Deux entretiens
Encore ces sorties soupirées, cette angoisse, ce cœur qui se retourne, qui ne sait pas où il va…
Il faisait gris quand j'ai quitté la maison, un temps lourd de juin...
Ces métros aux allures toutes colorées, cet entretien d’embauche par un dimanche trop chargé… J'ai découvert encore une structure, j'ai essayé de ne pas y penser. Je m'étais habillée très sobrement, avec une chemise blanche. J'avais du coup privilégié l'entretien d'embauche au second entretien qui m'attendait... Mon manteau noir que l'avais enlevé avait laissé des peluches noires sur ma chemise. J'ai prévenu de mon retard mais je me sentais mal...
J'étais absente, et j'ai manqué mon arrêt de métro pour un changement, le genre de chose qui n'arrive que quand quelqu'un vous attend... Puis après avoir rattrapé, j'aprends que ma station est fermée, et me retrouve dans la rue sans savoir où aller. Ca grouille de monde, le soleil est sorti, et tape fort.
Je cours, je me presse, je suis en retard, je suis en sueur… Je me souviens comment j’ai couru, perdue aux alentours de opéra, personne ne peut me renseigner. Je me souviens de ma course effrénée sur la rue saint-honoré, que j’ai traversé sur au moins dix minutes. Je me souviens que j’arrive avec quarante minutes de retard, suante, les cheveux en vapeur, et qu’il est assis là sous des tonnelles des parasols en forme de parapluies roses… Le village royal… Les pavés de pierre blanche, les tables ombragées, le temps lourd et le soleil qui pointe.
Je l’ai reconnu de loin, et je me suis pressée. Je suis arrivée confondue en excuses, et en galant homme il n’a rien dit. Il a eu un léger sourire, et quand je lui ai demandé, il m’a dit que cela faisait quand même longtemps qu’il attendait, mais que ce n'était pas grave. J'avais déjà vécu ce sénario... Il m’invite à m’asseoir, à me mettre à l’aise. Je me rends compte à ce moment là qu’il est blond, qu’il a les yeux clairs. Je suis essoufflée, et nous nous regardons, avec la discussion qui s'engage je ne sais plus par où…
Il est très soigné, et très calme, le plus calme du monde, même sa voix je dois m‘habituer, elle est très douce, un peu aigue. Il est rasé de près, je l’imaginais différemment. Il s’engage sur des sujets, la musique, la guitare, le piano. Je lui parle des mineures, qui évoquent pour moi le désert, l’égypte, et ça le fait rire, pour lui il voit surtout quelque chose de très plaintif.
Quand nous nous levons de ces tonnelles, il a une démarche droite, sure de lui, que j’apprécie, mais je ne me sens pas à mon aise. Il me montre aussi un aspect indépendant qui me séduit. Il me semble qu'il pourrait vivre sur une ile déserte sans aucun problème. Et quand il me laisse après avoir redescendue avec moi les marches du métro, j’ai la sensation qu’il a joué parfaitement le jeu. Un vrai occidental. On aurait dit que c’était moi, l’exubérante du tandem, la bavarde, alors que je n’aime pas me montrer. J’ai peur qu’il ait cru que je me montre, que je suis superficielle, un moulin à parole…
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