Chapitre 14 - Sans anicroche.
Tous des incapabbles.
Des minables.
Des insectes.
J'ai beau regarder cette centaine de visages en adoration ou craintifs, ponctués çà et là de ruse ou d'ambitions, je ne vois face à moi qu'un ramassis de déchets.
L'armée des Ténèbres.
Un imbécile prend mon sourire amer pour une invitation à la détente. Mauvaise idée.
- Avada Kedavra !
Mauvaise idée pour lui.
Dans l'assemblée, la ruse et l'ambition, comme l'adoration ou la crainte, ont laissé place à la terreur.
Un ramassis de déchets.
La lie du monde magique.
Et c'est avec ça que je suis censé dominer le monde ?
Je m'agite un instant dans les bras de Queudver pour ajuster ma position.
- Bon, je me résigne. Commençons la séance.
Un silence pesant s'est installé depuis que Naginni s'active sur le cadavre de l'imbécile heureux que je lui ai jeté en pâture et aucun de mes zélés subordonnés ne semble pressé de me faire son rapport. Les tremblements de Queudver accentuent ma répugnance et ma colère.
- Qu'en est-il du Ministère de la Magie ? je lance en projetant un sorcier ascétique et obséquieux à mes pieds d'un coup de baguette.
Le désigné volontaire accuse le coup, essoufflé par le choc, et halète un rapport sans intérêt : l'aveuglement volontaire de Fudge est un véritable pain béni et son obsession contre Dumbledore un régal. Un sourire m'échappe devant cette idée saugrenue de mes ennemis se combattant les uns les autres au lieu de s'unir contre moi.
Tandis que ce premier agent se retire avec force courbettes et salamalecs, je lui fais signe de disparaître de ma vue avant que je ne change d'avis.
Forcé d'imposer l'ordre d'apparition de mes rapporteurs, j'attire à nouveau sans aménité le suivant à mes pieds.
La gazette du sorcier ? Verrouillée sur la voix du minsistère et donc sans intérêt.
L'international ? Lointain et indifférent aux soubresauts de la petite Angleterre.
Le Magenmagot ? Infiltré et ses membres de plus en plus nombreux à prendre en considération les arguments de mes émissaires.
La peur : le meilleur des émissaires.
Les créatures magiques ? Les pourparlers sont en cours. La plupart des peuples magiques, en effet, sont trop stupides et indépendants pour comprendre ce qu'ils risquent à s'opposer à moi comme ce qu'ils gagnent à me suivre ; pourtant, j'ai besoin d'eux et je dois les apprivoiser peu à peu. Cela prend du temps mais je perds de moins en moins d'émissaires.
Quelques ordres jetés à mes agents pour poursuivre le développement de mon plan de conquête et je laisse le silence résonner, cherchant celui ou celle qui faillira dans ces visages tordus par la crainte.
Dans un coin, Naginni digère, les yeux réduits à des fentes, un large espace vacant autour de lui.
J'ai gardé le meilleur pour la fin.
- Disparaissez tous ! Non, pas toi, Severus.
Les cloportes rampent vers la sortie tandis que je détaille du coin de l'oeil le visage impassible de Rogue dont le regard se perd sans ciller dans la masse grouillante qui s'échappe sans demander son reste.
- Severus, mon ami !
Et il s'en faut en effet de peu qu'il soit ce qui s'approche le plus d'un ami tant il partage ma vie depuis longtemps et tant il entre loin dans mes secrets.
Je reconnais aussi son sang-froid et sa pondération en toute circonstance.
- Maître ?
Sa voix, toujours si neutre et pleine de respect force mon admiration, mais son impénétrabilité demeure un obstacle à ma pleine confiance.
On ne se refait pas.
- Comment vont nos affaires du côté de Poudlard ?
- Le tournoi va bon train. Comme prévu, Potter est en tête et bien parti pour gagner. Dumbledore est inquiet mais il l'est davantage pour les risques classiques qu'encourt tout jeune sorcier dans cette compétition que parce qu'il se douterait de quelque chose.
La voix de Severus est toujours aussi précise et froide. Chirurgicale, comme disent les moldus. La chirurgie est bien une invention humaine pour laquelle je peux comprendre qu'on s'intéresse et l'expression me plaît dans ce qu'elle revêt de tranchant.
- Les aurors ?
- Fol'Oeil ne semble pas nourrir le moindre soupçon. Je l'aurais cru plus affûté.
Il jette un oeil à Queudver, qui essaie de se faire discret malgré ses trémoussements agaçants qui me donnent la nausée.
- Me permettez-vous de demander quel est votre intérêt à faire gagner Potter ? Une diversion ?
Les questions de Severus sont toujours rares et précises. Si je ne tolère pas qu'on s'imisce dans mes plans ou qu'on s'autorise avec moi ce genre de liberté, je suis plus ouvert à ce compagnon de la première heure dont j'ai toujours apprécié la vive intelligence et la profondeur de vue. Néanmoins, j'hésite à répondre.
L'enjeu est trop important.
- Tu peux demander, Severus, finis-je par répondre. Mais il est trop tôt pour te dévoiler mes plans. Sache cependant que je n'ai pas décidé de tuer cet enfant. J'espère encore pouvoir le gagner à ma cause. Je sais que tu répugnes à sacrifier inutilement des enfants ; et je partage ton point de vue : un enfant vivant est une recrue potentielle.
Il acquiesce raidement et me demande si j'ai encore besoin de lui. Toujours avare de sa présence, je sais que Severus a à coeur de préserver sa couverture de professeur taciturne et ankysté dans l'école.
- Va, mon ami, et reviens-moi quand j'aurai besoin de toi.
Et sur cette phrase rituelle, il transplane soudain, me laissant seul avec Naginni.
Celui-ci vient se lover contre moi et je lui caresse le crâne.
Bientôt.
Très bientôt.
Queudver remue encore.
- Ramène-moi dans mon lit !
Je me retiens de le torturer pour le réprimander de son manque de tenue : je vais attendre qu'il me pose à l'abri de toute chute.
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