Le plus dur, c'est de se dire "retour à la case départ". Comme si on avait pris notre envol et que l'on était brusquement retombé sur nos pieds. Cette dernière fois où l'on s'était vus, sans savoir que c'était la dernière. Les feux de cet rer dans le soir tombant, lui, Elie, sur le quai d'en face, il y monte, cette silhouette dégingandée, noire, et il y disparait pour toujours.

Alors non, on ne se dit pas cela. C'est juste une étape franchie, si de toute façon on devait passer par là. Un énième espoir enterré. Car la route, si elle est longue, s'est réduite encore à chaque fois que l'on avance dessus.

Cette fois ci, je n'ai pas envie d'attendre avant de re-recontrer quelqu'un, mais j'ai envie de le rencontrer tout de suite, et de me changer les idées. Lundi soir je me retrouve avec Arianne dans le 19e pour un cours pour filles. Malgré l'enjouement, notre flanage dans les rues animées, et l'intérêt du cours, je me promets de ne plus revenir à ce genre de cours. C'est comme si on nous cataloguait "célibataire" et j'en ai assez de ces étiquettes. Laissez-moi vivre enfin!

On s'est retrouvées à Place des fêtes dans ce froid mordant de Novembre, et là elle me dit:

"Ah mais regarde, c'est ta copine avec son mari! Celle qu'on avait rencontrée l'autre fois...

-Alors là Arianne, on va tracer et moi je n'ai rien vu!

Car lui je l'ai rencontré au début de l'année dernière, aucune envie de me retrouver nez à nez avec lui. On dirait qu’ils vont tous y passer, et que tout mon passé est en train de rejaillir.

J'ai été à une grande soirée samedi soir, qu'une amie à ma mère a organisé pour une dame malade de sa communauté. C'était ce genre de soirée pour soutenir la malade, prier avec elle, danser avec elle, pleurer avec elle. Un petit trop plein d'émotion. Une femme agée m'observe dans un coin de la salle, et le lendemain, j'apprend qu'elle veut me présenter son petit fils.

Mais parmi tous les noms qui sont sortis ces derniers temps, c'est sur un autre que nous jetons notre dévolu pour partir à l'aventure, une nouvelle aventure. Si déjà on y est!

Et lors de ce nouveau mariage familial, rien ne laissait présager la fatale rencontre que j'ai faite. Mon frère a beau essayer de me mettre en garde, je ne comprends rien, et j'enlace toute la famille après la cérémonie. Alors que je me dirige vers le buffet, je l'aperçois, Elie, sa silhouette dégingandée et courbée qui arrive en sens inverse. Je refuse de lui jeter un regard, mais j'ai un mauvais sentiment. Nous nous croisons sans un regard, et, au grand dam de ma grand mère qui voulait m'y présenter à ses connaissances, j'ai boudé la soirée du mariage. J'ai tenu tête et ai pretexté que je ne me sentais pas bien. Je n'avais aucune force de revoir parmi les copains du marié toutes mes anciennes rencontres.

Je suis restée à la maison par cette soirée d'hiver, honteuse de m'être faite dicter ma conduite, mais satisfaite d'avoir brillé par mon absence, un verre de thé dans mes couvertures.