Chapitre 1.4 : Astrid
La jeune fille fusionna comme le lui avait montré le blond un peu plus tôt la magie avec sa flèche, qu'elle banda à son arc. Cependant, elle ne la tira pas de suite, préférant attendre le moment propice. Se déplaçant légèrement sur le côté droit, effectuant des pas croisés, Astrid quêtait à la fois les actions de Yume et la position dans laquelle se trouvait le Lagraloup. Il était pour le moment totalement absorbé par la présence de l’Épéiste, semblant avoir oublié son autre adversaire. Et c'était parfait !
Alors qu'elle vit Yume esquiver d'un prodigieux bond en arrière la hache immense de son ennemi, Astrid se décida enfin à riposter. Elle tira sans ménagement une flèche dans le bras de son adversaire, qui s'embrasa aussitôt. Ainsi, le jeune homme profita de cette occasion pour attaquer à son tour, tranchant d'un coup sec le bras du Lagraloup, qui s'effondra avec lourdeur au sol. Puis, à l'instar de la queue un peu plus tôt, le membre se désintégra en une poussière violette qui flotta au vent. Il n'en resta que la hache que leur adversaire ne pouvait, normalement, plus manier.
Fou de rage, le Lagraloup décida qu'il était désormais temps pour lui de riposter. La bête effectua un mouvement circulaire avec sa queue immense, qu'Astrid n'avait pas eu le temps de remarquer. Celle-ci vint s'écraser contre ses côtes déjà fragilisées, avant de l'envoyer valser quelques mètres plus loin. L'arrière de sa tête vint malencontreusement rencontrer un rocher, la douleur provoqué par cette collision se faisant ressentir dans l'entièreté de ses membres. Puis sa vision se brouilla petit à petit. La jeune fille connaissait parfaitement cette sensation. Bien qu'elle essaya de lutter, la douleur l'emporta sur sa volonté.
La dernière chose qui vit Astrid avant de s'évanouir fut Yume qui repartait à la charge contre le Lagraloup avec un cri puissant.
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Lorsque Astrid rouvrit les yeux, ce fut un silence apaisant qui l’accueillit accompagné d'un magnifique ciel bleu sans nuage. « C'est bon, je suis morte » pensa-t-elle immédiatement. En se redressant sur ses coudes, la jeune fille nota cependant que ce paysage était loin de lui être inconnu : elle était encore dans les Plaines Séréna.
« Ah, enfin réveillée ! » s'exclama tout à coup une voix non loin d'elle.
Tournant à peine la tête sur le côté, Astrid remarqua Yume qui s'approchait dans sa direction, les mains dans les poches. La brune remarqua immédiatement que quelque chose avait changé chez son ami : une cicatrice était apparue juste entre ses deux yeux, dont un filet de sang séché semblé avoir coulé.
« Est-ce qu'on est morts ? » vérifia Astrid en se frottant doucement les yeux pour reprendre contact avec la réalité.
Le blond se laissa tomber au sol à ses côtés, avant d'arracher sans aucun remord une touffe d'herbe et s'amuser à la déchiqueter encore plus entre ses doigts. L'adolescente ne comprit pas exactement pourquoi il faisait ceci, peut-être était-ce tout simplement par ennui, ou qu'il avait constamment besoin de s'occuper de ses mains !
« Pas encore, lui répondit-il avec un sourire en coin charmeur. Il en faut plus pour en venir à bout d'un Épéiste comme moi !
‑ Ex-Épéiste, lui rappela ironiquement la jeune fille. Je te rappelle que tu ne fais plus parti de l’Élite. »
Yume s'arrêta soudain de torturer la pauvre herbe, comme touché par quelque chose. Quoi ? Qu'avait-elle dit de mal encore ? Le jeune homme balança son « jouet » à travers les plaines, le regard devenu soudainement plus dur.
« J'aurai dû t'écouter, annonça-t-il subitement, tandis qu'il serra les poings de frustration et que ses pupilles turquoises fixaient un point invisible au lointain.
‑ Comment ça ? demanda la brune en fronçant ses sourcils.
‑ Le marchand. Il nous a roulé. Il n'y avait pas d’œil de Moncèu sur le Lagraloup.
‑ Mais… Pourquoi est-ce qu'il nous aurait envoyé combattre cette créature alors ? »
Yume resta silencieux quelques secondes, mais Astrid savait, au fond d'elle-même, que son ami détenait déjà la vérité. Cela se voyait à l'expression furieuse sur son visage.
Se remettant sur ses jambes, et toujours sans lui adresser le moindre regard, Yume reprit, les mains dans les poches :
« Le Lagraloup est réputé pour être la bête la plus dangereuse des plaines. La preuve : il a réussi à me toucher, personne n'avait jamais réussi cet exploit jusqu'à maintenant. »
Pensant savoir où est-ce qu'il voulait en venir, Astrid se leva à son tour, sentant la colère monter en elle.
« Tu es en train d'insinuer que le nain nous aurait menti pour nous conduire directement à notre propre mort ? Mais pourquoi aurait-il fait une chose pareille ? »
Yume se tourna enfin vers elle, une lueur de détermination mais aussi de rage dans le fond de ses pupilles aux reflets lagons.
« Pourquoi ne pas aller le lui demander directement ? » proposa-t-il avec un sourire en coin mesquin.
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* *
Heureusement pour eux, le marchand n'avait pas été bien malin. En effet, ce dernier n'avait pas bougé de sa place initiale et attendait, les bras croisés sur son torse, la venue de quelqu'un ou de quelque chose, assis sur un rocher. Mais ce n'était certainement pas Astrid et Yume qu'il s'attendait à voir l'aborder, au vu de l'expression tétanisée qui se dessina sur son visage à la simple vue des deux jeunes gens. Il s'efforça néanmoins à sourire chaleureusement en voyant ses deux combattants revenir vers lui.
« Vous êtes, hum, là… ! La Déesse soit louée, vous n'avez rien, ahum ! » se réjouit-il faussement.
Sentant une vague de colère monter en elle, ce qui était relativement rare de la part d'Astrid, il fallait la pousser à bout pour qu'elle en vienne à user de la violence sur quelqu'un, la jeune fille agrippa le marchand par le col de sa chemise, et le força et la regarder droit dans les yeux.
« Il n'y avait pas d’œil de Mouncèu, avouez ! » s'écria-t-elle de toutes ses forces.
Yume, qui voyait qu'Astrid était en train de prendre le rôle du méchant flic, n'essaya même pas de la raisonner. Elle arriverait sans aucun doute à soutirer quelque chose. Elle semblait faire peur au petit homme, cela se voyait à l'expression de son visage. La jeune archère parviendrait à le faire parler sans problème ; il était déjà sur le point de craquer.
Voyant que le marchand se contentait pour le moment de gémir, n'osant affronter le regard rouge d'Astrid, cette dernière tenta de se montrer plus persuasive. Elle décocha une de ses flèches qu'elle pointa juste sous la jugulaire de l'homme, persuadée qu'un petit brin de menace suffirait pour qu'il avoue ses intentions.
« Le Lagraloup est la bête la plus féroce des plaines, et est extrêmement rare d'en échapper, reprit Yume en s'avançant en direction du nain, bras croisés sur son torse, et s'exprimant avec calme. Pourtant, on a accepté de vous aider à retrouver votre petit talisman porte-bonheur…
‑ D'un goût douteux si je peux me permettre, le coupa Astrid.
‑ Quelle surprise de constater que le Lagraloup n'en possédait aucun. Alors maintenant dites-nous pourquoi nous avoir envoyé là-bas. »
Le marchand ne semblait pas prêt à coopérer.
Voulant son approbation, Astrid questionna son ami du regard et ce dernier hocha affirmativement la tête. La jeune fille commença à enfoncer lentement la pointe de la flèche dans le gorge de son prisonnier. Ce dernier redoubla de gémissement.
« C'est bon, c'est bon ! s'écria-t-il subitement alors que des larmes de peur roulaient le long de ses joues rondes et fripées. Je vais tout vous expliquer, mais s'il vous plaît, lâchez-moi ! »
Yume posa une main sur l'épaule d'Astrid, lui intimant ainsi l'ordre de relâcher sa prise sur le vieil homme. La jeune fille, ne quittant pas une seule seconde son otage des yeux, retira lentement sa flèche, mais ne la rangea pas pour autant, au cas où elle en aurait besoin pour se défendre.
En tremblant de tous ses membres, le nain sortit de sa sacoche trois feuilles jaunies qu'il tendit aux deux amis. Les attrapant sauvagement, Astrid écarquilla grand les yeux en voyant son portrait dessiné sur l'une des feuilles, ainsi que celui de Yume et Fileya sur les deux suivantes.
« Notre tête a été mise à prix ?! » s'écria la brune en levant des yeux agrandis par la terreur vers son ami.
Ce dernier lui arracha presque les feuilles des mains, fronçant les sourcils de mécontentement lorsque ses yeux se posèrent sur l'image représentant sa meilleure amie.
« Il fallait s'y attendre, annonça-t-il en grinçant des dents. On doit partir. »
Le jeune homme s'occupa de déchirer en de millions de petits morceaux les feuilles de rançon, tandis qu'Astrid en faisait de même avec son portrait. Ils jetèrent ensuite à l'unisson le petits confettis sur le marchand qui les avait dupé.
« Dites à l’Élite que s'ils veulent vraiment nous voir morts, qu'ils le fassent eux-même au lieu d'impliquer les innocents d'Onyrik. »
Sur ces belles paroles, Yume détourna les talons en direction de l'Est, suivit de près par Astrid, qui décocha un dernier regard de braise en direction du marchand, qui s'empressa de prendre la fuite.
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