Chapitre 8
- Nous avons obtenu un délai. Je dois poursuivre mon entraînement jusqu'à ce que je sois suffisamment forte pour mener à bien cette mission. Toute l'équipe devra aussi s'entraîner. Je n'ai pas réussi à les convaincre de rappeler les unités spéciales, mais Evan va s'en charger.
Iris observa ses amis, tous pendus à ses lèvres. Ils avaient attendu son retour avec impatience ne tenant que très peu en place. La jeune femme avait à peine eu le temps de descendre de son cheval, déjà Phil patientait devant l'écurie.
- C'est super ! Ça veut dire qu'ils croient en nous. Nous allons nous donner à fond. Avec Evan et Amy pour nous entraîner, nous serons tous très vite prêt, déclara Louis très optimiste pour une fois. Il affichait un sourire ravis, déjà motivé pour commencer l'entraînement. Sam lui rendit son sourire sans commenter, elle était d'accord avec lui.
Iris posa sur ses deux amis un regard attendri avant de le reporter vers Phil. Elle perdit aussitôt son sourire en voyant la mine contrarié qu'il lui adressait. Il la dévisagea de haut en bas avant de se lever.
- Si nous devons attendre que tu maîtrises parfaitement ton pouvoir...Nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Tu es incapable de...
Elle réagit aussitôt s'avançant vers lui pour lui faire face. Elle n'hésita pas à le pousser un peu pour tenter de le secouer.
- Je t'arrête de suite Phil ! Je ne veux plus entendre aucune de tes remarques désobligeantes. Je fais de mon mieux et je le sais, et tout le monde ici le sait. Je continuerai de m'entraîner jour et nuit pour parvenir à me dépasser, mais je t'interdis de me dévaloriser.
Il ouvrit de grands yeux avant de ricaner bruyamment. Sam et Louis se lancèrent un regard sentant le malaise envahir la pièce. Ils voulurent s'éclipser, mais la porte était l'endroit devant lequel le couple avait décidé de régler ses comptes. Ils étaient bloqués.
- Tu n'as rien à m'interdire, Iris. Tout le monde te couve bien trop ici, même le Capitaine midonne devant tes beaux yeux. Ça fait presque un mois, et je ne vois aucun résultat concret. MON frère attend depuis un mois !
Iris reçu ses mots comme une gifle, elle les accueillit en fermant les yeux cherchant à calmer la tristesse et la fureur qui se battaient à l'intérieur d'elle. Ses doigts se refermèrent en poing tandis que l'air de la pièce se réchauffait.
- Nous y voilà enfin, le moment que j'attendais ! Je suis coupable de la disparition de ton frère, très bien ! J'en suis consciente. Mais je ne te vois pas te démener pour le retrouver, mise à part critiquer nos efforts et descendre le moindre plan... Nous allons le retrouver, mais pour l'instant, tu n'aides en rien !
Phil passa une main dans ses cheveux avant d'essuyer la sueur qui perlait à son front. Il ferma lui aussi les yeux une seconde.
- Je ne t'accuse pas... Iris... Je te motive ! Je suis la seule personne à vouloir lancer cette mission le plus rapidement possible.
- La rapidité ne nous mènera que vers une mort certaine. Al ne voudrait pas que nous mourrions tous pour le retrouver.
Il attrapa un objet sur l'étagère, qu'il balança à travers la pièce. Louis l'esquiva de justesse.
- Tu ne peux pas savoir ce qu'il voudrait ! Tu n'en sais rien ! Personne ici ne le sait !
La jeune femme poussa un soupir ayant entendu le sanglot dans la voix de son compagnon. Il lui brisa instantanément le cœur. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras, mais elle avait trop peur d'être rejeté et surtout, elle sentait que ses paumes pourraient le brûler. Alors elle resta droite le regardant s'effondrer devant elle. Lui qui cherchait toujours à les motiver, à mener le groupe vers le haut. Il avait besoin que quelqu'un prenne le relais.
- Je ne peux pas te forcer à croire en moi, Phil...Ça serait ridicule. Mais que tu me crois ou non ça n'a pas d'importance, car je sais que je ferais tout mon possible pour retrouver mon ami, ton frère. Mais pas en sacrifiant la vie de nos camarades, il y a eu suffisamment de perte.
Elle essuya discrètement une larme sous ses yeux ne souhaitant pas montrer sa faiblesse pour le moment. Elle pleurerait tout à l'heure quand elle serait seule. Elle avait pris l'habitude de le faire tous les soirs, cela l'aidait à éliminer toute la tension qu'elle accumulait. Phil remarqua son geste, mais il ne put rien faire, il n'en avait pas la force. Ils sentirent tous les deux que leur désaccord n'avait pas d'issue. Il lui en voulait de ne pas pouvoir trouver une solution malgré ce pouvoir extraordinaire qui venait bouleverser l'ordre des choses. Mais elle n'était que le réceptacle de sa douleur intérieure, car Phil savait qu'elle le pardonnerait alors, il pouvait se libérer de sa colère. Iris lui en voulait de ne pas avoir confiance en elle, de ne plus être celle sûr qu'il pouvait s'appuyer. Il la mettait en face de sa culpabilité sans se soucier de ce qu'elle endurait chaque jour depuis qu'il avait disparu. Si l'Univers avait créé un monde de damnation pour les hommes alors ils s'y trouvaient tous les deux. Enfermés dans leur propre tourment, ils n'étaient plus capables de prendre soin l'un de l'autre.
- Je pense que vous vous êtes assez dit de chose pour aujourd'hui. Ce ne sont pas vos pensées qui s'expriment, mais vos pulsions. Vous avez besoin de prendre du recul et du repos. Avec Sam, on va se charger du reste des corvées.
Sam approuva la prise de parole de Louis. Elle se leva pour rejoindre Phil, bien trop crispé pour sortir par lui-même du cabanon. Alors elle le prit par la main pour l'accompagner en douceur. Il se laissa faire, résigné et épuisé.
Quand il fut sorti, Iris se laissa glisser le long du mur avant d'enfouir sa tête dans ses genoux.
- en tout cas, une minute de plus et on grillait tous comme des cochons, déclara Louis d'un ton se voulant léger en enlevant sa chemise pour s'aérer.
Sa tentative d'humour eut un effet sur la jeune femme qui lâcha un petit rire.
- Excuse-moi Louis, il faut que je fasse plus attention.
Le jeune homme secoua la tête avant de s'agenouiller devant elle posant ses mains sur ses genoux.
- Tu dois faire plus attention, tu dois convaincre un pays de ta bonne volonté, tu dois contrôler ton pouvoir, tu dois prendre soin de ton petit ami, tu dois sauver ton ami, tu dois découvrir d'où tu viens... Il va surtout falloir que tu réduises cette liste pour qu'elle s'adapte à ta réalité. Les entraînements jours et nuits, c'est fini à partir de maintenant, tu auras une journée réglementaire. C'est en t'épuisant que les accidents vont arriver.
Il avait parlé d'un ton autoritaire ne lui ressemblant pas. Mais ses mots étaient venus la toucher éclairant un peu son esprit. Elle leva la tête pour jeter un œil à son ami, il avait sur son visage une expression bienveillante qui la rassura aussitôt.
- D'accord, je vais dormir. Mais demain, on échange, grommela-t-elle entres deux reniflements.
Il hocha la tête en l'aidant à se relever, ignorant les brûlures que ses doigts encore chauds laissèrent sur ses mains.
- j'y compte bien, c'est épuisant d'être le leader pour une fois...
- Tu portes ce rôle à merveille, Evan à de quoi s'inquiéter... Est-ce que tu penses que Phil va finir par me détester ?
Elle ne put s'empêcher de poser cette question avant de sortir. Louis un balai à la main, lui lança un regard compatissant cherchant ses mots.
- Phil t'aime plus que tout au monde, d'un amour non plus fort, mais plus puissant que pour son frère tout en étant moins légitime que les liens du sang. Il culpabilise sûrement de pouvoir encore t'aimer alors que son jumeau n'est plus là. Tu as bien fait de lui dire ce que tu avais sur le cœur, tu as été juste. Parfois, on s'aime tellement qu'on est incapable de communiquer ensemble. Je ne sais pas où cela va vous mener, mais je sais que vous êtes plus forts ensembles.
Phil fut raccompagné encore tremblant de rage jusqu'à leur dortoir. Sam l'aida à s'asseoir sur son lit sans rien dire, mais il pouvait voir malgré son état qu'elle était contrariée. Elle avait les sourcils plus froncés que d'habitude et se retenait de parler. Il resta lui aussi silencieux pendant quelques secondes se demandant s'il allait la laisser lui dire ce qu'elle pensait. Il était presque sûr qu'elle allait le traiter d'idiot. Mais il prit quand même le risque.
- Tu es en colère, je peux l'entendre, je ne te ferais aucun reproche la dessus ça serait hypocrite. Mais je pense qu'Iris en a assez bavé ces derniers temps. Elle est solide, c'est vrai, mais pour combien de temps ? Moi personnellement, je l'admire de tenir encore debout après toute la pression que vous lui mettez le Capitaine et toi. C'est la première fois qu'elle pète une durite depuis un mois. Je me permets de m'immiscer dans votre relation, car c'est notre mission qui vous sépare. On lui a fait des reproches, ceux de ne pas faire attention à ses coéquipiers, de prendre des risques d'aller trop vite et alors qu'elle a enfin compris, tu lui envoies ça à la tête. Le risque la connaissant c'est qu'elle prenne un cheval un soir pour partir seule retrouver Al, et qu'elle se fasse tuer. Et là mon pote ça sera de ta responsabilité.
Phil serra les poings de nouveau avant d'enfouir son visage à l'intérieur. S'il avait pu se tirer la peau pour se remettre les idées en place, il l'aurait fait. Sam avait raison, c'était rarement le cas, mais elle avait parlé juste. Il repensa à l'expression d'Iris quand il lui avait balancé ces mots à la tête. Il s'était simplement défoulé sur elle comme un mannequin d'entraînement, or elle était tout sauf un bout de bois sans sentiment. Il était bien sûr allé trop loin, mais il n'était pas capable de revenir vers elle pour le moment.
- La dernière chose que je veux, c'est qu'il lui arrive quelque chose. Je l'aime, Sam.
- alors lâche lui la grappe, elle n'a pas besoin de ça pour le moment. Si tu l'aimes, mais que tu n'es pas capable de la soutenir, laisse nous faire. Cela ne t'empêche pas d'aller toi aussi t'entraîner. Parce que quand Al va revenir, et je suis sûr qu'il va revenir. Il aura subi un entraînement intensif de sorcier bizzar, et il sera enfin plus fort que toi.
Elle sortit sans rien ajouter d'autres laissant Phil sur ces dernières paroles pleines d'espoir. Elle était certaine qu'il avait besoin de se projeter pour avancer. Le désespoir ne les mènerait pas nul part. En chemin pour retrouver Louis afin de continuer leurs corvées, elle croisa Evan adossé au cabanon. Il avait sans doute joué les espions comme d'habitude. Il l'interpella en calant son pas sur le sien.
- Vous avez remarqué que vos deux mascottes sont sur le point de se battre ? Demanda-t-elle sans lui lancer un regard. Il ne répondit rien dans un premier temps, haussant simplement les épaules.
- sans vous commander, essayez de les laisser tranquilles au moins une journée...
Elle avait peut-être parlé trop vite, sous le coup de l'agacement. Mais elle avait beau passer outre la réglementation et les bonnes conduites de l'armée, il était grand temps que cette pression redescende.
- Tu as raison. Je n'ai pas envie de les voir s'entretuer. Laissez les dormir demain matin, mais je vous veux sur le terrain d'entraînement à l'aube avec Louis, Orens et le reste de l'équipe du Capitaine Amy.
- Oui, Capitaine Evan, acquiesça-t-elle avant de le remercier doucement. Il était au moins raisonnable et c'était rassurant pour la suite.
Evan laissa son officier rejoindre en courant son camarade pour passer le balai. Il était très frustré d'avoir à écouter les conseils d'une subordonnée, mais il avait suffisamment joué les aveugles. Il avait bon espoir de s'améliorer dans les relations avec les autres même s'il avait été éduqué pour ne pas y prêter attention.
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