Aimer
Aimer. Voilà un mot bien controversé, n’est-ce pas ? Aimer. D’après vous, qu’est-ce que cela signifie ? Ressentir des sentiments inexplicables envers une personne en particulier ? La plupart du temps, l’amour, c’est ce lien irrésistible qui nous attire vers une personne et nous la fait voir brillant de toutes ses couleurs. C’est ce qu’on ressent lorsqu’on croit avoir enfin trouvé la perle rare, la moitié manquante de notre âme, celle à laquelle on se donnera pour toujours et à jamais, sans la moindre condition. Parce que c’est elle. Parce que cette personne, cet être, c’est le seul et l’unique autre qui ne nous soit pas étranger, qu’on connaît depuis la nuit des temps sans pourtant l’avoir jamais rencontré.
Et après avoir dit tant de belles choses, je vais vous révéler un secret. Je n’y connais rien. L’amour, pour moi, c’est quelque chose d’absolument abstrait. Quelque chose qui n’existe que dans les romans à l’eau de rose, dans les chansons, dans les films, quelque chose qu’on place au-dessus de tout, sans pourtant que cette chose qu’on appelle « amour » ne soit véritablement à notre portée. Pour une simple raison. C’est plus fort que nous. Ce n’est pas le résultat d’un choix, c’est quelque chose qu’on subit, sans vraiment comprendre pourquoi. Et dans notre société, l’amour est la réponse à tout. Pas toujours l’amour passionnel, l’amour charnel, mais l’amitié, les goûts, tout dépend d’eux. Aimer manger ci, aimer faire ça, aimer telle personne, aimer tel travail, aimer tel sport ou tel autre. Tout est réglé par ce qu’on aime. Tout est réglé par notre avis, notre ressenti. De notre naissance à notre mort, tout dépend de ce qu’on aime. De la marque de petits pots, de couches pour bébé à notre emplacement au cimetière, la matière de notre cercueil, en passant par l’école, le métier, notre moitié, le nom de nos enfants, notre vie est guidée par ce qu’on aime.
Est-ce que c’est mal ? Non. Et ce n’est pas un « non, dans la mesure du raisonnable », mais un non, clair, net. Un non qui dit qu’aimer, c’est humain, et que par conséquent, aimer est inévitable. Aimer, c’est une partie de nous. Et ceux qui disent le contraire, c’est qu’ils n’ont pas aimé ce que je disais. Ce qui veut dire qu’ils auraient aimé que je dise le contraire. Mais je m’éloigne de la question, je crois.
Aimer. C’est ce mot que la plupart des gens, l’opinion commune met au-dessus de tout autre, parce que tout, des arts à l’Histoire avec un grand H, le place comme solution à tout. Et dans la littérature, c’est on ne peut plus vrai, n’est-ce pas ? Quels grands héros n’ont pas, à un moment ou à un autre de leur vie, rencontré l’amour ? Combien d’entre eux n’auraient pas agis s’ils n’étaient pas tombés amoureux ? Combien de couples ont changé les choses, que ce soit dans la réalité ou dans la fiction ? La plupart. Alors comment voulez-vous que l’amour ne soit pas, peut-être plus que le bonheur, le but ultime de nos actions ? Et évidemment, la plus belle chose au monde ? Le sentiment le plus parfait, le plus indéniable, le plus contrefait au monde, puisque sa demande explose sans cesse. Et donc le plus vendu. Mais c’est un autre sujet.
Alors si posez la question à n’importe qui, la première personne que vous croisez dans la rue, elle vous dira oui. Sinon, c’est que vous êtes tombé sur moi. Parce que je ne crois pas, du moins aujourd’hui, je ne crois pas que l’amour soit ce qu’il y a de plus beau. Je ne nie pas la beauté de la chose, ni la grandeur du sentiment ou quoi que ce soit, comprenez-moi bien, mais disons plutôt que je lui préfère celle de l’espoir. Car tout amour, même le plus beau, est un jour brisé, et celui qu’on dit un jour éternel disparaît le lendemain. Mais pas l’espoir. Non, l’espoir est éternel, il peut même se transmettre, se léguer et survivre à notre mort. Il est certes à double tranchant, cependant, je prends le parti de dire que toucher à l’amour, c’est se blesser dans tous les cas.
L’amour, le vrai, enfin, disons plutôt celui des contes Disney et des séries télé, c’est s’offrir complètement, au risque de souffrir. En ayant conscience que, quoi qu’on fasse, notre sang coulera, à un moment ou à un autre. Car l’amour est une chose volatile, il suffit pour ça de regarder le taux de divorces ou de mettre les pieds dans un lycée. Combien de couples se sont brisés parce que l’autre est allé voir ailleurs ? L’infidélité, l’une des pires souffrances. Et si vous arrivez à éviter cet écueil, il en reste des milliers. Des milliers de sujets de disputes, d’inquiétudes, de suspicions. Des partenaires violents. Des enfants. Car même l’amour le plus pur, que ce soit celui qui s’épanouit dans l’adversité, dans la diversité, dans la liberté, dans la nécessité, rencontrera l’un de ces écueils, un jour. Et ce qui fera sa beauté, ce sera sa capacité à la surmonter.
L’espoir, lui, peut toucher tout le monde, comme l’amour, à la différence qu’il dépend de nous. L’espoir, c’est une idée, une envie qu’on a, au fond de nous, que quelque chose pourrait arriver. Et cette idée, c’est celle qui nous guide dans nos actions, peu importe qu’elle soit bonne, mauvaise, qu’elle vienne d’ici, de là, qu’elle touche ceci ou cela, elle peut passer outre n’importe quel autre sentiment. L’espoir peut changer le monde. Dans la réalité, on n’en compte plus les manifestations. Dans la fiction non plus. Parce que tous les personnages ont un but. Tous les personnages espèrent, secrètement ou pas, changer de vie. Même dans les histoires d’amour, le héros ou l’héroïne espèrent que l’autre l’aime. C’est l’espoir, plus que l’amour ou le bonheur, qui donne un sens à une vie. Et même si, lui aussi blesse, si lui aussi se brise, ce n’est jamais pour longtemps. Parce que nous ne pouvons pas vivre sans but. Nous ne ferions qu’exister, sans être ni plus ni moins qu’un tas de chair, de sang, d’organes.
Est-ce pour autant que l’on peut dire que l’un est plus beau que l’autre ? Chacun a son propre avis sur la question, et sur la question-même de la beauté. Mon avis, je vous l’offre. Pour le reste, à vous de me le dire.
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