Sur la plage à Trouville
Je préférais faire semblant d'ignorer l'étendue immense dans mon dos. Simplement me remplir du chuintement de sa vie houleuse et du bruit de succion de l'écume sur le sable. Un baiser, le bruit d'un baiser pensais-je en cet après-midi de plage, de soleil et de vent calme.
J'avais pris une chaise du jardin pour ne pas froisser ma robe. Je ne me voyais pas marcher sur le sable, toute ombrelle déployée, ne pouvant partager avec personne mes sentiments du jour.
Marcher le long des vagues sans jamais les toucher, en se tordant les chevilles dans des souliers trop hauts. J'enrageais de cette tenue "si fraîche" avait dit ma mère, mais si lourde et si longue sur mon corps. Que faisions-nous, moi et ma jeune sœur, elle aussi déjà trop grande pour les couleurs pastel et les cheveux tressés, que faisions-nous sur le sable ?
Désœuvrées, nous attendions le soir ou le fraîchissement du vent, pour recevoir enfin le droit de regagner la maison, nos chambres, nos rêves.
L'écume embrassait le sable donc et me troublait. J'imaginais sa caresse sur mon corps débarrassé du chintz bleu et blanc. Mon chapeau sinistre flotterait au loin et mes cheveux défaits m'entoureraient telles des algues sombres. Le soleil brûlerait ma peau nue et mes lèvres prendraient un goût de sel.
Au lieu de cela, j'observais la digue et les maisons serrées les unes contre les autres pour résister aux vents furieux des jours de tempête, au sable qui s'élève en volutes indociles, aux embruns sournois qui poissent les tentures.
Assise le dos à la mer, je m'évanouissais d'ennui et d’envies inavouables.
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