Chapitre 2 (Pt.1)
Néo reste immobile. Lui, l’élu ? Cela expliquerait donc tous ses cauchemars ? Pourtant, il n’a pas les pouvoirs de Kaminari, ni aucun don particulier. Il est comme les autres. Du moins, c’est ce qu’il a toujours pensé jusqu’à présent. Il refuse d’émettre cette hypothèse qui paraît plus folle qu’irréelle. Comme s’il allait avaler ce tissu de mensonges. Tous les regards sont braqués sur lui, comme s’ils attendaient une réaction de sa part. Il secoue la tête de manière négative, sentant son cœur s’emballer et se surprenant à remettre en question tout ce qu’il a renié au cours de ces années.
— Alors là non, c’est impossible…
— Il n’y a pas de doute Néo, tous nos espoirs reposent en toi, tente Kaminari. Tu ne peux pas changer ton destin, toutes nos vies…
— Il doit y avoir une erreur !
Sa voix résonne en un écho dans l’édifice, faisant taire chaque son et chaque respiration en ces lieux saints. La rage de ne pas être écouté et de ne pas avoir le choix de son propre avenir l’a fait sortir de ses gonds. La haine qui monte en lui ressemble au flot intarissable d’une rivière après l’effondrement d’un barrage. Quand bien même il devait croire à ces stupidités, c’est impossible pour lui de tous les sauver, il s’en sent incapable. En dehors du fait qu’on lui impose une grande responsabilité, ou plutôt que les dieux dont il renie l’existence le lui imposent, cela l’amène à penser, qu’en plus de la possibilité d’échouer, il pouvait y rester. Pire, provoquer la mort de toute la génération maudite. Tout ça pour des croyances débiles soufflées par des voix imaginaires dans la tête du religieux.
— Je ne peux pas faire ça. Il va falloir vous trouver un autre élu.
Sa voix s’est adoucie en remarquant son emportement disproportionné.
— Hé, mon vieux, intervient Satoshi qui vient se poster en face de lui, posant ses mains sur ses épaules. Néo, regarde-moi. Tu ne seras pas seul, OK ?
Aussi loin qu’il se souvienne, Satoshi s’est toujours trouvé à ses côtés, quelles que soient les épreuves à endurer. Jamais il ne l’a déçu et l’a toujours réconforté dans ses moments de doute. Il est son pilier. Sans lui, il se serait déjà écroulé depuis un paquet d’années. Mais cette fois-ci, il ne lui donnera pas raison.
— C’est des conneries…
— Pourtant tu le dois. Il n’y a qu’un seul élu et les dieux semblent t’avoir choisi, réplique Arashi, les bras croisés.
— Eh toi, la geisha, on ne t’a rien demandé ! lui lance Satoshi, pour défendre son ami.
La geisha en question hausse les sourcils de stupéfaction avant qu’un soupir irrité ne filtre par ses narines. S’il y a bien une chose dont le blond brun a en horreur, c’est qu’on lui manque de respect. Arashi a toujours été une forte tête lui aussi. Mais à la différence de Néo, ses actes sont toujours réfléchis, ou presque. Ayant eu pour modèle les stratégies militaires mise en place par les plus grands dignitaires de la guerre, et ce que racontent les récits encore présents dans ce monde apocalyptique. Il s’est beaucoup inspiré d’eux. Outre ses traits androgynes, il n’en reste pas moins une personnalité masculine imposante. Fort et autoritaire, il aime avoir son contrôle sur les autres. C’est d’ailleurs grâce à sa détermination et ses facultés de leader qu’il a pu mener à bien le mouvement de résistance. Si la situation n’avait pas déjà été aussi tendue, il lui en aurait mis deux dans la figure sans la moindre hésitation. Mais Arashi tente de se contenir du mieux qu’il peut. Il y en a déjà assez du plus jeune pour troubler le calme des lieux.
— Inutile de lui forcer la main… se rattrape Satoshi en remarquant la position tendue d’Arashi.
— Je me doutais que tu réagirais de la sorte… Le destin en a décidé ainsi, mais le choix te revient, soupire Kaminari en se redressant.
Néo regarde le prêtre avec rancœur, mais semble l’écouter attentivement.
— Tu n’es pas obligé de porter cette responsabilité, tu peux également laisser les choses telles qu’elles sont.
— Après m’avoir balancé que je suis la seule clé vers la liberté ? Tu es en train d’insinuer que si je ne fais rien, on mourra tous par ma faute ? Est-ce que tu t’entends parler, bordel !
C’est son meilleur ami qui a le bon réflexe de s’interposer pour retenir le plus jeune par les épaules et tenter de le calmer.
— Ce n’est pas moi le meurtrier, je n’ai jamais voulu tout ça !
— Ce n’est pas ce que j’ai dit, rectifie Kaminari avec calme en quittant le centre de la cathédrale. Je ne suis que le messager, j’ai fait la tâche qui m’a été conférée, fais-en ce que tu veux.
— Espèce de connard !
Néo s’engage pour le suivre derrière cette porte par laquelle il l’a vu disparaître avant que Satoshi ne le retienne. Arashi, quant à lui, observe cette scène pathétique, sentant la colère monter, faisant pulser le sang dans ses tempes.
— C’est ça, casse-toi, sale lâche ! Toi et tes dieux êtes tous aussi inutiles les uns que les autres !
— La ferme Néo ! ordonne Arashi qui a fini par exploser.
Il l’empoigne par le bras en le serrant de toutes ses forces pour l’obliger à se calmer.
— Arrête de faire l’enfant ! Tu es allé trop loin en disant des choses pareilles. Reprends tes esprits.
Les deux hommes se dévisagent sous cette tension palpable. Satoshi ne donne pas cher de sa peau s’il tente de les séparer. Il suffit d’une étincelle pour allumer la mèche. Il opte alors pour la solution de se fondre dans le décor. Par le passé, il a déjà assisté à une situation similaire, et le résultat n’était pas beau à voir. Avec deux fortes têtes comme celles-là, les disputes n’étaient pas rares. Avant que la situation n’empire, une lumière traverse les vitraux. Tous trois tournent le visage en direction de cette lueur qui les aveugle un court instant.
— Ils nous ont retrouvés…
Tout à coup, les carreaux colorés volent en éclats et les hommes se couvrent la tête à l’aide de leur bras pour s’en protéger. À l’extérieur, un vaisseau de l’armée les attend, des troupes commençant à en sortir pour prendre d’assaut la cathédrale.
— On est foutus ! lance Satoshi.
— Courez ! hurle Arashi qui pousse sans douceur les deux autres vers la sortie.
— Et toi ? demande Néo.
— Barrez-vous ! Je vais les ralentir !
C’est Satoshi qui finit par capituler le premier et attrape son meilleur ami pour l’entraîner dans sa fuite. Arashi se tourne vers les soldats qui arrivent par dizaines en face de lui. Il enfouit sa main dans son kimono et en sort un revolver. En tant que leader de la résistance, il se doit d’avoir le matériel adéquat pour combattre. Une chance d’avoir à portée de main une équipe aux talents et aux compétences variées pour lui fabriquer le nécessaire dont il a besoin. Il pointe son arme dans leur direction.
— Venez là bande de salopes, que je vous règle votre compte.
Les carcasses robotiques détectent le canon braqué sur elles et se jettent sur lui. S’ensuit un déluge de tirs de la part du blond brun. L’un des soldats tente de l’immobiliser, mais il l’esquive avec maîtrise, continuant de tirer sur les ennemis en approche. En plus d’être un bon tireur, le meneur de la rébellion possède d’impressionnantes capacités dans l’art du combat. Finalement, il peut remercier ces heures d’entraînement dans les camps de concentration de la milice. Si son apprentissage était destiné à servir l’armée, à présent il retourne leurs techniques contre eux. Arashi doit abandonner son arme à feu quand l’un des soldats l’atteint au corps-à-corps. L’homme a beau avoir de l’énergie et de la combativité, seul, il y a peu de chances qu’il s’en sorte indemne.
Satoshi et Néo atteignent la sortie. Mais c’est sans surprises qu’ils sont attendus par une foule de soldats. Ils prennent l’initiative de foncer dans une direction opposée. Le cœur battant, ils comptent sur leur rapidité pour se frayer un chemin à travers la marée de métal qui s’est formée. Malheureusement, leurs efforts n’ont pas suffi. Après avoir été maîtrisés, ils sont embarqués de force par la supériorité écrasante de miliciens.
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