Chapitre 6

9 minutes de lecture

- La robe...c'est pas un peu trop ? Demanda Phil en observant le reflet d'Iris derrière son épaule.

Elle pencha la tête un air dégoûté sur le visage. Le Capitaine et Le Leader du camp 19 l'avaient forcé à enfiler cette horrible robe. Le tissu était blanc cassé parsemé de petit motif en forme de vaguelettes. Le vêtement était mi-long, arrivant aux cuisses de la jeune femme. Le haut était serré moulant son ventre et sa poitrine avant de s'élargir au niveau de la jupe totalement fluide et légère. C'était bien la première fois, qu'elle était obligée d'enfiler une telle chose, mais elle ne s'en plaignit pas. Ignorant le jeune homme la dévisageant avec désapprobation, elle détacha ses cheveux avant de les coiffer rapidement en un chignon bien serré. Il fallait qu'elle soit présentable et impeccable, la moindre erreur de sa part serait désastreuse pour son avenir.


- le chignon... Ça ne te va pas du tout.
Iris poussa un soupir, inspirant profondément afin de tenter de maîtriser l'agacement qui montait en elle. Phil était insupportable depuis quelques semaines, il ne cessait d'être sur son dos, pointant du doigt chacune de ses erreurs. Elle savait qu'il ne s'en rendait pas compte et qu'il se protégeait sûrement de son véritable chagrin. Mais elle était à bout de nerf à chaque fois qu'elle passait, ne serait-ce qu'une heure seule avec lui.


- Je n'y vais pas pour être belle de toute façon, mais pour rencontrer le conseil et me présenter.


-et c'est nécessaire, ils demanderont peut-être enfin à Eagal et ses chiens de nous lâcher la grappe.


Evan rentra en poussant la porte brusquement avant de jeter un rapide coup d'œil sur sa tenue. Iris bien que surprise, fut soulagée qu'il vienne interrompre les remarques de Phil. Elle n'aurait plus tenu longtemps avant de laisser libre sa colère.


- Tu es prête ? Nous ne devons pas être en retard.
Il lui fit un signe de tête, elle ramassa ses armes pour le suivre.


- Tu ne les prends pas désolé, dit-il en secouant la tête.

Iris ouvrit de grands yeux, elle n'aimait plus en être séparée à présent. Mais elle comprenait pourquoi elle ne devait pas les avoir. Elle sortit tout de même une petite lame de son attirail pour la glisser dans sa botte. C'était classique mais discret, elle aurait au moins de quoi se défendre. Evan approuva en esquissant un sourire en coin avant de lui faire signe.


- n'oublie pas de plaider pour Al, lança Phil sans ajouter un mot réconfortant.


- Je le ferais Phil.
Elle n'avait bien sûr pas besoin qu'il le lui demande, elle y allait dans cette optique. Ils devaient arrêter Le Voyageur et délivrer les Sylviens retenus par les sorciers. Elle se demandait si son ami était en vie dans quel état, ils allaient le retrouver. Plus les semaines passées plus son espoir, de le récupérer en pleine santé mentale se réduisait.


- Pouah !


- Sam ! Gronda Louis en se retenant lui-même de rire.

Iris les fusilla du regard après son entrée dans l'écurie, les deux idiots avaient explosé de rire sans retenu. Elle les ignora pour monter sur son étalon. Il était temps de partir.
Son cœur battit de plus en plus vite sur le chemin, au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient du camp 15. Le conseil avait décidé de se déplacer jusque-là pour rencontrer la jeune femme. C'était exceptionnel, mais ils ne souhaitaient apparemment pas qu'elle croise trop de monde.


- Tout va bien se passer, tu n'as rien à cacher de toute façon tout est authentique chez toi. De plus, tu maîtrises de mieux en mieux ton pouvoir. Tu pourras même leur faire une démonstration... Répéta Evan pour la centième fois de la semaine. Elle leva les yeux au ciel.


- Je reste dangereuse, le coupa-t-elle, vous n'avez quand même pas oublié ce que j'ai fait à Paterson et à mon ancien maître. À leurs yeux, je ne suis qu'une meurtrière...Une meurtrière intéressante. Ils ont peut-être raison, je pourrais brûler vif n'importe qui.


- Mais tu ne le feras pas, en tout cas pas intentionnellement.


- Ça ne change rien.
Evan jeta un coup d'œil à la jeune femme, elle avait serré ses doigts autour de la lanière en cuir de son cheval. Ses yeux étaient fixés au sol.
La voir ainsi le mit en colère, il n'aimait pas l'entendre se dénigrer. C'était pathétique.


- Au contraire, ça change tout. Tu es quelqu'un de bien Iris.


- ça ne veut rien dire. La frontière entre le bien et le mal est très fine et subjective. Vous êtes bien placé pour le savoir.
Il ne répondit rien. Elle avait raison, sa tentative pour la rassurer avait échoué. Alors il la laissa ruminer dans son coin, frustré de lui être inutile. Il aurait au moins voulu l'aider à se sentir mieux. Elle ne méritait pas tant de tourment.


- Rappelez-vous, nous devons rester unis. Personne ne sort du rang, quoi qu'il arrive. Souvenez-vous, Levoy peut facilement manipuler nos esprits, si vous voyez quelques choses d'étrange alerté le groupe, n'agissez pas seul. 

Le pays de Beinn sera sur ses gardes à notre approche. Nous ne devons pas les laisser prévenir Sylve. Je compte sur vous pour rester en vie. 

Evan regarda un par un les membres de son équipe de fugitif.  Il attarda ses yeux sur Iris, elle n'avait pas écouté un seul mot de son discours trop occupé à regarder les papiers qu'il lui avait donné la veille. Elle ne les avait toujours pas lues, elle avait sûrement peur de leur contenu. 

- Fleurette ! Tu as écouté ! Lança-t-il sèchement pour la ramener à la réalité. Elle sursauta avant de ranger les documents dans un petit sac en cuir pendant à sa ceinture. Elle hocha la tête.

- Oui... Interdiction de mourir, on reste groupé.

- C'est qu'on le connaît bien votre discours Capitaine, ricana Sam en grimpant sur son cheval. Cela déclencha une vague d'affirmation de la part des autres membres de l'équipe. Amy éclata de rire en voyant la mine contrariée de son camarade, elle lui donna une tape dans le dos.

- Aller en selle ! Il était super ton discours vieux frère !

Il la fusilla du regard avant de lancer son cheval au galop. 

Leur trajet dura seulement deux jours, mais il fut compliqué. Aucune route ne menant à leur destination, ils durent tracer leur propre chemin en s'aidant de la carte. Ils ignoraient pratiquement tout du terrain qu'ils allaient traverser. À plusieurs reprises, la densité des arbres, mais aussi des montagnes les obligerait à changer de direction. La fatigue était pesante pour tout le groupe. Ils n'avaient pas le temps de se reposer depuis le jour où ils étaient devenus des hors-la-loi. L'espoir d'arriver à leur destination ne les réconfortait pas, ils savaient qu'ils devraient encore se battre pour expliquer leur démarche. Si les Beinniens avaient eu vent de leur histoire auprès des sylviens, ils avaient beaucoup de chance de se faire arrêter. De plus, ils ignoraient tout de ce peuple et de sa façon de vivre. En temps normal, Evan appréciait l'inconnu pour nourrir sa curiosité. Mais il était lui-même épuisé. 

- Normalement, nous sommes à seulement quelques kilomètres de la frontière, déclara Louis après avoir examiné la carte avec attention. Il désigna leur position avant de tracer la ligne représentant la frontière avec son doigt. Amy acquiesça pour confirmer ses dires et Evan prit une décision. 

- Nous allons dormir ici, s'infiltrer durant la nuit ne fera qu'accentuer le doute autour de notre groupe. Nous devons faire cela dans les règles. 

Personne ne contesta, ils commencèrent à monter leur tente et à préparer leur lieu de campement. Iris s'occupa avec Sam de ramasser du bois afin de faire un feu, mais aussi d'organiser un cercle de protection. C'était Phil qui avait eu cette idée, il s'agissait simplement d'entourer leur lieu de camp avec du bois afin qu'Iris puisse l'allumer en cas d'urgence. Comme elle maîtrisait les flammes cela les protégerait des ennemis. 

La jeune femme en ramassant une branche sur le sol, se sentit soudain très angoissée. Elle avait encore ce sentiment venant la tourmenter, comme une mauvaise impression, celle d'une mort imminente. Elle en fit part à son amie.

- C'est normal, tu n'as pas encore bien l'habitude puisque tu t'es obstinée à ne pas avoir peur durant toute ta vie. Nous les humains normaux, nous avons peur de mourir de temps en temps. 

Iris la fusilla du regard.

- Je suis normale selon ma normalité... Mais merci de ta réponse.

- Ouais...j'imagine même pas l'échelle de ta normalité, petit dragon. 


Elle fut poussée par sa camarade, qui détestait son nouveau surnom.  
Sam reprit soudain un air grave avant de se pencher pour ramasser une bûchette.

- J'espère que nous ne courrons pas vers notre perte.

- J'ai confiance en nous, Sam. Louis  et Evan sont brillants. Je pense que s'ils agissent ainsi c'est qu'il y a de l'espoir. C'est suffisant non ? 

Elle haussa les épaules, observant son bout de bois comme s'il s'agissait d'un objet particulièrement intéressant.

- En tout cas, nous n'avons d'autres choix que de nous y rattacher. Heureusement, ma maison et ma famille sont auprès de vous tous, mais je pense à Louis, Phil et aux autres. J'espère que nous pourrons rentrer un jour pour eux. 

Iris hocha la tête approuvant ses mots, elle n'avait malheureusement pas la réponse à cette question. Elle aurait aimé pouvoir lui dire que oui, mais à Sylve, ils n'étaient plus les bienvenus. Eagal et le conseil les arrêteraient à peine la frontière passée. 

- Nous devons tout faire pour cela. Réussir notre mission nous permettra de tous rentrer dans notre pays. Peut-être que nous pourrons même ramener de nombreux sylviens chez eux. J'ai très envie de croire que nous allons faire évoluer cette guerre vers la paix.

Elle vit son amie baisser les yeux et serrer les poings. Elle avait oublié qu'il s'agissait d'un sujet sensible pour elle. Elle avait passé toute sa vie à haïr les sorciers pour la mort de ses parents avant de se rendre compte qu'ils n'en étaient sûrement pas les seuls responsables. Mais surtout qu'ils n'étaient pas maître de leurs actes. Sam avait encore beaucoup de mal à conscientiser cela.


- Changeons de sujet, tu veux bien ? Alors avec le Capitaine...

Iris lui lança aussitôt une bûche qu'elle esquiva en éclatant de rire. Les deux jeunes femmes leur tâche accomplie prirent le chemin du retour. Evan était sur les nerfs quand elles revinrent  les bras chargés de bois.


- Vous avez mis une heure pour récupérer tout ça ? Faire preuve de rapidité serait trop vous demander ?! 

Iris l'ignora s'excusant brièvement sachant que sa mauvaise humeur ne leur était pas destinée. Il était simplement à cran comme la moitié de leur équipe. Après tout être des fugitifs n'avait rien de réjouissant. 

- Pardon Capitaine, nous avons un peu trop discuté.

Phil et Orens les rejoignirent rapidement pour les aider à fabriquer la barrière. 

- Il nous crie dessus depuis que vous êtes parties, déclara Phil en s'agenouillant en face d'Iris. Elle lança un regard au Capitaine, occupé à écrire dans son petit carnet. Elle ne savait pas ce qu'il cherchait, mais il paraissait très inquiet.

- Tu devrais peut-être lui parler avant qu'il nous foudroie rien qu'avec son regard, proposa Orens à la jeune femme. Elle fronça les sourcils avant de dévisager ses camarades tous d'accord avec le garçon.

- Non, j'ai pas envie, je ne suis pas votre bouclier. Il se calmera tout seul, gromela-t-elle en serrant le nœud qu'elle avait peiné à réaliser. 

- Pauvre Louis...Victime de ta fainéantise.

Iris fusilla Sam du regard avant de tendre l'oreille pour entendre Evan hurler sur Louis. Elle poussa un soupir avant de se relever d'un bon maudissant ses camarades. 

Evan s'éloigna un instant du campement, sûrement pour se calmer. Elle en profita pour le suivre. Il s'arrêta à quelques mètres du campement avant d'escalader un arbre, ayant entendu la jeune femme le suivre, il lui tendit nonchalamment la main pour l'aider à grimper. La hauteur n'était pas son fort.

- Alors tes camarades se servent de notre relation pour faire de toi leur messager, dit-il sans peser ses mots. 

Iris haussa les épaules, elle savait qu'il devinerait tout seul ses intentions. Elle s'installa à côté de lui s'appuyant contre lui pour ne pas tomber. Il la laissa faire bien que contrarier par cet élan d'affection presque en public. Mais la sentir contre lui le détendit. 

- Je suis ici, car j'en avais envie. Néanmoins, j'aurais aimé savoir ce qu'annonce cette très mauvaise humeur que tu nous fais subir depuis quelques jours. 

Il ne répondit pas, mais posa sa tête sur le sommet de celle d'Iris avant de fermer les yeux. Il était tendu en effet, il avait ses raisons, mais en parlait à l'équipe n'aiderait pas. Il devait porter ce fardeau seul pour le moment afin de ne pas les perturber. Il était en fait très peu serein quant à leur entrée sur le territoire Beinnien. Il y avait de fortes chances qu'Eagal les ait devancées et qu'ils se retrouvent à nouveau en difficulté. Ce peuple avait pour habitude de tirer à vue, passer la frontière un combat dangereux s'engagerait. Pour montrer leurs intentions, ils devraient survivre sans pour autant se défendre.

Or, Evan n'avait aucune envie de perdre l'un de ses camarades. 



Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Reveusesanstalent ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0