Chapitre 15 : Anabelle - ( chapitre de Flore)
Flore me fait de grands signes pour que je la rejoigne. J’embrasse Séraphin qui m’a accompagnée en ville. Cette après-midi, il ira chercher notre fille. Dans son regard, je capte mon image. Je n’ai jamais été plus belle que dans ses bras.
— Bah dis donc, ton mari est toujours plus beau à chaque fois que je le vois.
— Plus il prend de l’âge, plus devient canon.
Je lui fais la bise entre nos rires de petites bécasses. On est toujours des jeunes filles, elle plus que moi.
Flore, je l’ai rencontré un peu avant ma retraite. Je l’ai formé afin qu’elle prenne ma place, depuis, elle devenue une bonne amie.
— J’aimerais trouver une personne comme ton Séraphin.
— Ah ! C’est que ça ne se trouve pas au coin d’une rue, un Séraphin.
— Dis-moi, ton secret comment tu gardes la flamme ?
— Ce n’est pas moi qui m’en occupe. Elle fait sa vie, notre flamme et, on vit la nôtre.
Une expression sérieuse s’empare du visage de Flore. Cela fait un petit moment que je sens son envie de me parler, mais qu’elle n’ose pas aborder un sujet.
Un sujet qui m’a tout l’air de la remuer.
J’attends qu’elle en parle la première
C’est bientôt le moment.
Après avoir commandé de quoi grignoter, nous nous installons sur un banc. Toulon a encore changé depuis les deux dernières années. La municipalité à décidé de faire un jardin en hauteur sur la place d’arme. Un endroit agréable où se promener. Les aménagements verts ne font qu’augmenter. Au moins une bonne chose dans ce monde qui change trop vite et qui veut mettre à l’arrêt les personnes de chair et de sang.
Il suffit d’un moment à prendre le soleil pour que Flore parle enfin.
— J’ai rencontré une personne et je crois bien que j’en suis tombée amoureuse.
— Et pourquoi cette mine affligée ?
Flore observe le ciel d’une façon lointaine et son regard confus me parle d’une histoire bien compliquée. Je remarque qu’aujourd’hui le temps est d’un bleu très clair, comme les yeux de mon amie.
Flore est une douce fleur à la sensibilité palpable. Son cœur et ses émotions dirigent ses pas, son humeur.
C’est une belle femme, grande, élancée. Chaque fois que je la vois, elle prend un peu plus confiance en elle.
En se tournant vers moi, les yeux humides, elle se donne la force. Des larmes perlent sur son haut violet. C’est une couleur qui fait son identité. Bleu, violet… c’est elle.
— Dis-moi, que se passe-t-il ?
— Tu vas me juger ?
— Qu’en l’ai-je déjà fait ? dis-je dans un haussement de ton.
J’attrape son menton, et la fait me regarder de nouveau. J’ai toujours trouvé sa peau dorée aussi belle que le sable les jour ensoleillé. Ses origines portugaises lui donnent un quelque chose en plus. Un éclat qui fait son effet. Elle ressemble à son père. Un ancien professeur de lettre très fier du parcours de ses parents et de sa fille chérie. Mais les yeux bleus et la couleur châtain des cheveux de Flore, elle les doit certainement à sa mère. Le métissage a fait naître une belle femme. Une femme qui a de la peine dans son cœur.
— Parle.
— J’ai rencontré un homme. Il n’est pas humain. C’est un androïde. Il est…défectueux. Il ne répond pas à son programme, il se rebelle contre ce qu’on attend de lui.
— Un androïde ?
À ma connaissance, il n’y en a aucun androïde en service à Toulon à part dans la maison close du centre-ville.
— Un Sexbot ? lui demandé-je.
Je ne vois pas bien la raison qui lui a fait croire que je pourrai la juger.
— Je ne savais même pas qu’il était un androïde au début, se défend-elle.
Tu n’en as pas besoin, ai-je envie de lui dire. Ce n’est que moi, Anabelle.
— Je l’ai rencontré en bord de mer. J’écoutai de la musique. Tu sais que dès fois, j’ai besoin d’être seule. La musique me fait du bien, le son des vagues aussi. Il m’a abordé… Il est si beau, sa voix, tellement réconfortante. Je me suis sentie à l’aise dès les premiers instants. Il a du charme. Il sait parler de tout et de rien.
Elle détourne ses yeux, les perds dans la végétation du parc suspendu.
— C’est à notre quatrième rencontre que j’ai découvert son traqueur et par la même occasion son propriétaire. Un homme odieux avec un visage d’ange, il m’a dit que si je touchais la marchandise, je devais payer.
Je crois entendre la suite de son histoire, mais je ne dis rien et je l’écoute. Il n’y a que ça que je peux faire.
— J’ai payer une soirée. Nous n’avons rien fait bien sûr. Mais Gabriel semblait déçu. Comme s’il avait honte de lui. « je suis dysfonctionnel », a-t-il dit. « mais je reste de la marchandise. Je ne suis que des pièces assemblées. Je ne suis rien que du métal. Sans cœur, sans pensée, avec un programme corrompue ». C’est horrible. Il s’est fait réparer trois fois, à la dernière, le constructeur a proposé au gérant de lui en débarrasser pour une somme moindre. Le gérant à refuser. Pas assez cher et Gabriel pouvait encore faire son job avec des batteries au minimum. Tu vois l’idée ?
— Très bien. Il le prostitue à moitié… conscient.
Est-ce le bon mot pour un androïde ? ça semble l’être pour Flore.
— Mais voilà, Gabriel a la capacité de se connecter aux autres androïdes. Ça, son propriétaire ne le sait pas.
Ce Gabriel n’est pas simplement défectueux, il peut s’avérer un danger. Se connecter aux autres androïde… qu’est-ce que ça implique ? ça me dépasse. Toute cette nouvelle génération me dépasse.
— Les autres androïdes le recharge.
— Où veux-tu en venir, Flore.
— J’ai proposé de le racheter.
— Tu sais combien ça coûtes ?
— Défectueux, pas aussi cher qu’on pourrait le penser.
— Défectueux, comme tu es entrain de m’en parler, ça ne présage rien de bon. Ton Gabriel se contrôle lui-même. Ce n’est pas le premier à qui ça arrive. Il suffit de suivre l’actualité. Regarde ce qui a failli se passer en Chine et aux Amériques ? Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas mieux encadré. Gabriel n’aurait jamais du retourné trois fois en réparation, il aurait de l’être détruit. La marque qui le produit, joue avec le feu.
— Gabriel ne cherche pas la révolte, Ana. Il est bon.
Elle parle d’un robot à qui on a installé une conscience trop forte. Une âme aménagée. Du savoir qui n’est plus contrôler par un humain.
— Tu vas l’acheter ?
Elle hoche la tête.
— Combien ?
— 20 000 €
— Tu veux me faire croire qu’actuellement, tu as vingt-mille euros sur ton compte en banque ?
— J’en ai trente mille. Tu sais, je travaille depuis 5 ans maintenant et je vivais en colocation jusqu’à l’année dernière. Je ne dépense pour ainsi dire jamais.
— Je ne sais pas quoi dire, Flore. Si tu penses que c’est le mieux, alors fais ce que ton cœur te dicte. Mais ne fais plus de telle dépense, pas dans ce monde où à tout moment il peut avoir un crash boursier. Et n’oubli pas une chose essentiel, Gabriel n’a pas d’émotion propre. Il copie les sentiments qui sont dans sa base de donnée.
Flore reste un instant à contempler le ciel.
— N’est-ce pas ce que nous faisons ? Notre savoir, est notre base de donné. Gabriel et moi, pouvons avoir là même. Je serais toujours plus lente que lui. Mais ce qu’il sait, il peut me l’apprendre et vice-versa. Nous sommes nés comme des marionnettes, dirigés par nos parents, imitant les autres… à les singer. Androïde ou humain, est-ce bien différent. Notre longévité et la leur sont semblable. Nous enfantons, léguons ainsi notre savoir à la génération suivante. Les robots font la même chose. Ils sont des humains. Et se sont des enfants qui grandissent pour devenir des adultes. Ainsi la chaîne perdure.
Elle m’effraie dans sa vérité. Les androïdes ne datent pas d’hier, ça fait plus de dix ans qui sont sur le marché mondial. Certains pays comme la France, on accepté cette robotique avec une certaine lenteur. Mais elle est sur notre sol. L’IA prend de nouvelle fort. Elle évolue à toute vitesse et elle embrigade des humains avec elle. La fiction dépasse à nouveau la réalité.
Je pense à Flore qui s’est en amouraché d’un androïde, puis à ma fille, Larina. Elle va vivre avec tout ça. Et tout ça semble lui convenir. Ai-je arrêté d’évoluer sur certains sujets. Pourquoi ai-je si peur pour demain ? Est-ce une question générationnelle ?
— Demain, je vais changer les papiers de Gabriel. Il ne sera plus tamponné comme prostitué, mais comme mon conjoins.
— Ton conjoins.
Si loin…Qui a autorisé cette loi de faire de robot des partenaires de vie ? Va-t-elle lui installer un processus de vieillissement ? Est-ce que Gabriel le voudra bien ? Est-ce qu’il sera stipulé sur le papier de la vente la cause réelle de la transaction ?
Les gens ne savent plus s’aimer, on en vient à se rapprocher d’être artificiel.
La simplicité. La facilité. Ne plus jamais être repousser. On s’isole avec une illusion palpable. Je ne peux pas m’empêcher de penser à ce vieil dessin animé : Chobits.
Une histoire d’amour entre un persocop particulier et un jeune humain naïf.
Cette réalité me dépasse et je ne préfère pas la regarder en face.
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