Chapitre 3 (Pt.1)

8 minutes de lecture

Chaque minute qu’ils perdent est une minute supplémentaire de souffrance pour Karma, et Néo ne peut pas le concevoir. Rien que le fait de l’imaginer agoniser lui est douloureux. Un des soldats passe devant les cellules, ce qui signifie que les rondes ont commencé. Le temps passé ici leur a appris à connaître la routine de la milice. Tout est réglé comme du papier à musique, chaque action de ces robots est calculée pour être effectuée à une même heure, tous les jours. Arashi, Néo et Satoshi se lancent un regard entendu lorsqu’ils aperçoivent le badge des prisons, accroché à la ceinture du soldat. Le plus jeune attend que leur gardien s’approche suffisamment pour se plier en deux et simuler une quinte de toux bruyante. Le stratagème a l’effet escompté lorsque le soldat s’arrête pour l’observer.

— Hé ! Qu’est-ce qui t’arrive, toi ?

— Je ne me sens pas bien du tout…

Néo continue ses quintes de toux, se retenant au mur bétonné de sa prison. Le gardien peste et ouvre la grille pour entrer dans l’alvéole. Arashi, derrière, se rapproche en toute discrétion de sa cible. Une chance que les cellules ne soient séparées que par des barreaux, lui laissant assez de place pour passer ses bras entre les interstices. Une fois à sa hauteur, Arashi attrape son ennemi par le cou, l’entourant de son bras pour le maintenir fermement contre les barres. Néo se redresse au même moment et désactive son système de fonction en arrachant la carte mère sur l’arrière de son crâne. Il récupère le badge et ouvre les cellules de ses deux amis. En attendant, Arashi s’empare de la mitraillette du soldat et Satoshi prend la matraque. Ce dernier détaille la trouvaille d’Arashi et arbore une mine déçue.

— C’est moi qui voulais la mitraillette…

Arashi soupire et la lui tend en échange de la matraque électrique.

— Merde, Sato, tu fais chier…

Néo se précipite à la suite de ses deux amis avant de faire une halte soudaine pour se tourner vers Ruddy. Il fait demi-tour vers sa cellule et la déverrouille à l’aide du badge. Un sourire s’étire sur le visage du garçon à la peluche. Mais avant que Néo ne puisse ouvrir complètement la grille, Arashi le retient.

— Il ne peut pas venir avec nous.

— Quoi ? Mais pourquoi ?

— Parce qu’il a encore sa puce ! Alors à moins que tu veuilles te faire griller à la seconde… lui fait remarquer Arashi. Ou alors tu te dévoues pour la lui retirer ?

La figure de Néo se décompose à l’idée de laisser une fois de plus le pauvre Ruddy derrière eux. Il referme la cellule à contrecœur et le garçon à la peluche perd son sourire, s’asseyant dans un coin de sa prison.

— Je suis vraiment désolé Ruddy… Je te jure qu’on reviendra te chercher et tu n’auras plus jamais à croupir ici.

Mais Ruddy répond par son silence habituel en leur faisant un signe d’au revoir de la main. Néo se pince les lèvres. Il n’a pas le temps d’ajouter quoi que ce soit que Satoshi lui donne une tape sur l’épaule pour le faire avancer. Néo a un moment d’hésitation. Son cœur lui hurle de prendre Ruddy par la main et l’emmener loin d’ici. Quant à sa raison, elle lui somme de se dépêcher d’aller secourir Karma. Il prend sa décision et amorce un mouvement pour quitter les lieux. Une main entoure alors son poignet, l’immobilisant dans sa démarche. Ses iris électriques se posent sur Ruddy, qui le dévisage avec tristesse. Cette simple image serre le cœur de Néo. Le prisonnier tend son ourson en peluche à travers les barreaux, provoquant une expression de surprise chez le héros. Secouant un peu la peluche pour le convaincre de le prendre, Ruddy perd patience et le lui colle dans sa main libre. Néo referme ses doigts autour du corps mou de l’ourson, ressentant une douleur au creux de l’estomac. Il s’agit sans doute de l’une des choses les plus importantes aux yeux de Ruddy. Se séparer de son compagnon est un acte impensable. Le temps qui s’écoule devient de plus en plus pressant et il ne peut ajouter une parole de plus, fourrant l’ourson dans l’intérieur de sa veste. Il lance un regard déterminé à l’attention de Ruddy comme une promesse silencieuse. Un geste si fort qu’il vaut bien plus que mille mots.

Néo se précipite à la suite de ses deux autres amis, laissant Ruddy seul contre les barreaux. Ce dernier les observe s’enfuir puis disparaître au détour du couloir suivant.

Les trois fugitifs arpentent les dédales sans fin, s’enfonçant dans les couloirs capitonnés de la tour. Arashi progresse en tête de file comme s’il connaissait chaque courbe et incurvation de cet endroit sur le bout des doigts. Il s’arrête au détour d’un corridor, sondant les lieux. Collant son dos au mur, il inspecte le moindre signe de danger qui puisse surgir de derrière celui-ci. Son ouïe aiguisée lui permet de localiser la présence d’un homme de l’armée arrivant dans leur direction. Il met alors son index contre ses lèvres, intimant à ses deux acolytes de ne pas faire le moindre bruit. Une fois assez proche, Arashi brandit sa matraque et l’abat de toutes ses forces sur la tête du robot, qui tombe dans un son métallique contre le sol.

Le blond brun leur donne le signal une fois la zone sécurisée, et avance à pas de loup à travers les labyrinthes de couloirs et d’escaliers. Le moindre bruit fait bondir le cœur de Néo dans sa poitrine. Il ressert machinalement son bras contre l’ourson caché dans sa veste. Ils parviennent sans trop d’encombres à l’étage des chambres à gaz où les cris de Karma sont audibles. La colère de Néo monte à mesure que sa complainte s’accentue et s’apprête à se précipiter. Ayant senti cette poussée d’adrénaline chez le plus jeune, Arashi le harponne par le bras.

— Non, pas maintenant.

Sur leur droite s’entassent des étagères clouées au mur, disposées en rangées symétriques où sont disposés des masques à gaz. Arashi en prend deux, qu’il donne à Néo et Satoshi avant de se munir d’un troisième. Une fois tous les trois équipés, ils pénètrent dans une enclave où les deux gardes ayant traîné Karma précédemment, se tiennent devant une vitre. Des tonnes de panneaux de commandes clignotants sont installés sur les tableaux de bord qui contrôlent les systèmes d’activation. Derrière la baie vitrée se trouve Karma, enchaîné au sol, dont la peau claire reflète la lueur rouge des néons. Le garçon se démène contre ses liens, émettant des cris étouffés par la peur. Le gaz envahit petit à petit la pièce et ses plaintes perdent en intensité jusqu’à être remplacées par une quinte de toux. Cette fois, Néo n’attend pas le signal d’Arashi pour foncer. Il subtilise la mitraillette que Satoshi a dans les mains et tire sur les deux miliciens, puis sur la vitre qui se brise en éclat. Le blond brun se précipite sur Néo pour lui retirer l’arme d’un geste colérique.

— T’es fou ou quoi ? Tu vas ameuter tout l’immeuble !

— Je m’en fiche ! répond le plus jeune qui coure vers son ami en sautant par-dessus le muret qui retenait la vitre quelques instants plus tôt. Karma ! Karma, réponds-moi !

Son manque de réaction ne fait qu’accentuer son inquiétude. Déverrouillant les liens qui l’entravent à l’aide de la clé trouvée sur les soldats abattus, il se saisit du bras du brun pour le mettre autour de ses épaules. Satoshi l’imite de l’autre côté. Néo tire un mouchoir de la poche de sa veste qu’il colle contre la bouche de son ami tout en l’amenant vers la sortie. L’alarme se déclenche, faisant virer au rouge toutes les pièces et envoyant un message d’alerte général à toutes les unités.

— Bien joué frisette, t’es fier de toi maintenant ? Putain… peste Arashi.

C’est lui qui ouvre la voie en sortant de la partie infectée le premier. Il se débarrasse de son masque pour mieux percevoir le groupe de soldats qui déferle dans leur direction. Il pointe son arme sur eux et commence à tirer. Un court laps de temps sépare les séries de déflagrations afin que le tireur puisse donner la directive aux autres de se dépêcher le temps qu’il les couvre. Karma rouvre lentement les yeux et se remet à tousser, attirant l’attention de Néo. Celui-ci retire son masque à gaz et prend le visage de Karma pour pouvoir établir un contact visuel avec lui. Satoshi, quant à lui, jette son masque sur un des soldats qui arrive et accélère le pas, imitant ses alliés. La course de Karma est rendue difficile par les symptômes qui l’incombent, puisant dans ses dernières forces pour ne pas relâcher l’allure. Arashi recule juste derrière leur passage, continuant à mitrailler tous les soldats en approche. Lorsque le blond brun arrive à court de munitions, il lance l’arme inutilisable puis se met à courir à son tour. Il bouscule les retardataires dans une pièce adjacente et referme les portes derrière lui, enfonçant la matraque entre les poignets de la porte, bloquant ainsi leurs opposants de l’autre côté.

Arashi les guide et leur indique la direction en descendant les premières marches d’un escalier en colimaçon. Les autres se contentent de lui emboîter le pas autant que l’état du blessé le leur permet. Arashi a l’air de connaître cet endroit par cœur et de savoir ce qu’il fait. Il paraît presque pouvoir faire le parcours les yeux fermés. Une capacité qui ne manque pas d’étonner Néo, puisque ce passage est strictement réservé à la milice haut-gradée.

Peu à peu, une trappe incrustée dans le sol apparaît à travers la pénombre. Le meneur l’ouvre et aide ses compagnons à descendre l’échelle de fer bancale menant vers les galeries souterraines. En haut des escaliers, le brouhaha les avertit que la porte vient d’être défoncée par l’armée, qui se hâte vers leur emplacement. Satoshi parvient à descendre le premier avec Karma sur le dos et Néo se dépêche à son tour de rejoindre le sous-sol. Arashi tourne les yeux vers le groupe de robots qui arrive. Avant qu’ils ne l’atteignent, le messager se glisse à l’intérieur, scellant par la suite la trappe à l’aide d’une valve qu’il fait pivoter avec vigueur. Ses pieds rencontrent la terre ferme et il allume une lampe torche récupérée sur le soldat qu’ils ont berné et dépouillé avant leur fuite.

— Nous sommes en sécurité ici. Ce sont des galeries qui ramènent directement à la ville.

— Comment tu connais ces passages souterrains ? demande Néo.

— C’est un réseau de sécurité créé par les soldats en cas d’explosion ou d’incendie. J’ai l’oreille qui traînait lors de mes nuits d’insomnie, ajoute vaguement le blond brun qui braque sa lampe torche devant lui. Plan suivant, on retourne à la cathédrale pour voir si Kaminari peut guérir Karma.

— À la cathédrale ? Ils sont entrés une fois déjà, ils peuvent très bien revenir, lance Néo.

— À ton avis, comment Kaminari se protège ? Depuis ce qu’il lui est arrivé, il a fondé sa propre planque au sein de l’église, lui apprend Arashi qui accélère le pas, impatient de regagner la surface.

— Pourquoi ne pas y abriter tous les fugitifs alors ?

— Ce que t’en poses des questions ! Le moment n’était pas encore venu. Mais grâce à toi, il approche à grands pas. Tu as fait une promesse, rappelle-toi.

À la suite de sa phrase, les yeux d’Arashi se plantent dans ceux de Néo. Le plus jeune se contente de tourner la tête dans une autre direction. Arashi a raison. Il l’a juré et il ira jusqu’au bout sans reculer. Une promesse est une promesse et Néo n’est pas du genre à les briser. Le leader a beau être sévère et sans pitié, ses conseils se sont toujours avérés bénéfiques.

Annotations

Vous aimez lire Psycho Lilith ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0