- Monsieur ! Monsieur !!

L’autre doit insister pour qu’il se sente concerné. Il s’arrête péniblement et se retourne.

- Vous avez fait tomber votre portefeuille !

Le garçon, 14 ans ou peut-être un peu plus, cheveux noir lissés, pantalon de jogging difforme et t-shirt moulant, lui tend un portefeuille de cuir noir. Lui, il palpe machinalement ses poches.
- Mince !

- Vous voyez, je suis honnête, j’ai vu que vous l’avez fait tomber et je vous le rends.

- Oui, je vois, excellent, dit-il en essayant d’attraper son portefeuille dans la main du garçon.
Mais le garçon avait retiré sa main. Il le regarde avec deux yeux noirs, perçants.
- Vous savez, monsieur, je viens d’une famille pauvre, nous sommes six frères…
Il ne comprend pas encore ce qu’il est en train de se passer. Il regarde la montre, 10h15, son téléphone sonne.
- Je peux avoir mon portefeuille ?

- Nous sommes pauvres, monsieur. Je suis honnête, je vous rends votre portefeuille. Mais vous pouvez me donner quelque chose ?
Il regarde ahuri le garçon, le téléphone encore en train de sonner dans sa main.
- Pour que je reste honnête, monsieur, explique le garçon sans détourner le regard. Vous avez de beaux billets dans votre portefeuille, monsieur. Juste pour acheter à manger à mes frères, pour que je reste honnête.
Et c’est là qu’il comprend. Il lui fait signe que oui, et tend de nouveau la main vers son portefeuille.
Le garçon attrape habillement les billets dedans et lui jette le portefeuille vide. Le temps de regarder si ses cartes sont toujours dedans, le garçon est déjà en haut de l’escalateur. Il se tourne de temps en temps pour voir s’il le suit et rigole.