Chapitre 1 : province de Karghezo. (4/4)

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Dresil eut l’air gêné.

— En fait, elle n’a pas fait grand-chose. J’avais jamais mis les pieds en ville avant de te rencontrer. Je ne savais pas qu’on pouvait entrer librement dans l’ambassade. Elle m’a vu attendre sur la grande place devant la porte. Elle est venue aux renseignements. Après, une blessure de mon cheval m’a donné un prétexte pour entrer.

Il se pencha sur sa fiancée et l’embrassa tendrement. Du coin de l’œil, Deirane remarqua un mouvement : Surlo déposait un baiser dans la nuque de Nëppë qui ne se déroba pas. Quand Dresil s’écarta, elle le retint d’un bras autour du cou et lui murmura, la bouche contre l’oreille :

— Avec lequel des deux vit ta sœur ? Je croyais que c’était Vanso.

— Avec les deux, répondit Dresil aussi discrètement.

— Ce n’est pas un peu scandaleux ?

— Ils sont jumeaux.

La façon dont le jeune fermier avait prononcé ces derniers mots semblait indiquer qu’il trouvait ça tout à fait normal. À Gué d’Alcyan, ça aurait provoqué des discussions sans fin, pouvant même aller jusqu’à une vendetta entre deux familles. Karghezo, à peine cent cinquante longes plus au sud, présentait des mœurs bien différentes des provinces du nord.

L’ambiance retrouvée, le repas se termina dans la joie. Mais chacun fit bien attention à ne plus jamais aborder le sujet du tatouage de Deirane. Le moment que cette dernière préféra fut quand les instruments de musique sortirent de leur étui. Dresil jouait d’une flûte, mais comme Deirane n’en avait jamais vu : longue, avec son extrémité évasée en pavillon. Mace l’accompagnait avec un tambourin. Pour les chants, les jumeaux avaient une belle voix de basse, que complétait harmonieusement l’aigu de Nëppë. Mais le plus extraordinaire était Vorsu qui avait une voix haut-perchée d’une pureté absolue. Deirane savait chanter, mais face à ce petit groupe, elle n’osa pas. En revanche, son usfilevi fut bien accueilli, il complétait l’orchestration par un ensemble de cordes.

La soirée se termina très tard, une légère lueur était visible au levant. Les derniers à partir furent Nëppë et ses deux futurs maris. Elle avait tenu à ranger avant de laisser à Deirane la maîtrise de son foyer. En plus, ils habitaient juste à côté, à moins d’une longe. À peine un calsihon de marche.

Le silence soudain déprima un peu Deirane, même si au fond d’elle-même elle était soulagée. Les amis de Dresil étaient joyeux, mais épuisants. Elle n’avait pas l’habitude de ces soirées qui duraient tard et où tout le monde parlait. Elle se demanda si c’était fréquent ou s’ils avaient juste été curieux de la rencontrer. Les amis de Dresil ? Ses amis aussi maintenant. Elle sourit à l’évocation de la description que Mace lui avait faite de Calen. Ne la connaissant pas, mais l’admirant, il se l’était imaginée comme une recluse, ne sortant de son repaire que quand elle y était obligée, ne prenant pas soin de sa personne. Lui dire qu’en fait il s’agissait d’une femme d’une beauté remarquable menant une vie sociale très active et ayant de nombreux amants l’avait surpris. Non, ça l’avait choqué. Il n’avait presque plus rien dit pendant près d’un monsihon (1). Mais à la fin, il était résolu à la rencontrer, quitte à se rendre dans son fief de Jimip à pied.

Deirane allait aimer cette nouvelle vie qui commençait.

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1. Pour les unités helarieal, se reporter au glossaire à la fin du roman.

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