L'ombre de la tempête

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La mer hurlait sa colère, déchaînée sous un ciel noir d’encre. Les vagues se dressaient comme des montagnes liquides, écrasant le petit bateau dans une danse chaotique. Le capitaine Elias, un marin aguerri d’une quarantaine d’années, tenait la barre d’une main ferme, ses muscles tendus comme des cordes. Le sel lui brûlait les yeux, et la pluie fouettait son visage, mais il refusait de céder.

Son bateau, L’Albatros, avait déjà survécu à des mers capricieuses, mais cette tempête-là était différente. Elle n’était pas seulement violente, elle semblait vivante, presque malveillante. Le vent rugissait comme un monstre affamé, emportant des fragments de voile et des cordages dans les airs. À chaque vague, le bois du navire gémissait, comme s’il partageait la douleur de son capitaine.

« Tenez bon, mes braves ! » hurla Elias à son équipage, bien que sa voix fût emportée par le vent. Mais il savait qu’il ne restait que lui. Les autres marins s’étaient réfugiés dans la cale, terrorisés, priant des dieux qu’ils avaient oubliés depuis longtemps.

Chaque coup de barre était une lutte contre les éléments. L’eau froide s’infiltrait dans ses bottes, glissant sous ses vêtements, mais Elias restait concentré, ses yeux fixés sur l’horizon invisible. Il savait que céder à la peur serait sa perte.

Puis, un éclair illumina la nuit, révélant un mur d’eau gigantesque. Une vague plus haute, plus sombre que toutes les autres, avançait droit sur L’Albatros. Elias sentit son cœur se figer. Il serra les dents, murmurant pour lui-même :
« Pas encore. Ce n’est pas ici que je mourrai. »

Il tira sur la barre de toutes ses forces, essayant de prendre la vague de côté pour éviter qu’elle ne retourne le bateau. Mais l’impact fut brutal. Le navire trembla comme un jouet, une partie du mât principal se brisa dans un craquement sinistre, et Elias fut projeté au sol. La douleur éclata dans son épaule, mais il se releva immédiatement, agrippant la barre comme s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage.

Le tonnerre grondait au-dessus de lui, roulant comme une bête en furie. Les éclairs illuminaient des morceaux de débris emportés par les flots. Elias pouvait presque entendre un murmure dans le vent, un chant ancien et lugubre qui semblait moquer sa lutte.
« Tu ne gagneras pas… », semblait dire la tempête.

Mais Elias, entêté, se redressa, le regard brûlant de défi. Il avait passé toute sa vie sur l’eau. Il connaissait les caprices de la mer, ses colères et ses silences.
« Tu peux m’avoir, vieille sorcière », grogna-t-il à la mer, « mais pas sans que je me batte jusqu’au bout. »

Il redressa le bateau, le guidant comme un cavalier dompte une bête sauvage. Les minutes s’étiraient comme des heures. Le temps n’existait plus. Il n’y avait que l’eau, le vent, et lui.

Et puis, soudain, comme si la mer avait épuisé sa rage, la tempête commença à s’apaiser. Les vents faiblirent, les vagues perdirent leur hauteur, et une clarté timide se dessina à l’horizon. Le ciel, encore sombre, laissait filtrer une lueur argentée, celle de la lune qui perçait enfin les nuages.

Elias, trempé jusqu’aux os et épuisé, lâcha enfin la barre. Ses bras tremblaient, ses jambes vacillaient, mais un sourire fatigué se dessina sur son visage. Il regarda autour de lui : le navire était blessé, mais il tenait toujours.

La trappe de la cale s’ouvrit, et un jeune marin émergea, les yeux écarquillés.
« Capitaine… on est vivants ? »
Elias hocha la tête, essuyant le sel de son visage.
« Oui, on est vivants. Mais on doit travailler vite pour réparer ce qu’on peut. La mer ne nous laisse jamais longtemps en paix. »

Le jeune homme le regarda avec admiration, puis courut alerter les autres. Elias, lui, s’appuya contre la barre, levant les yeux vers le ciel désormais apaisé. Une étoile solitaire brillait au loin, comme un phare guidant son chemin.

« Une autre victoire, vieille amie », murmura-t-il à la mer. Puis il ajouta, presque avec tendresse :
« Mais je sais que tu reviendras. »

Et dans le silence qui suivit, il se promit de rester prêt, car il appartenait à l’eau, et l’eau appartenait à lui.

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