astre lunaire, soulignant sa taille fine et la rondeur de ses hanches. Et la fente mystérieuse qui s’ouvrait sur son bas-ventre, gonflée et ornée de perles d’aiguail.
Subjugué par l’apparition, le jeune mâle fit un pas en avant. Alors, Nanal s’accroupit au sol. Elle laissa perler une goutte – une seule – de son liquide secret, mêlé d’un peu d’urine, puis s’éloigna encore.
L’arôme capiteux saisit Naryl avec la puissance d’une attaque frontale. Ce parfum était plus envoûtant que celui du sang ou des entrailles fumantes à la curée. Plus fascinant que celui du luith de Eshm. Complètement transporté, Naryl accéléra pour se lancer à la poursuite de Nanal.
Cette dernière s’était mise à courir, sa petite queue fine se balançant sur ses fesses rebondies de façon indécente. Lorsque Naryl la rattrapa enfin, elle se jeta au sol sur ses quatre appuis et lui présenta sa croupe, faussement soumise. L’appendice caudal se plaqua le long dos afin de dévoiler ses appas.
Naryl sut instinctivement ce qu’il devait faire. D’abord, l’amadouer. On n’obtenait rien des femelles sans se les concilier au préalable, fussent-elles en chaleur ! S’il y avait bien une leçon qu’il avait apprise de Eshm, c’était celle-là.
Sans hésiter, Naryl saisit les hanches de Nanal et passa sa langue sur la fente suintante et offerte. L’odeur le rendait fou. Les gémissements aguicheurs de la femelle en chaleur encore plus. N’y tenant plus, il se débarrassa de son arc et de ses oripeaux. Puis, d’une main sûre, il s’empara de la queue de la femelle et la tira vers le haut, tandis que de l’autre, il empoignait son sexe déjà turgescent. À travers sa frénésie, il aperçut l’œil oblique de Nanal qui le regardait par-dessus son épaule. La lueur d’excitation qu’il y vit le décida.
Se souvenant des rituels amoureux pratiqués par Asvgal avec sa mère, Naryl se servit de sa verge pour caresser les replis charnus de la femelle, lui arrachant une salve de nouveaux couinements. Comme ces cris étaient excitants ! Mais il sut se retenir : ce n’était pas encore le moment. Patiemment, avec une expertise qu’il se découvrait, Naryl se frotta à Nanal, provoquant chez elle feulements rageurs et danse frénétique du bassin.
Après l’avoir bien badigeonnée du suc de ses fièvres, il se décida à plonger son organe affamé dans le tendre orifice. Enfin, le moment tant attendu arrivait ! Il montait une femelle. Naryl regretta un instant que ce ne soit pas Yuja, qu’il aimait bien. Mais elle était bien trop jeune.
Nanal, qui n’avait pas été prise depuis bien longtemps, émit un cri rauque lorsque le pilon mâle écartela ses chairs. Naryl avait beau être à peine sorti de l’adolescence, il était déjà plus grand que la moyenne des ellonil, et sa queue de devant, d’une grosseur peu commune, faisait souffrir sa partenaire. Elle essaya de se soustraire aux assauts furieux du jeune, afin de bénéficier plus longtemps des caresses adroites qu’il lui avait offertes. Mais le mâle en rut ne l’entendait pas ainsi. Il raffermit sa prise sur ses hanches et redoubla d’ardeur. L’extrémité de son panache ouvert vint titiller la pointe de ses seins, avant de glisser le long de son ventre, laissant sur la peau une traînée humide. La sensation de la bouche secrète sous la fourrure, et de la lourde odeur de luith dont elle était enduite, provoqua chez Nanal une nouvelle salve de rosée, qui inonda sa vulve et mouilla ses cuisses. Le pénis de Naryl coulissa plus facilement dans l’étroit couloir charnu. Son panache ouvert, lui, continuait son lent et capricieux cheminement vers le bas-ventre de la femelle.
— Oui, chuinta cette dernière en s’offrant derechef. Ici !
La bouche du panache avait trouvé son crochet de femelle. Il s’y fixa, puis se mit à le pomper longuement.
Les glapissements de Nanal se muèrent en rugissements. Assaillie par le plaisir, elle s’abandonna à la prise de Naryl, poussant son bassin d’une jouissance à une autre. Ce dernier la tenait fermement, l’empêchant de s’écrouler dans l’herbe.
D’une main, Nanal dégagea sa nuque pour encourager son soupirant à la mordre. Elle avait décidé que Naryl serait ce mâle-là, celui qui la marquerait.
Mais Naryl résista à la tentation. Il ne voulait pas faire de Nanal son as-ellyn. Échanger son sang avec elle, en faire sa proie, c’était engager une relation trop intime. Asvgal ne mordait pas n’importe qui : il ne réservait cela qu’à sa mère. Quant à lui, il avait déjà été trahi une fois.
Bientôt, leurs ardeurs se calmèrent. Le coït devint plus doux, et Naryl passa un long moment à lécher les seins et la bouche de Nanal, son bassin imprimant de lents va-et-vient entre ses cuisses. Lorsqu’il sentit sa femelle se tendre et s’épuiser, il se retira et se coucha à côté d’elle, face aux étoiles.
— Ah, tu sais y faire ! conclut Nanal avec un soupir appréciateur. Quelle chance d’avoir un mâle comme toi comme ard-ael !
Naryl lui jeta un œil curieux.
— Ard-ael ? Mais c’est Awhem qui dirige votre clan.
— Awhem est notre matriarche, certes. Mais toi, tu es notre mâle, Naryl. Maintenant que tu as eu tes fièvres, ce sera ton rôle.
— Les autres femelles ne seront jamais d’accord, objecta-t-il.
— Elles le seront, à la longue.
— Je ne pense pas. Nivi…Taryn...
— Nivi et Taryn ont subi un traumatisme. Cela ne veut pas dire qu’elles détestent les mâles. Elles ont confiance en toi, Naryl. Comme nous toutes. Elles savent que tu ne les forceras pas.
— Yuja.
— Yuja n’attend que ça, grogna Nanal. Tu es donc aveugle à ce point ? Et moi qui te croyais devenu adulte !
Nanal ne remarqua pas la soudaine détresse qui venait d’apparaître sur le visage du jeune mâle. Elle se redressa et commença à tresser ses cheveux : mieux valait que les autres ne voient pas le désordre de sa mise.
— Je serais là pour combler tes ardeurs le temps que les autres abaissent leurs défenses, Naryl. Tu peux compter sur moi : je suis plutôt gourmande, comme elleth. J’aime l’accouplement : cela m’a beaucoup manqué d’être sans mâle. Je crois que je peux me charger des fièvres d’un jeune ellon toute seule.
Un jeune ellon… Naryl garda pour lui le fait que, pendant le rut, il avait envie d’une femelle constamment. Mais désormais, Nanal lui ouvrirait les cuisses. La lune rouge serait moins pénible à supporter.
— Pour Yuja, n’attends pas trop, lui conseilla-t-elle. Les jeunes femelles ont besoin d’être saillies rapidement. Yuja a déjà eu ses chaleurs : elle est prête. Il faudra juste prendre soin à aller plus doucement avec elle, car sa fente n’a jamais reçu de mâle.
Rendu muet par la révélation, Naryl la regarda regagner la grotte d’un pas souple. S’emparer de Nanal à chaque lune rouge… Saillir Yuja… Puis, progressivement, toutes les autres femelles. Leur remplir le ventre de petits. Les voir mettre au monde et élever leurs portées, avant de monter leurs filles et de jeter les mâles hors du clan. Défendre le territoire des incursions ennemies. Voilà le futur que Nanal lui faisait miroiter.
Non. Il ne pouvait pas rester. Il n’était pas un ard-ael : il n’était le maître de personne.
Il se laissa retomber en arrière et contempla les étoiles, pensif.
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