- Tu n'as aucune aisance, aucun style. Tu es pitoyable, j'ai honte !

Le jeune homme à qui été adressé ses paroles baissa la tête avant de ramasser son arme tombée au sol. Il poussa un soupir exaspéré de sa propre maladresse et envieux de l'aisance au combat de son instructeur.

- 18...tu seras toujours plus forte que moi, mais je sais que je suis quand même doué. Regarde, ils ne m'ont toujours pas mis hors service, dit-il avec un sourire en coin.
Numéro 18 haussa les épaules avant de ranger son épée dans son fourreau. L'entraînement était fini, le jeune était doué, elle n'en doutait pas. Mais elle tremblait de le voir disparaître tout comme ses prédécesseurs. Ils étaient les seuls à prendre cette décision, maître de leur destin de simple humain. Une place parmi se méritait.

- C'est vrai, ça fait un an que tu donnes l'illusion. Méfie-toi quand même, ils n'aiment pas beaucoup les maigrichons. Ça t'arrive de manger ? Gronda-t-elle.
Il ne répondit pas. Il avait pour habitude de ne pas manger entièrement sa ration de fruit pour une raison qui lui échappait. Il n'en mangeait que la moitié.

- Rassemblement ! Gronda la voix indiquant que leur temps d'entraînement s'achevait. Les corvées allaient bientôt commencer. Tous les hommes et femmes présents sur le terrain s'alignèrent de façon très disciplinée le long d'une ligne invisible.

- Les constructions réalisées hier n'ont pas été suffisantes. L'avancement est trop lent. Nous vous rappelons que vous avez grand intérêt à construire ces murailles le plus vite possible. Lorsque les Sylviens attaqueront vous serez en première ligne.

L'être supérieur passa devant chacun d'eux une pierre pointue lévitant à côté de sa tête. Il s'arrêta devant le maigrichon l'observant de haut en bas.

- Toi, rappel-moi ton matricule !

- Je suis le numéro 55, j'ai été assigné comme tireur d'élite à la défense de la muraille. Je participe à sa construction nord.
Le numéro 55 baissa les yeux pour ne pas oser croiser le regard de son supérieur. Il ne souhaitait pas être puni et avait appris à se faire oublier. Il savait de toute façon que son passage ici n'était que temporaire. Ses souvenirs étaient brouillés, mais chaque jour, il attendait la venue de quelqu'un. Son sauveur viendrait bientôt le chercher. Il le savait et c'était peut-être pour ça qu'il ne mangeait que la moitié de sa ration, pour pouvoir la partager quand il arriverait. C'était tout ce qu'il savait depuis son arrivé ici et c'est à cet espoir qu'il se raccrochait tous les jours depuis...il ne savait pas exactement combien de temps.

- Tu seras responsable si la muraille n'a pas assez avancé sur le front Nord d'ici demain. Aucune nourriture ne sera donnée tant que les travaux n'auront pas été suffisant ordre du Maître. Dispersion !
Le jeune homme se mêla aussitôt à la foule rejoignant la camarade qui l'avait pris sous son aile à son réveil ici. Elle lui fit un signe de la tête pour lui indiquer d'aller plus vite.

- Ne t'inquiète pas, on va travailler plus vite ! Lui dit 18 en tapotant sur son épaule.

- Je ne m'inquiète pas, je ne vais pas rester longtemps de toute façon. J'attends quelqu'un.
Elle lui fit un sourire compatissant, parce qu'elle entendait cette phrase sortir de sa bouche sans arrêt. Le jeune homme ne cessait de le répéter jour après jour, depuis un an.