Prélude
Les pigeons, eux aussi, ont besoin d’amour.
Le mariage hétérodoxe de ces quelques mots fut le dernier signe de la présence de Luther sur terre. Ils étaient écrits sur une page volante, oxydée par le temps et au grain épais, sans doute dérobée à la tranche d’un roman de gare. Luther n’était pas ce qu’on pourrait appeler quelqu’un de raffiné. Il aimait les choses insipides : il s’émouvait à la lecture de romances à l’eau de rose et frémissait à celle de polars mercantiles, il ne portait que des complets en coton, gris ou vert terne, et ne se nourrissait que de carne et de pomme de terre bouillies. Nombreux sont ceux qui ont vu en lui l’archétype même de la médiocrité de sorte que l’audace de son dernier aveu ne pouvait là que mondifier la banalité de la personne qu’il avait été - ou est, est-il seulement encore en vie ?
C’est Lilas qui trouva l’indice de sa disparition, dans l’herbe humide, au pied du vieux pommier où ils avaient pour habitude de se réfugier les jours d’intempérie. La jeune fille saisit sans peine le message alambiqué de son ami. Luther avait pris son envol et pour nouvelle enveloppe charnelle, il avait opté pour la candeur que l'on porte aux colombes.
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