Poudreuse
Il ne s’était jamais imaginé qu’une chute puisse procurer un tel silence.
Le spectacle l’enchantait, malgré la colère et le dépit. Deux jours plus tôt, Jean Volgan était tombé sur un article qui écharpait son dernier ouvrage. Une phrase violente et douloureuse l’avait particulièrement touché : « j’en ai terminé avec Jean Volgan ! » Toute la critique était unanime. Ce «silence» n’était qu’un bavardage pétri de boniments et de verbiages ineptes. Ses amis se détournèrent. La solitude fut profonde. Le plongeon abyssal.
Discrédité, il s’était enfermé dans un chalet, nid d’aigle perché dans la solitude des montagnes, à la lisière nébuleuse de l’efflorescence et de l’érosion, des mélèzes et des moraines. À l’abandon d’une nuit massive sans lune et sans étoile, Jean, sujet à l’insomnie, s’était levé, agité, pressentant un changement absolu et fondamental. Ses pieds frôlèrent le sol et ses pas le portèrent devant la baie vitrée.
L’atmosphère de la chambre se modifiait progressivement. Une vague nitescence s’était invitée pour dissoudre et dénouer les ombres. Les hurlements s'exonéraient en harmonies. Il ressentait un calme profond, une douceur inconnue, bénéfique. Sa respiration s’était assoupie. L’air tiède des murs voilait sa peau d’une tendresse subtile. Le parfum pénétrant des pins évoquait la quiétude d’un sourire bienveillant.
Et le silence, enfin ! Ouaté, indicible, délicat et sensible. Inondé de sa secrète présence profane et salutaire, Jean, nu devant la vitre, regardait tomber la neige.
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