Chapitre 1
Il fut le dernier à sortir de la navette. Avant lui, 12 autres personnes avaient enjambé le petit ponton qui menait jusqu’à un couloir d’un blanc immaculé, au bout duquel se trouvait le sas d’entrée pour la station. Ils attendaient maintenant devant la porte. « Vous avez attendu combien de temps pour pouvoir vous enrôler, vous ? ». C’était l’un des passagers de la navette, qui devait vouloir faire passer le temps. « Et bien… Trois jours je dirais. ». L’autre fût très surpris de cette réponse. Il avait, disait-il, attendu plus de 7 mois pour être sélectionné. La porte du sas s’ouvrit.
Elle découvrit un autre couloir blanc, mais surtout un homme trapu vêtu de l’uniforme de pilote. « Bonjour à tous ! Je suis Georges Faulkner, votre chef de bord. C’est moi qui dirige tous les pilotes de la station et c’est également moi qui ai la charge de vous accueillir ici, à bord du Mayflower ». Il expliqua ensuite le déroulement de leur premier jour à bord. Tout d’abord, inscription sur le registre officiel de la station. Puis réception organisée en leur honneur avec la présence - exceptionnelle avait-il dit – du 1er sage, responsable de la 1ère station, où leur sera remis les clés d’un logement ainsi qu’un premier salaire et où leur seront indiquées les règles de vie sur la station. On les conduisit donc jusqu’à un petit bureau aussi blanc que le couloir, décoré en tout et pour tout d’un vase rouge de fleurs en plastique. L’homme assis derrière le bureau de ce bureau, d’un blanc tout aussi blanc, se leva lentement et leur présenta à tous une tablette, contenant un questionnaire électronique très détaillé à remplir. Ma-ch-i-ro Ka-n-da, écrivit-il sur la première ligne. 33 ans sur la deuxième. Il devait s’habituer à utiliser les lettres romanes et fut, de ce fait, le dernier à finir le questionnaire, presque une demi-heure plus tard. Il le rendit prestement à l’homme derrière le bureau, qui le regarda d’un air curieux. « Vous venez de la Confédération Nord-Asiatique ? C’est assez rare par ici ». Devant le sourire gêné de Machiro, il se tut. Il leur indiqua ensuite qu’il pouvait passer à la prochaine pièce.
Alors qu’ils allaient tous quitter la salle, Machiro se retourna soudainement vers l’homme. « Vous avez échangé le nom et le prénom, hein ? » dit-il en souriant. Puis devant le geste d’excuse de Machiro, il ajouta : « C’est une erreur assez classique pour ceux qui viennent d’Asie ». Si l’homme avait l’air plus amusé qu’agacé, l’inverse était tout aussi vrai pour les 12 autres nouveaux habitants de la station, qui devait sans doute déjà rêver de la réception – et de son banquet. Machiro s’excusa plusieurs fois, et les autres passagers, qui manifestement n’avait pas l’habitude qu’on s’excuse autant, semblèrent lui pardonner.
Ce petit incident oublié et le questionnaire modifié, ils se dirigèrent tous de l’autre côté du couloir. Une nouvelle porte s’ouvrit, cette fois-ci donnant sur une balustrade, d’où l’on pouvait voir toute la 1ère station. Celle-ci parut magnifique aux passagers, qui laissaient échapper de petits « oh ! » et des « ah ! » en pointant du doigt telle ou telle chose qui attirait leur attention. On s’émerveilla de la taille de la station, de la beauté des immeubles dressés, certains semblant presque toucher le plafond. On s’extasia du nombre de personnes qui marchaient, flânaient, couraient en bas. On s’étonna des écrans plats géants des deux côtés de la station qui affichaient une image de la Terre. C’était, leur avait-on répondu, la vue depuis la station. Mais il n’y avait pas de hublots, dans un souci d’économie de chaleur, alors on affichait la vue sur ces écrans géants. On fut surpris aussi de la technologie de la station, qui leur semblait avant-gardiste, voir même venir « du futur ». On se félicita d’avoir fait le bon choix et de ne pas avoir cédé à la peur de l’inconnu. On se gargarisa d’être les seuls à voir un tel spectacle. On se vanta enfin des prouesses de l’être humain, capable de telles choses. Machiro, lui, fut très calme, bien que le spectacle semblât le ravir également.
Tous arrivèrent à l’endroit prévu : le hall d’entrée d’une gigantesque tour de verre qui semblait grouiller de l’intérieur. Les mots « Administration Solaire » écrits en lettres d’or et surmontant ce hall eurent également beaucoup d’effet auprès du groupe d’arrivant. On entra dans le bâtiment. Les tables étaient déjà prêtes, les verres déjà remplis, la nourriture déjà servie. On jouait un air de piano fort sympathique, et le 1er sage, un petit homme d’une cinquantaine d’années, semblait danser sur la musique quand il s’approcha d’eux. Il se présenta, prit le temps de connaitre le nom de chacun des arrivants, fit quelques blagues, invita les nouveaux arrivants au cocktail et mangea avec eux. Au bout d’un moment, quand tout le monde eu fini d’étancher sa faim et sa soif, il se dirigea vers une estrade en bois et s’installa à un pupitre. Il commença alors un discours : « Mes chers amis, je suis incroyablement heureux de vous accueillir parmi nous aujourd’hui. Vous allez, avec les 169.987 autres de cette station, partager une expérience hors du commun, et un destin des plus fabuleux : vous allez devenir citoyen solaire ! Notre but, comme vous le savez, est de construire la meilleure des sociétés, ici, dans cette station. Votre but, c’est de nous y aider. Pour cela, il vous faudra participer à la vie de cette cité spatiale, vous y intéresser et travailler dur, pour que le rêve de l’humanité, vivre heureux pour toujours, puisse enfin se réaliser ! Cela fait maintenant plus de 20 ans que cette station existe, alors certains dans cette station qui sont parmi les plus anciens s’y sont habitués. Je compte sur vous pour leur rappeler comment ça se passe encore là-bas. ».
Il expliqua ensuite comment se déroulerait la vie dans le Mayflower : il n’y avait, apparemment, aucune nécessité de travailler pour gagner son salaire, puisque celui-ci était versé de toute façon. Par contre, il était de plus en plus élevé à mesure que l’on travaillait. Tout le monde disposait d’un logement, pour lequel il fallait payer un salaire. Ainsi, celui qui avait le plus gros salaire pouvait en théorie disposer du plus grand appartement – qui ne l’était de toute façon pas tant que cela, avait précisé le 1er sage. Pour trouver du travail, il fallait se rendre au Centre du Travail qui regroupait toutes les offres disponibles. Si l’on s’ennuyait, il était fortement conseillé d’aller s’intéresser de près aux groupes de travail citoyens, des sortes de comités de discussion libre d’accès, dans lesquels tous pouvaient parler et qui relayaient à rythme régulier leurs propositions aux sages, qui les mettaient en place si celles-ci était intéressantes. Après tout, c’était le but de la station que d’expérimenter ces conseils. On leur remit ensuite la clé de leur logement ainsi qu’une carte. On leur expliqua que cette carte servait pour le paiement, pour prouver son identité ainsi que de badge pour certaines parties de la station.
Une fois les papiers remis et la réception finie, tous repartirent vers leurs logements respectifs. Machiro devait habiter dans la 1ère station. Il demanda son chemin, on lui indiqua qu’il faudrait prendre l’ascenseur. Celui-ci ne pouvait pas se rater : il était large d’au moins 5 mètres et si profond qu’une centaine de personnes s’engouffraient tour à tour dans l’engin. Il y en avait d’ailleurs un à chaque extrémité de cet étage remarqua Machiro. Arrivé à l’étage 0, celui des habitations, il chercha son logement. Cet étage était moins impressionnant que le 1er, et les façades d’habitations, si elle ne semblait souffrir d’aucune trace de dégradation, commençaient à dater. Il arriva au bout de quelques minutes devant son immeuble : 7 étages, une façade relativement neuve, une entrée proprette et bien décorée, un ascenseur neuf et un couloir bien entretenu. Devant le numéro 74, il fit tourner la clé dans la serrure et entra dans son nouveau logis.
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