Chapitre 12 : Les Taupes de l'ombre (2/2)

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Dès la reprise, les prédictions de Lily se vérifièrent : les défenseurs adverses avaient encore augmenté la capacité de leurs boucliers. Chris estima qu'ils devaient être à 90% de puissance. Ils ne pouvaient presque plus bouger, mais fermaient toute les fenêtres en se repliant à trois sur leur ligne de but.

Contraint de prendre son mal en patience tandis que ses coéquipiers monopolisaient la balle de façon parfaitement stérile, le jeune homme s'appliqua à ne pas relâcher sa vigilance. Lorsqu'il repéra enfin un tout petit interstice, il n'hésita pas.

— Jess, à droite, maintenant !

La jeune femme fonça tandis que lui-même obliquait dans la direction opposée. Guidée par lui, que sa ruse ait été utile ou non, leur équipe égalisa enfin ! Malheureusement, à la suite de cette action le jeu se ferma encore davantage.

Les Taupes se révélaient complètement inoffensifs, leurs ailiers complètement seuls lorsqu'ils franchissaient la ligne médiane. De leur côté, les Aigles se heurtaient à un mur compact.

— Ils ne peuvent pas gagner comme ça ! pesta Chris en sentant la nervosité le gagner alors que s'égrenaient les dernières minutes de jeu.

« Ils n'ont pas besoin d'une victoire, un nul leur suffit pour assurer leur place au classement. » commenta Gus.

Complètement dans son rôle de stratège, Chris avait songé à une stratégie de quitte ou double, à se découvrir pour encourager les Taupes à s'élancer. Seulement, comment faire s'il était impossible d'appâter l'adversaire ? Tandis qu'il se débattait avec son équation insoluble, Lily heurta les parois du terrain pour la dixième fois de la manche. Elle avait cessé de tenir compte des avertissements du jeune homme et fonçait comme une enragée dans des failles qui n'en étaient pas.

Elle va se blesser si ça continue !

Le regard de Chris suivit la balle, qui poursuivit un instant sa course solitaire à travers les défenses adverses avant que le milieu des Taupes ne daigne s'en saisir mollement. Ils n'étaient pas pressés de réengager.

— Passez-moi la balle ! déclara soudain Chris.

« Quoi ? » s'étonnèrent plusieurs de ses coéquipiers.

— Dès qu'on l'a récupérée, passez-moi la balle ! répéta-t-il d'une voix plus assurée.

Les Taupes finirent par lancer une attaque, les règles leur interdisaient de conserver la balle dans leur zone plus de quarante secondes. Quin, qui interrompit finalement l'action adverse, ne marqua qu'une brève hésitation avant de passer à Chris.

Le public, endormis par un échange de possession sans enjeux, retrouva un brin d'énergie pour le siffler. Chris n'y prêta pas attention.

Au point où on en est, c'est notre dernière chance. Je ne sais même pas si ça peut marcher, mais je n'ai pas le droit à l'erreur !

Il s'élança, fonça au milieu des lignes adverses, comme s'il avait l'intention de les percer à lui tout seul. Il entendit ses coéquipiers hoqueter de surprise : à la pause, il avait redistribué la puissance de ses propulseurs pour les hisser à 60%, estimant utile de gagner en mobilité au vu de ses piètres résultats défensifs.

Le milieu des Taupe chercha à faire opposition, mais Chris répondit en envoyant la balle au ras du bouclier adverse vers Jess, qui avait naturellement suivit le mouvement. Sans chercher à freiner, le jeune homme poursuivit sa charge, se préparant à encaisser l'inévitable choc. Le coup fut rude, il heurta violemment le bouclier de son opposant, en ciblant son flanc droit. Ses muscles tendus, une douleur sourde lui vrilla l'épaule gauche et il fut renvoyé en arrière, mais il se stabilisa presque aussitôt.

Toutes ces heures d'entraînements n'auront pas été vaine !

— Jess, balance une dizaine de mètres sur la droite du gros ! ordonna-t-il. Lily, suis-moi !

Il n'attendit pas de réponse et activa son propulseur dorsal.

« Puissant mais impossible à gérer dans une percée », disait Lily. Sauf, peut-être, si l'on dispose d'une vision parfaite des espaces disponibles...

Partit comme une fusée, Chris récupéra la balle parfaitement adressée par Jess et poursuivit sur sa trajectoire, sur le flanc de la défense. Naturellement, ses adversaires le laissèrent faire sans réagir, trop expérimentés pour se découvrir. Lily et Jess auraient trouvé la faille depuis longtemps dans le cas contraire. L'ultime défenseur qu'il lui restait à affronter se tint donc immobile, conscient que son bouclier ne donnait aucune ouverture à Chris.

Le jeune homme saisit alors la balle dans sa paume droite et la tendit devant lui, en direction de son adversaire.

C'est le moment de vérité...

À l'instant précis où le ballon entra en contact avec la paroi énergétique, il activa le propulseur de sa main à pleine puissance et lâcha prise. Son geste permit à Chris de décélérer brutalement, pas d'éviter le choc.

Tandis qu'il partait en arrière, repoussé autant par le bouclier que par sa propulsion, le jeune homme garda les yeux fixés sur le projectile qui partait comme un missile, droit sur le défenseur prit au dépourvu. Ce dernier prit la balle de plein fouet et fut envoyé valdinguer à son tour. L'unique objet sur le terrain qui puisse franchir les barrières énergétiques !

Naturellement, Lily comprit aussitôt son plan. Elle fonça sur le ballon qui flottait dans l'espace libéré. Le défenseur voisin arriva en renfort, mais avec ses propulseurs au plus bas il était bien trop lent. Les Taupes seraient les nouvelles proies des Aigles !

Chris passa les ultimes minutes du match dans un état second. Mi euphorique, mi brisé. Son bras droit lui faisait un mal de chien et il avait le dos en compote. Il put apprécier le retournement du public, qui l'acclamait désormais. Sa charge héroïque n'était pas passée inaperçue.

De retour dans les vestiaires, les mécaniciens eurent à peine le temps de le dégager de son armure que Jess, Jake, Quin puis Gus se jetèrent sur lui pour le soulever littéralement de terre en entonnant des airs de victoire que Chris ne connaissait pas. Jess lui attribua un nouveau surnom : "Canon humain".

Un bras en miette semblait tout à coup un prix acceptable !

Le jeune homme mit un instant à réaliser que Lily restait à l'écart de ces célébrations. Lorsqu'il reposa pied à terre et lui adressa un sourire, elle se contenta de froncer les sourcils.

— Comment tu te sens ? Tu as besoin d'un soigneur ? lança-t-elle sèchement.

Leur enthousiasme douché en même temps que celui de Chris, le reste de ses coéquipiers se trouvèrent soudain des occupations urgentes. Lui ne comprenait pas vraiment ce qui se passait.

— Ça va aller, je suis bon pour quelques contusions, rien de plus, assura-t-il.

— Enlève ton haut.

Pris par surprise, Chris obtempéra cependant et Lily, visage de marbre, étudia brièvement son bras marqué par une large tâche rouge en dessous de l'épaule.

— Tu vois bien qu'il n'y a rien de cassé, insista Chris.

Il n'osa pas aller plus loin face au regard sombre qu'il reçut en retour.

— On rentre dès que tu es prêt, répliqua Lily avant de partir d'un pas décidé vers les douches.

— Qu'est-ce que... commença Chris.

— Va te doucher, souffla Jake dans son dos. On en reparlera demain.

Ce fut le retour vers la maison des Duverne le plus pesant qu'il ait vécu. Lily ne desserra pas la mâchoire de tous le trajet et Chris n'osa plus prendre d'initiative. Arrivés à l'étage de leur domicile, lorsqu'il la vit prendre immédiatement la direction de sa chambre, il finit toutefois par exploser :

— Pourquoi réagis-tu comme ça ? Je sais que je n'ai pas été très bon, mais on a gagné, c'est le principal non ?

La jeune femme s'immobilisa, puis fit volte-face et braqua un regard de braise droit dans les yeux de Chris. Le jeune homme faillit reculer, lui trouvant quelque chose du général à cet instant.

— Tu tiens tellement à devenir un héros que tu n'hésites pas à te mettre en danger ? attaqua-t-elle d'une voix glaciale.

— Quoi ? Mais je...

— Ou est-ce parce que tu tiens absolument à revenir au plus vite chez toi, dans ton époque dorée où la vie était si facile ? enchaîna Lily en avançant d'un air menaçant vers lui. Tu ne peux vraiment plus attendre pour te rapprocher de la Pierre ?

— Mais...

Le dos de Chris toucha la porte de sa propre chambre sans qu'il n'ait eut conscience de reculer. Lily se posta juste devant lui.

— Est-ce que tu te rends seulement compte de ce que tu risquais ?! explosa-t-elle. Encaisser un choc à pleine puissance dans le seul but de mettre ce défenseur hors-jeu ? Tu aurais pu perdre ton bras ! Un choc pareil aurait même pu te briser tous les os du corps ! Tu n'as donc rien écouté de tout ce que je t'ai appris ?!

Les cris de la jeune femme résonnaient dans le couloir. Chris regretta de ne pas voir jaillir Sélène, mais se souvint qu'elle était de sortie.

— Mais... mon Coup de canon, balbutia-t-il.

— « Coup de canon » ? répéta Lily clairement hors d'elle. Ne prends pas les délires de Jess au sérieux, ce n'était qu'un coup de chance ! Un coup de dé, un timing idéal cumulé au recul a amorti le choc... mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?!

— Je... tu... on devait gagner, sinon tu aurais dû rejoindre l'armée ! balbutia-t-il.

L'effet fut immédiat. Lily se tut, les yeux et la bouche grands ouverts.

Chris baissa la tête, toute euphorie dissipée pour de bon. Elle avait raison, bien sûr. Sa tentative avait été pure folie. Sa parfaite vision des limites du bouclier lui avait insufflé assez de confiance pour s'y essayer, il était probablement le seul capable de réaliser cette manœuvre. Pour autant, même ainsi le danger avait été trop grand. Il eut suffi que le défenseur se déplace d'un centimètre à l'instant où il arrivait au contact pour que Chris finisse encastré dans les parois du terrain.

Lorsqu'il releva finalement les yeux, prêt à s'excuser, il trouva Lily encore plus proche de lui.

— Comment as-tu... murmura-t-elle.

— C'est Jess qui me l'a dit, mais tu ne dois pas... elle a eu raison, tu sais ? J'aurais dû le savoir depuis le début, je... nous sommes amis non ?

Comme il balbutiait, le regard de la jeune femme s'enflamma soudain. Elle se jeta contre lui sans prévenir. Leurs lèvres se rejoignirent.

Pris au dépourvu, Chris s'empressa de saisir Lily par la taille. Il la repoussa, avec moins de délicatesse qu'il ne l'aurait fallut, pour lire dans les prunelles de la jeune femme le reflet de son propre trouble. Les lèvres pulpeuses de Lily s'entrouvrirent, elle cherchait, à n'en pas douter, quelques mots d'excuse.

Lui n'avait qu'une promesse en tête. Il s'était promis de ne surtout pas tomber amoureux.

Chris se pencha et rendit son baisé à Lily. Il évacua cette frustration qui l'avait habité au cours des deux semaines passées. Il laissa enfin libre court à ses sentiments refoulés, à l'attirance ressentie pour elle au premier échange de regards. Chris Libéra tout un flot d'émotions auxquelles Lily répondit avec avidité, se collant à lui. Ils échangèrent des embrassades dans une étreinte infinie.

Lorsque le jeune homme reprit assez conscience de la situation pour se rendre compte qu'ils se trouvaient toujours dans le hall, qu'à tout moment un agent de la maison pouvait débarquer, il tâtonna derrière lui à la recherche du système d'ouverture de sa porte. Tous deux la franchirent sans que leurs lèvres ne se séparent, puis Lily le repoussa légèrement, avec douceur. Les mollets de Chris heurtèrent le bord de son lit, il s'y laissa glisser. Après avoir activé la fermeture de la porte, la jeune femme revint vers lui et l'enfourcha.

Ses ultimes inhibitions définitivement envolées, plus rien ne compta que la chaleur des lèvres de Lily, la douceur de sa peau, son parfum exotique et la saveur sucrée de ses lèvres. Chris laissa glisser ses doigts le long des hanches de sa partenaire, remonta délicatement ses pouces vers son nombril découvert. La jeune femme accompagna les gestes du jeune homme en se redressant, elle guida ses mains vers sa poitrine. Il sentit deux petites noisettes, dressées sous la légère courbure du tissu. Sa bouche fut irrésistiblement attirée par elles.

Encouragé par les gémissements de sa complice, Chris souleva lentement le tissu. Lorsque Lily fut débarrassée de son haut, elle ne le laissa pas longtemps l'admirer dans toute sa splendeur. Elle le repoussa pour s'attaquer sans tarder aux boutons de son uniforme. Les yeux pourpres de la jeune femme brûlaient lorsqu'elle approcha à nouveau son visage de celui de Chris.

Leurs langues se retrouvèrent. Il sentit que les caresses de la jeune femme descendaient avec témérité le long de son torse.

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