Chapitre 20 - Partie 2
La tempête arriva comme prévu moins d’un monsihon plus tard. En réalité, son cœur se situait plusieurs centaines de longes au sud de l’archipel. Ystreka, très proche du continent, se situait à la périphérie du cyclone. Les vents restaient malgré tout très violents. Les épaisses parois de basalte protégeaient efficacement les habitants de l’île. Le bruit n’en était pas moins impressionnant. Il passait par toutes les ouvertures qui communiquaient avec l’extérieur, les portes, les fenêtres et la ventilation. Au bout du couloir, la porte qui menait à la plage tremblait. La petite langue de sable qui s’étalait au pied de la Résidence devait être totalement submergée.
Un instant, l’ancien espion eut envie de descendre à Imoteiv. Il voulait voir comment les habitants protégeaient le port de l’onde de tempête. Mais il préféra suivre le conseil de son hôte et se dirigea vers la tour d’observation. Le trajet était bien indiqué, comme toutes les destinations d’ailleurs, par des indications gravées sur les murs aux principales intersections. De plus, il n’était pas le seul à s’y rendre. De nombreux Helariaseny suivaient le même chemin que lui.
La tour d’observation de la Résidence se trouvait au sommet du volcan qui occupait la partie orientale de l’île. On y accédait par un escalier en colimaçon qui débouchait au centre de la salle. Elle était toute petite, juste assez grande pour quelques personnes. Elle était coiffée d’un dôme métallique solidement fixé sur le socle rocheux. D’épaisses plaques de verre bawck étaient scellées dans la structure, offrant une vue panoramique sur tout l’horizon et vers le ciel. En temps normal, elle permettait de voir sur des dizaines de longes tout autour de l’île. Mais aujourd’hui la tempête occultait tout. Même l’île de Mustul, que pourtant on voyait depuis le niveau du sol, était invisible. On avait beau savoir que la construction était solide, à l’épreuve des plus puissants cyclones, on ne pouvait s’empêcher d’être effrayé. Tout autour de lui, les éléments se déchaînaient. Les trombes d’eau et les éclairs s’abattaient autour d’eux sans discontinuer. La nature dans toute sa puissance tentait d’abattre la tour. On aurait dit que le vent cherchait à arracher l’île de son socle pour l’entraîner avec lui. Ternine s’approcha du mur. Il regarda un moment la charpente qui assurait la solidité de l’ensemble. Il y avait assez de métal ici pour équiper toute une armée. Mais la construction datait de bien avant la guerre et la pénurie de fer. Rassuré par la solidité de l’ensemble, il put admirer le spectacle. Les vagues projetées contre la falaise arrivaient jusqu’au tiers de la hauteur du plateau. S’il s’agissait là d’une petite tempête, les plus grosses devaient certainement inonder le centre de l’île.
Il serait bien resté plus longtemps. Mais les gens poussaient derrière lui, aussi il dut céder sa place. Il redescendit à l’abri dans les profondeurs des grottes. En rejoignant sa chambre, il compara la vie dans la Résidence avec celle du palais royal d’Orvbel. Dans ce pays, les tempêtes arrêtaient tous. Les habitants s’enfermaient chez eux, s’y barricadaient et attendaient que ça passe. Ici, les gens s’affairaient comme d’habitude. La vie n’était pas suspendue. Il y avait pas mal d’inoccupés, une partie de ceux qui travaillaient à l’extérieur étaient réduits au chômage forcé. Mais la plupart avaient également une activité liée à la tempête. Tous les autres continuaient leur activité. En pleine saison des tempêtes, les cyclones s’abattaient sur l’archipel au rythme de un à deux par mois. Si la Pentarchie avait arrêté de fonctionner à chaque fois, elle ne serait jamais devenue la grande puissance qu’elle était. Au cours de ses missions, il était tombé sur un rapport stratégique disant que l’île d’Ystreka était capable de vivre en autarcie complète pendant presque un an et qu’en supportant quelques privations elle était totalement autonome. En voyant les gens se déplacer autour de lui, il était prêt à le croire.
Pendant son absence, sa partenaire s’était enroulée dans le drap pour chercher un peu de chaleur. En effet, les aérateurs disposés un peu partout dans la cité avaient bien rafraîchi l’air, ce qui après la chaleur étouffante de ces dernières jours était le bienvenu. Mais l’île bénéficiait habituellement d’un climat tropical et elle était nue. Il n’était pas surprenant qu’elle ait froid.
Il avait envie d’arracher le morceau de tissu qui la couvrait. Il ne se rassasiait pas de la regarder. Il en avait pourtant vu de bien plus belles. Son métier l’avait amené à côtoyer des femmes magnifiques auprès desquelles elle aurait paru insignifiante. Mais celle-là était spéciale. Elle avait choisi d’être ici. Il préféra la laisser dormir. Avant de se retirer, il écrivit un petit mot qu’il laissa sur la table de chevet. Il se rendit compte que s’il savait lire les caractères helarieal, il était incapable de les tracer. Il écrivit phonétiquement en utilisant l’abjad yriani en espérant qu’elle comprendrait. C’était probable, la Pentarchie offrait un bon niveau d’instruction à ses habitants et l’yriani standard était une des langues qui avait le plus de locuteurs au monde, même si c’était l’helariamen qui avait le rôle de langue internationale.
Avant de quitter les lieux, la sentant si près de lui, il ne put s’empêcher de soulever le drap pour la regarder dormir. Il admira le buste ainsi offert. Elle n’était pas aussi voluptueuse que la plupart des femmes qu’il avait fréquentées, même Littold était mieux pourvue. Mais ses seins avaient une jolie forme. Et il avait encore en tête ce qu’elle avait fait avec cette nuit. Et davantage encore ce qu’elle lui avait laissé faire avec. Il prit l’un d’eux dans le creux de la main. Il s’ajustait parfaitement, à croire qu’il avait été fait rien que pour lui. Elle protesta dans son sommeil, ramenant le bras pour chasser l’opportun. Il n’insista pas. Il la recouvrit avec le drap. Il étala même sur elle une couverture qu’il trouva dans l’armoire pour qu’elle ait plus chaud. Puis il quitta la pièce, se mettant en quête de Littold.
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