la rencontre
C’est une histoire d’un autre temps… les codes ont changé. Aujourdh'ui, l-’amour est possible, quelque soit la nationalité, la race… le sexe...
- vous avez de "belles" ongles, Danièle
Des années plus tard, j’entends encore l’accent chantant de ce beau garçon.
Je l’avais rencontré au bal et j’avais accepté un rendez-vous.
Je n’aimais pas le flirt, mais il était beau, et tellement romantique !
Chaque jour, je le retrouvais. Son français presque parfait me charmait, il était délicat. Ce jour-là, nous avions marché main dans la main jusqu’au square et assis sur un banc, à l’abri des regards, il a approché son visage du mien… il a posé ses lèvres sur les miennes qu’il a pressée avec force ! Sa bouche est restée close hermétiquement. Le french kiss n’avait pas franchi la frontière. Mais, l’ardeur de son baiser m’avait troublée.
Bodo était très amoureux, son regard admiratif me caressait. Il voulait m’écrire dès son retour en Allemagne.
Même s’il était attirant et si son amour était contagieux, je ne pouvais pas faire durer ce flirt. Bodo était étranger, un anglais aurait eu peu de chances, un allemand aucune !
J’imaginais la colère de mon père s’il avait su, j’imaginais les lettres arrivant d’Allemagne. Mon père avait la rancune tenace, et malgré le temps passé, il était encore meurtri blessé.
Difficile de l’expliquer à mon soupirant. Il avait de bonnes notions de français, mais la langue de Goethe m’était inconnue.
J’ai donc été inélégante et même odieuse.
Nous nous connaissions tous et toutes à se voir chaque dimanche, mon bel amoureux avait été remarqué. Au bal où il était venu me retrouver, j’ai refusé de danser avec lui, je suis allée trouver un copain
- Fais-moi danser !
Le coquin ne demandait pas mieux, il m’a enlacée étroitement, et il a profité de coller sa joue sur la mienne durant ce langoureux tango !
J’ai entrevu le regard étonné, douloureux, de mon soupirant, puis il a disparu. Je suis rentrée peu de temps après, attristée par mon geste. Et le soir même j’ai trouvé dans mon sac un papier soigneusement plié …
Bodo, son adresse.
Le lendemain, assise au square, je lui écrivais une longue lettre pour lui expliquer mon attitude indélicate, mes regrets, mais notre idylle ne pouvait continuer, nous étions tous les deux, beaucoup trop jeunes.
Monique, une amie que j’avais retrouvée au bal alors que nous avions été à l’école primaire ensemble s’était émue de cette histoire. Bodo représentait la quintessence de ses rêves !
- Il va te répondre, tu as donné ton adresse ?
- Bien sûr que non, mes parents ne voudront jamais !
- Eh bien qu’il t’écrive chez moi, enfin chez mon père. Cela ne pose aucun problème. C’est moi qui ouvre le courrier. Tu sais que mon père n’y voit rien…
J’avais en effet vu la canne blanche à coté de son fauteuil. Monique vivait seule avec son père. Elle a insisté pour que j’écrive une deuxième lettre. Elle m’a donné son adresse complète qu’elle a même reportée au dos de l’enveloppe. Pour que je ne change pas d’avis elle a mis un timbre et nous sommes allées la poster ensemble. Je mesurais, le soir même que j’allais mentir à mes parents.
- Tu sais Monique, mes parents me font confiance, je ne leur ai jamais menti !
- Il faut bien commencer, un jour !
Le dimanche suivant, quand elle m’a vue, elle brandissait une enveloppe…
Monique vivait cette idylle par procuration, elle en était heureuse. Et, moi j’avais l’impression que c’était écris sur mon visage. J’observais ma mère… se doutait-elle que je lui mentais ?
Le printemps était proche et mon amoureux devait revenir, il en parlait beaucoup.
Et puis, durant trois semaines, il n’y eut pas une seule missive, j’avais fait quelques suppositions puis, je tentais de penser à autre chose, même si cet amour avait fini par prendre beaucoup de place dans ma vie.
Toutes mes élucubrations tombèrent à l’eau quand les trois lettres arrivèrent ensemble, ce n’était qu’un caprice des postes internationales.
Je commençais par la plus récente qui m’annonçait une bonne nouvelle pour mon prince charmant. Il partait pour deux ans dans une université américaine….
« Ce n’est pas l’océan qui va couper notre amour, je t’écris dès que j’ai ma nouvelle adresse. Je suis désolé de ne pas venir en France, pour les vacances la rentrée a lieu le 1er Aout et je pars en Juillet pour m’installer, me familiariser. Tout est prévu et organisé. Ne sois pas trop déçue, nous avons toute la vie devant nous …. Une page encore de mots tendres, de jolies phrases.
L’été s’est terminé, l’automne, les mois ont filé. Je n’ai jamais reçu la moindre lettre. La férocité de l’Atlantique avait fait des siennes !
Ma vie a repris son cours, j’avais un nouvel amoureux qui ne plaisait pas du tout à mon amie Monique. Ces temps derniers, nous ne sortions plus ensemble.
Un matin, j’étais au bureau, la secrétaire m’a passé le téléphone d’un air revêche :
- Une communication personnelle pour vous.
Monique, car c’était elle, a été brève
- J’ai reçu quelque chose d’important pour toi
- Ce soir chez toi, après 18 heures
J’ai rendu le téléphone au cerbère en m’excusant ….
Son père ne m’a pas saluée.
Le vieux monsieur avait beaucoup vieilli, ces dernières années ne l’avaient pas épargné. Monique, heureusement travaillait, une aide passait la journée près de son père. Mais sa vie restait triste, je regrettais ma défection de ces dernières semaines.
Un magnifique bouquet de quinze roses blanches trônait sur la table.
- Regarde, c’est pour toi, il t’a envoyé ce somptueux bouquet, et il t’a écrit … depuis les Etats Unis !
Puis, elle m’a donné l’enveloppe
J’ai ouvert, il y avait trois feuilles d’une écriture fine et serrée. J’ai lu très vite, puis la gorge serrée, j’ai donné l’information la plus importante, la plus …
- Il épouse une américaine dans un mois.
Il m’expliquait les raisons de son silence, il avait oublié le papier avec mon adresse en Allemagne et il venait de s’apercevoir que l’adresse était au dos des enveloppes.
Il avait obtenu une bourse pour une année supplémentaire. Il devait avoir son diplôme dans quelques mois. Ses parents viendraient pour l’occasion, et le mariage aurait lieu à ce moment là.
Il avait un poste intéressant qui l’attendait, il voulait vivre aux Etas unis.
Il ajoutait :
- Tu sais, Danièle, c’est l’unique raison pour laquelle j’épouse Cindy. Tu es la femme de ma vie, tu restes mon seul amour. Je voudrais avoir de tes nouvelles, que nous restions en contact.
Je notais, qu’il était passé au tutoiement. Etrange ….
- Que vas-tu faire ?
- Je range cette lettre, et je crois que cela va te plaire, je vais rompre avec Guillaume, il a vraiment trop piètre figure à côté de Bodo !
Le lendemain, je devais passer voir Monique après 18 heures, comme d’habitude.
J’ai été surprise quand elle m’a dit :
- Monte vite, il y a une surprise pour toi ….
Quand je suis entrée, j’ai d’abord vu que son père n’était pas dans son fauteuil, puis … j’ai vu Bodo accompagnée d’une grande fille à l’allure un peu chevaline.
Bodo s’est approché de moi, il m’a pris les mains et m’a embrassée doucement sur les lèvres. J’étais gênée, mal à l’aise et je regardais la jeune fille. Bodo a tendu la main vers elle et m’a dit je te présente Cindy.
Elle s’est alors avancée vers moi avec un étrange sourire qui découvrait une dentition impressionnante.
Ses deux mains se sont posées sur mes épaules, elle me tenait fermement, durement.
Elle a approché son visage du mien, je sentais son souffle. Elle parlait d’une vois un peu rauque, je ne comprenais pas, son air furieux me suffisait. Je cherchais des yeux Monique et Bodo. Elle a posé une main sur ma joue qu’elle a caressée, puis elle a fait mine de me mordre avec ses grandes dents. J’étais terrorisée, je tentais de me dégageais en gigotant, puis je criais :
- Non, non ….
- C’est le son de ma voix qui m’a réveillée.
J’ai rejeté les couvertures, j’avais chaud, mon cœur cognait comme un fou. J’ai respiré plusieurs fois. Je suis restée éveillée jusqu’au lever du jour, agitée par mille pensées.
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