Au delà des rêves
J’ai toujours pensé qu’il y avait deux catégories de personnes : les rêveurs, toujours la tête dans les nuages, idéalisant le monde qui les entoure et les réalistes, dont je fais clairement partie. J’ai tendance à ne croire que ce que je vois et à avoir les pieds bien ancrés dans le sol. Je crois que j’ai arrêté de rêver quand mes parents ont divorcé alors que je n’avais que 8 ans. Au fait, je m’appelle Hannah et j’ai 23 ans. Bien que je ne sois pas une rêveuse il y a des choses qui m’émerveillent, comme l’automne. J’ai toujours adoré l’automne, peut-être parce que les couleurs me rappellent le roux flamboyant de mes cheveux et aujourd’hui c’était vraiment une belle journée d’automne. J’avais décidé d’aller voir mes grands-parents, ils habitent dans le même village que nous, je les vois souvent depuis que je suis toute petite car maman est restée très proche de ses parents. J’aime aller les voir et mon grand-père est toujours très heureux de partager ses nombreux souvenirs avec moi. J’ai pour habitude de passer des heures au grenier à feuilleter les albums photos, fouiller parmi les tas d’objets qui ont traversés des décennies ou juste rester à la fenêtre à regarder les gens passer. Aujourd’hui je regardais l’énorme bibliothèque et ses livres poussiéreux. Mamie était vraiment passionnée d’histoires à l’eau de rose, pas de doute sur le fait qu’elle est une rêveuse. Après une bonne heure à tourner des pages jaunies par le temps, j’ai trouvé un coffre en bois caché derrière une encyclopédie. Après avoir retiré la couverture de poussière j’ai ouvert ce coffre, il y avait un pendentif avec une pierre pyramidale blanche et un cordon en cuir que j’ai mis autour de mon cou. Ce coffre était magnifique, il y avait de jolies gravures dans le bois et l’intérieur était tapissé de velours rouge vif. Il y avait un emplacement vide, très certainement pour un livre. On pouvait y lire une inscription à l’intérieur du couvercle « le rêve est un fabuleux voyage ». Oui mais encore ? Dans le genre énigmatique on ne fait pas mieux. C’était signé A.Lebrault. J’avais très envie de savoir quel livre allait dans ce coffre et j’avais passé bien assez de temps dans ce grenier pour aujourd’hui. Le meilleur endroit pour trouver toutes sortes de livres ici c’était en allant à « la prose gourmande », sorte de café bouquiniste. Aussi loin que je m’en souvienne il a toujours été là et ce n’est pas la peinture écaillée de sa devanture qui dira le contraire. C’était un endroit très agréable pour bouquiner et on y trouvait aussi des boissons chaudes, des jus de fruits et de délicieuses pâtisseries, une sorte de petits paradis pour lecteurs gourmands comme moi. Il appartenait à Wilson, un homme charmant venu tout droit d’Angleterre. Il était soucieux du détail, toujours très bien rasé, ses cheveux d’argent tirés vers l’arrière et sa tenue impeccablement repassée. Il avait tout le temps la même tenue, seules les couleurs changeaient, un pantalon à pinces, une chemise et un cardigan. Quand j’arrivais ce jour-là, il était 17h30, il y avait 3 personnes en pleine lecture, je n’aperçus pas Wilson qui était toujours très occupé. Je me mis en quête de ce fameux livre manquant. Il y avait d’interminables étagères toutes plus chargées de livres les unes que les autres. Je ne savais pas vraiment dans quelle catégorie chercher, policier, littérature étrangère, science-fiction… aucune idée, je n’avais jamais entendu parler de cet auteur. Je l’ai finalement trouvé sur l’étagère « divers » ce qui ne me donnait pas beaucoup d’informations sur le style de ce monsieur ou cette madame Lebrault. Il n’y avait que deux livres de cet auteur mystérieux. Il y avait une autobiographie et l’autre était très vieux et c’était certainement celui qui allait dans le coffre à en croire son apparence et la phrase qui était inscrite dessus, la même que sur le coffre. Il était petit, violet, avec de jolies dorures, et avait pour titre "Au delà des rêves" . Je décidai de commencer par feuilleter son autobiographie pour enfin savoir à qui j’avais à faire. Après avoir passé un bon moment sur ce livre je savais que l’auteur était un homme prénommé Yaël qui avait passé toute sa vie en Bretagne, il était gemmologue lapidaire. Vous vous demandez sûrement ce que c’est ? Et bien d’après ce que j’ai pu lire c’était un spécialiste des pierres précieuses et pierres fines, il les étudiait, les évaluait, les achetait, les revendait… d’où le pendentif dans le coffre. J’étais curieuse de savoir quelle pierre c’était. Je suis allée du côté des livres scientifiques pour essayer de satisfaire ma curiosité. J’ai trouvé un livre magnifique, complet, détaillé, avec de grandes photos. Il existe vraiment de nombreuses sortes de pierres auxquelles on prête des pouvoirs divers et variés. L’émeraude lutterait entre autre contre les maladies oculaires, le saphir apaiserait les douleurs nerveuses et l’aigue marine calmerait les démangeaisons. La pierre du pendentif quant à elle serait une apophyllite blanche. C’est une pierre de transmission des énergies et des vibrations notamment sous sa forme pyramidale, elle connecte les plans physiques et spirituels, corrige les blocages mentaux et les émotions refoulées. Elle est un lien solide entre plan physique et plan spirituel lors des voyages extra corporels. Pour peu qu’on y croit, le pouvoir des pierres est très intéressant, je suis un peu sceptique à ce sujet mais je comprends que cela puisse être réconfortant pour certaines personnes. Il était grand temps que j’aille chercher quelque chose à boire, je ne sais pas quelle heure il était et depuis combien de temps j’étais plongée dans les livres mais il commençait vraiment à faire sombre ici. J’étais au fond de la boutique et je ne m’étais pas rendu compte que tout le monde était parti. Wilson allait sûrement fermer. Après quelques minutes à attendre je décidai d’appeler Wil :
« Wilson, c’est Hannah où es-tu ? Wilson ? Je voulais juste prendre un thé et te voir avant de partir. »
Pas de réponse. C’est seulement à ce moment-là que je me suis aperçue que la nuit tombait et que j’étais toute seule… et enfermée ! Génial, il n’y a vraiment qu’à moi que ça arrive ce genre de galère. J’ai eu la brillante idée de vouloir appeler quelqu’un pour qu’on vienne m’ouvrir et que je rentre chez moi. Ce n’est qu’après avoir fouillé mes poches et retourné mon sac trois fois que j’ai dû me rendre à l’évidence, je n’avais pas mon téléphone, vous pensez bien que ça aurait été trop facile. Sachant qu’il n’y avait pas de téléphone j’allais devoir passer ma nuit ici. Ce n’est pas l’occupation qui manquerait ni la nourriture mais ce n’est pas exactement ce que j’avais prévu de faire de ma soirée. Et ce n’est pas ma mère qui allait s’inquiéter car elle était de garde à l’hôpital cette nuit. Je me suis résignée, puisque j’étais coincée ici autant commencer ce livre maintenant. J’ai rapproché deux fauteuils pour allonger mes jambes et me suis recouverte avec mon manteau. J’ai enfin ouvert ce livre si mystérieux. Sur la première page il y avait une phrase pour le moins… étrange « je t’invoque Morphée, dieu des rêves, offre-moi les yeux pour voir, la force de croire, le courage de vivre mes rêves ». Ok. Evidemment j’ai éclaté de rire, non mais franchement il aurait pu se contenter de « A mes enfants et ma femme » ou « le rêve est un fabuleux voyage » comme sur le coffre, ça aurait été très bien ça, mais non il a fallu qu’il nous mette une sorte de formule « magique ». On dirait bien qu’il faisait une fixette sur les rêves celui-là. Vous connaissez l’expression « ne pas juger un livre à sa couverture » ? C’est ce que j’ai décidé de faire, juste après m’être bien moqué de lui bien sûr.
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