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Avant d’être Reine, Reine était un petit garçon espiègle, puis taciturne - écorce et chrysalide.
Elle s’appelait, dans cet autrefois, Twin, avait l’apparence poupine d’un enfant peluche. Son grand frère Twan, doré par le soleil campagnard, aussi vil que vigoureux, revêche jusqu’au verbe, la tourmentait et la rossait, parfois, au fil décousu des jours, imprimant ses douleurs aux paysages ternes.
C’est cette histoire toujours qu’elle déclinait dans toute sa gamme, ses facettes, la sienne d’histoire qui, à peine sortie de sa bouche, ne lui appartenait plus.
Comme toutes les légendes, relayées par des commères célestes, elle se chantait dans la ville comme une laisse, celle d’une chienne dont on se moque, en vers et contre tout, et qu’on promène non sans leste le long de la Coulée Verte, quand, au soir tombé, les corps disparaissent derrière les buissons.
Twin pleure dans l’ombre de Twan
Qu’il suit sur le sentier boueux,
Pas oppressé, ventre noueux.
Twin pleure dans l’ombre de Twan.
Suis-moi connard, suis-moi cochon.
Une envolée de claques roses
Un concerto de pleurs amers
- Twan, je vais le dire à ma mère !
- Tu vas finir au cimetière !
Et vlan un bon coup de bâton !
C’est bon pour la circulation !
Avance petite omelette,
Petit pédé, et femmelette.
Twin s’éteint dans l’ombre de Twan,
Qu’il suit sur les chemins pluvieux
D’un pas souffrant, d’un pas plus vieux,
Twin meure dans l’ombre de Twan.
Petit bâtard, face de nichon.
Non, non, et mille fois non ! s’offusqua-t-elle, piquée par ce palimpseste doucereux. Pas cette version tire larmes ! Plutôt la version tire-jus !
C’est cette histoire que je souhaite te raconter, Mikulas. Ma confiance en toi m’autorise à te la dire en secret, car je vois au travers de toi ce que j’aurais pu être, si je n’avais pas été brisée, si je n’avais pas inventé tout ce royaume dans lequel tu es entré, en acceptant mon regard. Te voilà donc dans ma vie, qui n’est, hélas, pas celle d’un autre. Ma vie : un lupanar à ciel ouvert !
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