Une grenouille, pas plus haute que ça se met en tête de trouver un étang plus grand, mieux disposé à son égard. Les tétards de la zone rendent impossible la vie paisible à laquelle, jusqu'ici elle s'était habituée.
Elle en a bien gobé quelques-uns, histoire d'apprendre aux autres le danger d'avoir une graaannndde bouche, mais ça n'a servi à rien.
Et puis le temps des feuilles arrive, il faudra bientôt copuler. Or dix comme elle sur une demoiselle, ce n'est plus de l'amour, c'est de la coagulation.
La dernière lui a laissé une blessure et pas qu'au coeur...

Vraiment sa décision est prise et la grenouille, renonce à son nénuphars d'été. Entreprend le voyage et va zoner ailleurs.

De troncs en cailloux, de roseaux en rocs, c'est une gymnastique qui lui muscle la cuisse. Il ne faudrait pas trop abuser de ce sport : ça la rend, elle le sait, appétissante pour ces grandes grenouilles chaussées. Et justement elle doit se glisser sous le hamac d'une d'entre-elles... Grenouille passe l'espace ombragé, discrête comme une punaise dans un mur, elle ne veut pas trépasser.

Ouvrant l'oreille, elle écoute et cherche à deviner si une profusion de clapotis indiquerait qu'elle n'a pas commis l'erreur de chercher une herbe plus verte à côté...
Sautille et rebondis, au sommet de l'arc de sa cabriole, elle cherche des yeux le disque d'un reflet. La route est épuisante. Et grenouille allait renoncer...
Mais une cigogne repue regardait la créature trimer. Admirative de ses efforts, de son obstination et connaissant la distance terrible que le batracien devrait encore parcourir pour atteindre l'autre zone humide, elle décide de l'aider.

Voyant le prédateur au bec en épée, le grenouille imagine sont trépas arriver. Mais non, parfois le destin s'amuse. Le voyage est terrifiant mais la grenouille revoit le ciel et bondit sitôt le bec ouvert. Cette mare n'est pas moins bruyante que l'autre et tous les nénuphars sont occupés. La grenouille en effet a rejoind sans le savoir un paradis mauvais.

La chute de cette histoire est dans la marmite de quelqu'un d'autre, je ne mange pas de grenouilles mais mon voisin oui, je le sais.

Moralité, les tétards grandissent et un jour vous foutent la paix. Dans les marres vieillissent des grenouilles entêtées. C'est à vous de décider si dévoré ou sourd mais entre deux maux, la zone, toujours.