Le Chalet

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Si fatigué, j’étais si fatigué.

Ma journée avait été éreintante, le trajet jusqu’au chalet éprouvant et maintenant on me refusait les clefs. Au milieu du blizzard, je n'avais jamais eu aussi froid de ma vie. - 15°C m'indiquait le thermomètre de mon auto. Sacré nom ! Près de cinq bons degrés de différence avec la ville de Mauçon ! La moutarde me montait au nez. Je voulais me calfeutrer bien au chaud, mais le propriétaire, fort aimable dans nos clavardages, essayait à présent de m'enfumer. Ou pas. Je ne savais plus, je voulais juste me poser, jarnicoton !
Un autre chalet ? Plus grand ? A quinze minutes au nord ? Un prix d'ami ? Très peu pour moi ! Un couvre-feu ? A votre aise ! Je me pèle la couenne dans ce blizzard, les clefs maintenant s’il vous plaît. Merci ! Bonne nuit !

J’étais fatigué, si fatigué. Tellement épuisé, que c’est à peine si je fis attention à l’agencement des lieux pour aller m’écraser sur le large lit dans la chambre jouxtant l’entrée. Je restai un moment immobile, la tête écrasée au milieu des oreillers, goûtant la chaleur bienfaitrice de ce cocon perdu en pleine nature ; avant de me souvenir que le moteur du pick-up tournait encore et que l’entrée était ouverte aux quatre vents.

A grand peine, je m’arrachai à l’étreinte langoureuse du matelas et la douceur des couvertures en imitation fourrure Lagerfeld. L’esprit ailleurs, j’allai couper le moteur aussi vite que la neige boueuse me le permettait et verrouiller la porte d’entrée. Enfin seul ! Enfin du silence ! Huit heures de bureau, trois heures bercé par le roulement des pneus sur l’asphalte détrempée et en bonus, une prise de bec avec le gardien des clefs, pour finalement goûter au calme et la tranquillité. Quelle journée...

Il était 22h30. J’avais plus sommeil que faim. Mes paupières étaient lourdes, ma tête dodelinait. Tant pis pour la douche, qu’importe l’hygiène, personne n’était là pour me juger de toute manière. Je posai mon sac de voyage sur un tabouret encoigné, fermai la porte, me déshabillai sans plus attendre et nu comme Adam, me lovai dans les couvertures.

Dieu que ça faisait du bien. J’éteignis les lumières et fermai les yeux.

Je dormis deux petites heures avant d’être rattrapé par mes fichues crises d’insomnies chroniques. Oh non, pas maintenant ! Pensai-je en me tournant et me retournant, au rythme des grincements du sommier.

Dans l’obscurité, mes yeux s’égarèrent sur le mur ouest. Brr... Le proprio avait des goûts bizarres en matière de décoration. Quelle idée d’accrocher des portraits aussi morbides, au sein d’un chalet si accueillant ? Difficile de bien en discerner les détails, mais les peintures déformées, sinon balafrées, dégageaient une aura très déplaisantes, presque malsaines. Même dans l'obscurité, les visages laborieusement croqués, sortaient tout droit des enfers. Je frissonnai et me retournai. Une quinzaine de minutes plus tard, je retrouvai enfin les bras de Morphée, pour ne me réveiller qu’aux premiers rayons de soleil.

Les yeux plissés, je m’étirai comme un gros chat, observant les alentours avec attention pour la première fois. La seconde suivante, mon cœur dégringola dans mes talons. Je me levai, m’habillai à la hâte, ramassai mon sac, montai en voiture et roulai aussi vite que possible chez le propriétaire. Voilà pourquoi il avait essayé de me rediriger vers un autre chalet, voilà pourquoi il avait mis en place un couvre-feu.

Tant pis pour mon week-end en solitaire. Il fallait appeler la police, quelqu’un. Dans tous les cas, je devais fuir, car sur le mur, il n’y avait jamais eu de portraits distordus. Uniquement des fenêtres.

Micronouvelle en compétition pour le prix "Court et Noir" de Short Edition, bien que son écriture première n'y était pas du tout destinée.

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