Chapitre 10

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10 mois plus tôt

Iris avait les yeux fermés, tentant de concentrer chacun de ses sens sur un même objectif. Elle prenait de petite respiration afin de ne pas avoir à entendre son souffle. Ce qui l'intéressait était de percevoir un autre mouvement, une autre forme d'énergie : celle du feu. Elle savait qu'elle pouvait la sentir, elle l'avait déjà fait et surtout cette énergie la rendait plus forte. Comme si elle venait la compléter.
La jeune femme avança un peu sur le chemin avant de tourner instinctivement sans avoir à regarder. Comme si elle suivait un fil invisible. Elle sentit au tournant l'odeur familière de la fumée. Le crépitement du feu lui parvint très vite à l'oreille. Elle avait réussi. La chaleur des flammes vint se mêler à son aura et elle pu ressentir parfaitement le leur. Une aura chaude, réconfortante et dangereuse à la foi. Iris la tenait à présent au creux d'elle prête à la faire grandir ou bien à la laisser mourir. Elle choisit la deuxième option, se servant de ses doigts pour apaiser l'énergie du feu avant de l'endormir complètement.

- Le feu est éteint ! Entendit-elle la voix de Sam s'exclamer. L'officier descendit de son observatoire afin de vérifier que le tas de bois était bien entièrement éteint. Elle s'empressa par la suite d'aller rejoindre Iris afin de la libérer du foulard qu'ils avaient noué autour de sa tête.

- J'ai réussi ! S'écria cette dernière enjouée avant de taper dans ses mains. Elle n'était même pas fatiguée cette fois-ci. Elle avait su agir avec rapidité en économisant ses forces.

Evan les rejoint une montre à la main. Il nota quelque chose sur don carnet avant de vérifier le cadrant de l'objet.

- 17 secondes, c'est parfait. Tu as fait du bon travail Iris.

Il avait en effet battu tous ses records avec ce dernier essaie. Elle savait à présent repérer un incendie et le maîtriser en quelques secondes seulement. Cette nouvelle compétence venait s'ajouter à celle d'allumer un feu sans matière carburant et sans émotion particulière. Il n'avait pas de barème pour quantifier ses aptitudes, mais il voyait à quelle vitesse la jeune femme progressait. Elle n'était d'ailleurs pas la seule. Sam, Louis, Elena et Orens n'étaient pas décidé à se laisser distancer. Ils s'entraînaient tous les jours au combat au corps à corps tout en complétant avec des heures de tir à l'arc. Louis avait fait des progrès impressionnant rattrapant le niveau de l'équipe.
Evan ne les avait jamais vus aussi fort, il était fier de la détermination qui les animait.

- On va s'arrêter pour aujourd'hui. Dix tours du camp en courant et vous pourrez aller laver vos carcasses odorantes.

Tous les officiers de la nouvelle équipe 345 le saturent avant de partir en trottinant afin d'entamer leur course. Evan resta seul un instant profitant un peu se calme bien mérité. Il aperçut en rentrant vers son cabanon, Amy et Phil qui s'entraînait au combat. La femme l'avait prise sous son aile afin de l'aider à canaliser sa colère et à l'exprimer autrement qu'en insultant ses camarades. Evan avait au départ était inquiet de voir cette cassure entres lui et les autres membres de l'équipe. Mais lors des exercices collectifs, Phil était présent et motivé. Il n'avait pas perdu son sens de l'équipe, bien au contraire. Amy avait su l'aider. Cela ne l'étonnait pas. Evan connaissait son histoire et les pertes auxquelles elle avait faire face, notamment le décès de leur première équipe. Bien que cela soit du passé cette épreuve avait marqué à jamais la personne qu'était devenue Amy. Elle connaissait la culpabilité et la colère en découlant. Evan n'avait pas ce potentiel-là, en fait, il ne se sentait que très rarement coupable. Parce qu'il savait que chacun de ses actes avaient un sens et un objectif important. Cela les rendait légitimes à ses yeux et seul le regard qu'il avait sur lui-même compté. Phil pour cela était très bien accompagné par son amie.

Cette dernière vint mettre à terre le chef d'équipe pour la sixième fois de la journée. Il se releva en grimaçant, mais lui fit signe qu'il allait bien. Il était pourtant épuisé physiquement, mais son cerveau lui demandait encore de l'adrénaline pour évacuer ce poids pesant sur son cœur. Alors il se battait, il perdait presque à chaque fois, mais cela ne l'effrayait pas. Au contraire, à chaque défaite il analysait un peu plus sa technique pour l'affiner.
Amy secoua tout de même la tête avant de s'asseoir.

- Désolée, mais pour moi, c’était le dernier round. Tu vas devoir apprendre à réfléchir et à combattre en même temps. Ça va te permettre d'être bien plus habile et de t'adapter rapidement à n'importe quel adversaire...humain. Je n'ai pas besoin de te rappeler que le corps à corps avec les sorciers est une mauvaise idée.

Ph lâcha un petit rire avant de ramasser sa cape et la chemise de son uniforme.

- Nous continuons demain ? Demanda-t-il en espérant qu'elle dirait oui.

Amy hocha la tête tout en scrutant l'officier.

- Oui, avant que tu fasses tes dix tours, est-ce que tu fais toujours des cauchemars ?

Phil haussa les épaules tout en boutonnant son uniforme.

- Ça m'arrive, mais ce n'est plus aussi effrayant que les premières semaines. J'arrive à prendre du recul en me réveillant. Et j'écris comme tu me l'as conseillé. Ça m'aide à ne pas être en colère. C'est le plus important pour moi, pouvoir garder mes liens avec mes liens avec amis.

Il regarda le petit groupe trottinant au loin en discutant gaiement. Iris avait, elle aussi, de nouveau le sourire depuis deux semaines. C'était surtout ses liens avec elle qu'il souhaitait protéger, parce qu'il les savait fragile.

- Ne te mets pas la pression. Ils seront toujours là, je vous ai assez observé pour te confirmer ça. Je ne me trompe que rarement.

Elle laissa aussi divaguer instinctivement ses yeux vers Evan occupait à ramasser les flèches dans les mannequins. Phil comprit où elle voulait en venir, il la remercia avant de rejoindre ses camarades. Il avait déjà deux tours de retards sur eux.

L'ancienne équipe 345 marcha durant plusieurs heures sur les chemins escarpées du pays de Beinn. Il n'y avait à perte de vue que de la roche, une sorte de terre sèche et rouge. Très peu d'arbres apparaissaient dans ce paysage aride et les seuls buissons qu'ils croisaient aussi piquant que le vent. Ce n'était pas une terre habitable et pourtant un pays entier y vivait.

-Nous ne pouvons pas faire beaucoup de plantation. Notre seule ressource est la pierre et le charbon que nous donne la montagne. Nous pouvons ainsi produire du métal et de la poudre explosive. Votre pays échange ses denrées contre les nôtres. Nous avons aussi très peu d'élevage, aucun animal ne peut se nourrir de pierre.

Evan écouta avec attention la réponse de Nyck à sa question. Il avait déjà entendu parler de l'échange de marchandise entres les deux pays, mais il ne se doutait pas du peu de ressources des Beinniens. Bien qu'il s'agisse d'un tout petit pays, il voyait quand même vivre sur ses terres des milliers d'habitants. La nourriture devait être un problème politique important.

Nyck lui confirma en le fusillant du regard agacé par ses questions, cela ne découragea pas Evan pour autant. Il le questionna sur le pays jusqu'à ce que le pauvre Lieutenant décide de faire une pause.

- Le Capitaine vit ses meilleurs moments, se moqua Orens en le voyant noter à toute vitesse dans son carnet.

- Tu crois qu'il a des pages à l'infini, ça fait deux ans que je le vois avec le même carnet, renchérit Phil.

Evan qui les avait bien sûr entendu leur balança une pierre à chacun d'eux. Leur friabilité le fascina, ce qui lui fit refaire un tour dans son carnet.

- Vos camarades ont été trouvés, annonça le Lieutenant en désignant un petit papier dans sa main.

Personne ne parut surpris, mais Sam poussa un soupir de soulagement avant de s'allonger pour se détendre un peu. Elle avait confiance en Louis, mais bien qu'il se soit amélioré dans l'art de guerre, sa chance n'avait pas augmenté avec le temps. Il était capable de survivre à une dizaine d'explosions avant de tomber un trou creusé par un renard. Heureusement, il était avec Elena et Iris.

- Ils vont nous rejoindre maintenant, ou une fois que nous serons arrivés ? Questionna Amy.

- Nous allons les attendre, profitez en pour dormir, nous partirons quand ils seront là.

Nyck déchira de sa ceinture une sorte de petit bout de papier avant d'y noter rapidement quelques mots. Puis, il siffla entre ses doigts. Sous les yeux surpris des Sylviens, un aigle vola vers lui sans qu'il tente de l'éviter. Le rapace plana un instant avant de se poser sur le bras du soldat, qui le félicita en lui caressant la tête.

- Vous n'en avez pas des comme ça à Sylve n’est-ce pas ? Demanda-t-il en voyant le regard surpris de la petite troupe.

Il déposa son message dans la bague accrochée à la patte de l'oiseau avant de le lancer de nouveau vers le ciel. L'aigle poussa un petit cri avant de disparaître dans les nuages.

- Notre pays est petit, mais les chemins sont trop accidentés, il nous fallait un moyen de communiquer à chaque bout du pays rapidement. Les oiseaux des montagnes sont devenus nos alliés. Ils sont sacrés ici.

- Comment sait-il où livrer son message ? Demanda Phil très intéressé.

-Il connaît les personnes vers qui il doit se rendre. Le reste est une question de bon geste et de dressage. Mais c'est devenu instinctif chez eux. Ils sont très intelligents. Celui-ci va rejoindre les soldats s'occupant de vos équipiers. Je leur ai indiqué notre position.

L'attente fut longue pour tout le monde. Personne n'osait vraiment parler, se contentant de s'observer les uns les autres. Evan était le seul à briser le silence de temps en temps pour poser une question qui agaçait Nyck, mais cela permettait de détendre l'atmosphère. Finalement, le Lieutenant retourna la situation, questionnant à son tour les sylviens.

- Vous avez un grand pays, n'est-ce pas ? Avec des champs, des troupeaux ?

- Tout à fait, l'agriculture est notre principale activité. Entre chaque camp, il y a beaucoup de terres cultivées, déclara le Capitaine. Il vit aussitôt son interlocuteur se renfrogner en croisant les bras sur sa poitrine.

- Et comment faites-vous pour vous protéger des monstres ?

Il avait l'air vraiment intéressé, son ton trahissant des années de combats et la perte de nombreux amis aux frontières de son pays.

- Les camps les plus attaqués sont ceux prêt de la frontière. Ils servent de poste de défense. L'agriculture ne commence que dans les terres les plus centrales et éloignées. Tous nos camps de défenses sont dans les forêts, cela nous permet d'avoir beaucoup de poste d'observation. Nous sommes plus fort en hauteur avec nos flèches. Mais je trouve vos pièges très ingénieux... je me demande d'ailleurs pourquoi le pays de Sylve n'en possèdent pas des semblables.

Nyck lâcha un ricanement amer.

- Peut-être parce que le pays de Beinn n'a pas de ressources alimentaires…

Il n'en dit pas plus, la conversation fut coupée par l'arrivée d'un groupe vers eux. Sam plissa les yeux afin de déceler la présence de ses amis dans les nouveaux arrivants. Elena, Iris et Louis étaient bien parmi le convoi. Son compagnon soutenu par les deux jeunes femmes offrit un sourire rassurant à Sam qui se précipita vers lui pour vérifier ses blessures.
Evan fit lui aussi une rapide vérification d'Iris sans se lever, elle semblait aller bien et cela suffit à apaiser son inquiétude.

- L'un de leur officier est blessé à la jambe, mais il a pu marcher jusqu'ici avec de l'aide. Nous n'avons trouvé personne d'autre, indiqua un soldat beinnien à Nyck. Ce dernier le remercia avant de réceptionner un nouveau message de la part d'un nouvel aigle. Il en prit rapidement connaissance tout en parlant.

- Nous allons partir pour la cité royale à présent. Inutile de perdre... plus de temps.

Il froissa le papier rapidement posant sur le groupe de sylviens un regard suspicieux. Evan et Phil repérèrent immédiatement son changement d'attitude. Le Capitaine comprit que le contenu de ce message n'était pas en la faveur de son groupe.

Il tenta d'approcher le Lieutenant pour plaider leur cause, mais ce dernier sortit son arbalète pour viser l'homme. Il tira en le voyant tenter d'approcher. La flèche vint se planter à toute vitesse dans son épaule. Le coup fit basculer Evan en arrière, un cri de douleur s'échappant de sa bouche. Il s'écroula lourdement sur le sol en voyant le regard terrifié et surpris de son équipe.

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