Chapitre 36 - Partie 2
— J’ai échangé quelques caresses avec Deirane, continua-t-elle. Mais c’était de la curiosité. Ses pierres, tu comprends. Ça ne compte pas.
Il comprenait. Lui aussi était curieux de savoir l’effet de toute cette multitude de petits cailloux greffés dans sa peau. Et puis, il savait que Saalyn n’était pas attirée par les autres femmes.
— Donc c’est la seule fois depuis ce qui s’est passé en Orvbel.
Elle hocha la tête. Elle traversa la pièce et s’appuya à la table qui portait le bac de toilette. Le tremblement de la jambe qu’il avait vu chez les gems était réapparu. Enfin, elle répondit.
— Pour la question que tu n’as pas posée, si tu veux savoir si j’ai été violée, la réponse est évidente. Pourquoi Jergo m’aurait-il épargné ça ?
— Je m’excuse avoir remué tous ces souvenirs. J’ai été stupide !
Elle ne répondit pas. Le tremblement de sa jambe n’avait pas cessé. Il se leva et la rejoignit. Quand il la prit par les épaules, elle ne se déroba pas à l’étreinte. Elle semblait avoir confiance en lui. Et soudain il comprit.
Doucement, il lui massa les épaules, lui dénouant les muscles tendus. Elle se laissait faire. Puis il la retourna. Elle le dévisagea.
— Tu es bizarre, dit-elle.
— Je viens de comprendre quelque chose.
Ses mains glissèrent jusqu’à son corsage. Il commença à dénouer les lacets de sa tunique.
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.
Elle avait posé la question sans arrêter son geste.
— Tu me fais confiance ?
— Oui.
— Alors laisse-moi faire ?
Elle détourna la tête mais le laissa continuer. Doucement, il fit glisser sa tunique sur son corps. Il regarda la poitrine superbe offerte à ses regards. Elle avait l’air un peu gênée. Et elle semblait nerveuse. Il redoubla de précaution pour dénouer la ceinture qui retenait son pantalon de cuir et c’est en étant très attentif à ses réactions qu’il le fit glisser sur les hanches. Elle se retrouva nue face à lui. Elle frissonnait, mais ce n’était pas de froid. Elle poussa un cri de frayeur quand il la souleva. Il n’y avait pas de mur derrière elle pour la retenir. De peur de perdre l’équilibre, elle se cramponna au stoltzen. Elle noua ses jambes autour de sa taille pour diminuer la tension sur les bras. Leur visage l’un en face de l’autre, il put voir qu’elle avait peur. Mais son intuition était bonne il était la seule personne en qui elle avait confiance. La seule qui pouvait la toucher. Il y avait Wotan aussi, mais il était une sorte de second père pour elle. Öta était le seul à pouvoir vaincre ses réticences.
Le jeune stoltzen sentait le corps de Saalyn trembler contre le sien. Lentement, il recula jusqu’au lit et s’assit. Patiemment, il attendit qu’elle se détende. Ses caresses n’avaient rien d’érotiques. Il se comportait comme s’il essayait de rassurer un animal effrayé. Il en profitait pour admirer sans retenue le corps sculptural qui s’exposait librement à sa vue.
Elle riva ses yeux dans ceux de son disciple. Ce qu’elle y vit dut la rassurer, puisqu’il sentit ses tremblements se calmer.
Il put passer à l’action. Il décrocha les bras de son cou. Elle poussa un petit cri quand elle se sentit tomber en arrière. Mais des bras puissants la retinrent. Dans cette nouvelle position, son buste était totalement exposé au regard de son disciple. Et comme elle s’en aperçut rapidement, à ses lèvres.
— Laisses-en un peu pour Hester, plaisanta-t-elle.
Il sentit qu’il persistait une pointe d’inquiétude qu’elle essayait de masquer dans sa plaisanterie.
— N’aie pas peur. Je suis sûr qu’il y en a assez pour deux.
Il changea néanmoins de tactique. Pour un résultat catastrophique. Quand elle sentit les dents se refermer sur son téton dressé, elle paniqua. Il ne chercha pas à la retenir. Elle s’enfuit, s’écartant d’Öta autant qu’elle put. Elle s’appuya contre le mur et resta là sans réagir.
Le jeune apprenti était furieux contre lui-même. Il avait oublié qu’elle avait été aussi torturée par ce sadique qui l’avait séquestrée plusieurs mois durant. Il l’observa, remarqua la jambe qui tremblait, le tic nerveux était revenu, plus violent que jamais. Elle ne pouvait le réprimer. Il ne pouvait rien faire qu’attendre qu’elle se calme. S’il la rejoignait et la touchait en tentant de la réconforter, elle risquait de perdre complètement le peu de contrôle qui lui restait. Il attendit.
Enfin, elle sembla se reprendre. Ses tremblements ralentirent. Elle respira un grand coup.
— Je suis désolée, dit-elle enfin.
— Que t’a fait Jergo pour que réagisse comme ça ?
Elle hocha la tête.
— Je préfère ne pas en parler, répondit-elle.
— Comme tu veux. Mais si tu as besoin un jour de te confier, je serai là.
— Je n’oublierai pas. Mais tu risques de le regretter si je te prends au mot.
Elle semblait retrouver le contrôle de ses nerfs. Öta se leva et la rejoignit. Il la prit par les épaules, les caressant un instant. Puis il la retourna face à lui. Il lui souleva le menton pour qu’elle le regarde dans les yeux. Elle essaya de se dérober, mais il insista.
— Tu vas devoir être patient, dit-elle.
La Saalyn qu’il voyait n’avait rien à voir avec la farouche guerrière libre des légendes. Elle avait fait place à une femme craintive et apeurée. Il maudit Jergo de l’avoir mise dans cet état. Il commençait à regretter de l’avoir tué si vite.
— Je vais y aller très doucement. Je vais faire comme avec une vierge qui fait l’amour pour la première fois.
— C’est un peu ça, remarqua-t-elle, tu as dépucelé beaucoup de filles ?
— Ma carrure présente bien des avantages. Surtout dans un pays de nabots comme l’Helaria.
Elle fit un petit sourire triste. En cet instant, elle avait vraiment l’air de ces jeunes filles vierges qu’il initiait parfois. Il la prit dans ses bras et la souleva. Puis il la transporta sur le lit où il l’allongea. Il s’étendit à côté d’elle.
— Je vais être si doux que tu te rendras à peine compte que je te touche, dit-il.
— Un peu quand même j’espère.
— Fais-moi confiance.
— J’ai confiance en toi.
Il la regarda longuement, notant son appréhension. Ce n’était plus la frayeur qui avait failli la submerger un instant plus tôt. Il comprit qu’elle lui laissait la direction totale des opérations. Qu’aujourd’hui, c’était lui le maître et elle la disciple. Il déposa quelques baisers sur son corps pour voir sa réaction.
— Tu gardes tes vêtements ? demanda-t-elle.
Il s’appuya sur son coude.
— Dis, c’est moi l’expert en vierge effarouchée, dit-il.
Elle lui sourit.
— Tu as raison. Fais comme tu le sens.
Et il le fit. Il ne se servit que de ses mains, sa bouche et sa langue pour stimuler toutes les zones sensibles de son corps. Il lui arrachait des sensations qu’elle croyait avoir oubliées. Elle se crispait parfois, quand une caresse faisait remonter un souvenir pénible. Mais entre les mains de son disciple, elle était en totale confiance. Quand il stimula le bout d’un sein de la langue, elle frissonna de délices.
Brutalement, l’orgasme vint. Violent. Irrépressible. Son corps se tordit de plaisir, ses mains se crispèrent sur les draps. Öta continua jusqu’à ce que la jouissance devienne insoutenable. Puis quand elle crut qu’elle ne pourrait plus en supporter davantage, il s’arrêta, mais lentement, comme il avait commencé.
Et il n’avait toujours pas ôté ses vêtements.
Elle mit longtemps à reprendre pied avec la réalité. Finalement, elle tourna la tête vers lui.
— Merci, dit-elle.
Elle lui caressa le visage.
— C’est plutôt moi qui devrais te remercier.
— Pourquoi ? Pour tes réunions ? dit-elle pour plaisanter.
Il entra dans son jeu.
— Qui pourrait se vanter d’avoir fait l’amour avec Saalyn ?
— Ça dépend. Dans ton groupe d’apprentis, ou en général ?
— Parmi les apprentis.
— Tu es le seul.
Elle lui adressa un sourire qui exprimait tout ce qu’elle ressentait pour lui.
— Et en général, continua-t-il.
— Je ne sais pas trop. Beaucoup. Je ne les ai jamais comptés. Mais j’ai toujours été active. Et j’ai plus de six cents ans. Donc en disant un millier j’ai peur d’être en dessous de la vérité.
Elle s’adossa contre le mur. Öta remarqua une petite goutte de sang qui perlait sur le sein gauche, juste à côté de la pointe.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il étonné.
— Ta broche, répondit Saalyn, elle est un peu pointue.
Bien sûr la broche. Un cadeau de sa sœur aînée quand il avait intégré la corporation. Une licorne, avec une corne bien effilée. Le symbole animal de l’Helaria. Il se morigéna intérieurement de l’avoir oubliée.
— Tu aurais dû me le dire.
— Sur le moment, je n’y ai pas pensé.
Lentement, il se pencha sur elle et lécha la goutte de sang. Puis il remonta le long de l’égratignure. Elle le regarda faire en souriant.
Hester choisit ce moment pour se manifester. Pendant que Öta s’occupait de son maître, il s’était tenu tranquille. Mais là, il avait faim et le signala bruyamment.
— Tu t’en occupes ? demanda Saalyn.
— Bien sûr.
Il se leva pour prendre le nourrisson dans le berceau – plus vraiment un nourrisson d’ailleurs vu son poids – et l’amena à Saalyn qui tendit les bras pour l’accueillir. Elle guida le téton vers la petite bouche. Öta la regarda faire. Il admirait ce lien intime qui se développait entre la mère et l’enfant.
On frappa à la porte. Il se leva pour ouvrir. C’était un jeune serveur qui apportait à manger. Il tenait dans les mains un plateau sur lequel divers récipients étaient posés. L’apprenti l’invita à entrer. Il traversa la pièce jusqu’à la petite table dressée dans un coin où il posa son chargement. En sortant, il dévora Saalyn des yeux. Son expression exprimait à la fois son excitation face à une belle femme nue et du dégoût pour le comportement impudique de cette stoltzin débauchée.
— Fais attention où tu mets tes yeux, rugit Öta.
Le jeune homme battit en retraite vers la sortie et la sécurité.
— Tu lui as fait peur, remarqua Saalyn.
— Ça tombe bien, c’est ce que je voulais. Je n’aimais pas la façon dont il te regardait.
— C’est pas de sa faute, il est le produit de sa culture.
— Regardons au moins ce qu’il nous a apporté à manger.
Il souleva les couvercles des différents récipients.
— De la viande en sauce avec des petits légumes, du fromage, des fraises. Je suppose que cette purée de, un truc indéterminé orange fluo, est pour Hester.
— C’est pas une mauvaise idée. On aurait déjà dû diversifier sa nourriture depuis quelque temps.
— Et ça c’est ?
D’un air dubitatif, il montra un berlingot de papier.
— De la crème fraîche, expliqua Saalyn, c’est pour les fraises.
— C’est la première fois que je la vois présentée comme ça.
— Habitude naytaine. Mais d’ici je ne vois pas d’assiettes.
— Il n’y en pas, répondit Öta, aucune importance.
Il amena le pot de purée avec une petite cuillère en bois poli de belle facture. En le voyant approcher, Hester tendit la main vers lui. Öta s’assit à côté de Saalyn et saisit la petite main. Le bébé lui sourit, en continuant à téter.
— Au fait, pourquoi as-tu demandé de faire monter le repas ici ? demanda Öta, je croyais que tu comptais manger en bas.
— J’avais donné des consignes au cas où je ne descendrai pas.
Saalyn finit de faire manger Hester en lui donnant la purée. Elle joua un instant avec lui. Puis elle le passa à Öta pour qu’il le change et le recouche. Elle profita de ce qu’elle avait le lit pour elle seule pour s’étirer. Au lieu de le mettre dans son berceau, Öta assit le bébé sur le tapis au milieu de ses jouets. Et il y en avait un nouveau, remarqua-t-elle. Le disciple, très habile de ses mains, en avait créé un autre. C’était un cube gravé sur chacune de ses faces d’un dessin d’animal, il avait poussé le soin à arrondir les angles et les arêtes pour éviter qu’il se blesse. Hester le remarqua de suite. Il le prit et le tendit vers Öta en babillant. Puis il l’examina attentivement.
— Il est occupé, remarqua Öta, il ne fera pas attention de ce qu’on fait.
— Pourquoi ? Tu veux faire quoi ?
— Manger.
— Je te rejoins.
— Non, reste où tu es.
Il prit le pot qui contenait la nourriture.
— Oh non, s’écria Saalyn en se relevant à moitié, il n’est pas question qu’une seule portion de cette nourriture se pose sur moi.
— Rassieds-toi. Je nettoie toujours l’endroit où je mange, tu le sais bien. Et je pense que tu aimeras la méthode que j’emploierai.
Il vérifia la température de la nourriture, elle était suffisamment chaude pour procurer des sensations intéressantes à la stoltzin, mais pas assez pour la brûler.
Saalyn ne tarda pas à découvrir qu’elle était incapable de résister à Öta quand il prenait les choses en mains. Et plus tard, quand elle se réveilla, blottie contre son corps nu, elle se demanda comment une personne pouvait être à la fois aussi forte et aussi délicate à la fois. En tout cas, il avait tenu parole. Il n’avait laissé aucune goutte de sauce sur sa poitrine.
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