Chapitre 3.3 : Yume
Astrid avait misé vraiment fort pour oublier sa robe, et il fallait dire que sa nouvelle tenue de voyage n'était en rien comparable avec l'ancienne. La brune arborait une sorte de haut légèrement bustier s'arrêtant au niveau du nombril rouge vermeille, rattaché à un col autour de sa nuque. Elle avait également enfilé en dessous de celui-ci un débardeur noir – pas très logique car celui-ci allait aspirer toute la chaleur du soleil, mais c'était son choix – de sorte à ne laisser paraître aucune parcelle de son ventre. Autour de sa taille était nouée une ceinture brune dont était reliées deux lanières de même couleur qui lui entouraient les épaules. Astrid portait deux manches bouffantes couleur crème dont elle avait fait un rebord au niveau des coudes et de ses épaules par ailleurs dénudées. Son pantalon en toile bouffant était exactement dans le même ton. Enfin, la jeune fille avait fait le choix de chausser deux hautes paires de bottes rouges, d'une couleur similaire à son haut, comportant de multiples ceintures, et montant jusqu'à ses genoux.
« J'en pense que tu as mis trop de temps » en conclut Yume avec un sourire en coin qui voulait dire qu'il se moquait d'elle.
Il n'allait tout de même pas prendre la peine de lui dévoiler le fond de sa pensée ! Bien sûr qu'il la trouvait incroyablement belle vêtue ainsi ; sa robe faisait pâle figure à côté de cette tenue bien plus guerrière ! Cependant, Yume n'était pas très bon pour faire les compliments. Et puis, c'était drôle de voir son amie se mettre dans tout ses états pour si peu !
Visiblement vexée, Astrid croisa ses bras sur sa poitrine, tandis qu'elle afficha une moue boudeuse.
« Le principal c'est que tu te sentes mieux, se reprit Yume plus sérieusement et sautant de son perchoir. Ça te donne un style plus… »
Le jeune homme la regarda attentivement de haut en bas, cherchant méticuleusement ses mots. Il n'avait, bizarrement, pas envie de la renfrogner davantage.
« … je sais pas comment dire ? Guerrière ? »
L'ombre d'un sourire éclaira le visage de la jeune fille. Le meilleur ami de Fileya se sentit légèrement rougir.
« Est-ce que c'est un compliment ? vérifia-t-elle.
‑ Mouais, prends-le comme tu veux » dit Yume en se passant une main gênée dans les cheveux, sentant les joues le piquer nerveusement.
Puis, levant les yeux au ciel, le jeune homme réalisa qu'il était déjà tard. Et lui qui pensait qu'ils atteindrait la frontière ce soir… C'était peine perdue ! Le soleil entamait déjà sa course sur l'horizon, et le ciel se teintait d'une douce et agréable couleur orangée. Un léger vent sableux et nocturne balaya quelques secondes le duo, qui admirait ensemble le coucher de soleil sans s'en rendre compte.
« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? » demanda Astrid pour briser le silence, mais ses pupilles rubis toujours levées vers les cieux.
Yume huma l'air sans vraiment chercher à le faire exprès, et son estomac commença à furieusement gronder lorsque ses narines rencontrèrent le parfum familier d'une viande rôtie. Il avait faim, même très faim. Après tout, il n'avait rien mangé depuis leur dernier repas d'hier soir ! Mais était-ce vraiment prudent de prendre une pause maintenant, alors que les Miliciens devaient être encore à leurs trousses, sans doute tout proches ?
« Je voulais qu'on commence la traversée du désert, annonça-t-il en soupirant de dépit, mais je crois qu'on va légèrement changer nos plans. Je crois qu'on va plutôt trouver une auberge pour la nuit. Et de quoi manger.
‑ Est-ce que c'est vraiment prudent avec l’Élite à nos trousses ?
‑ Ils ne seraient peut-être pas aussi proches si une certaine Astrid n'avait pas mis trois heures à faire ses achats, répliqua Yume en plaisantant, à moitié cependant.
‑ Ils ne seraient peut-être pas aussi proches si un certain Yume n'avait pas eu la brillante idée d'aider un faux marchand ambulant qui avait pour projet de vendre nos carcasses à l’Élite, contre-attaqua la brune, qui sentait la colère pointer le bout de son nez, mais un sourire espiègle étirant ses lèvres malgré tout.
‑ Ouais, tu marques un point, se coucha finalement le jeune homme, ne souhaitant pas, finalement, entrer dans une énième dispute avec sa camarade, même pour plaisanter. On devrait plutôt trouver un endroit où passer la nuit si on veut être en forme demain matin. Je t'expliquerai la suite de notre trajet une fois installés autour d'un bon repas. »
A cette annonce, leurs deux estomacs se mirent à gronder en chœur. Voilà au moins une chose sur laquelle ils s'entendaient et étaient capables de se mettre d'accord !
*
* *
Malgré la nuit tombante, les marchands continuaient toujours à accueillir maintes et maintes clients, et par ailleurs, ceux-ci n'en étaient pas moins nombreux qu'en pleine journée. Le Bazar du Désert ne dormait décidément jamais, comme disait les légendes !
Guidés par leurs estomacs vides ainsi que les odeurs alléchantes de nourritures qui titillaient leur odorat, les deux jeunes gens parvinrent à trouver une petite auberge sympathique, se trouvant être l'un des rares bâtiments au milieu des tentes du bazar. Celui-ci, à l'instar de la fontaine, avait été construit dans de l'argile, lui conférant ainsi une drôle de couleur rouge pourtant assez chaleureuse. Un rideau permettait d'entrer dans l'édifice, et rien ne venait couvrir les fenêtres du bas, de sorte à ce que n'importe quel passant pouvait facilement regarder par celles-ci pour voir ce qu'il se passait à l'intérieur de l'auberge.
« Si on cherche à être discret à et ne pas se faire repérer, c'est pas vraiment le meilleur moyen, releva Astrid avec une grimace désapprobatrice.
‑ Oui, mais on commence à être un peu à sec, répondit Yume en désignant l'immense pancarte à l'entrée où étaient affichés à la fois les prix du restaurants et des lits. Alors on fait comme on peut, d'autant plus qu'on est loin d'être arrivés.
‑ Oh, et puis, peut-être qu'on peut voir ça comme une forme de stratégie, finit par accepter la brune.
‑ Comment ça ?
‑ Bah, c'est simple : étant en cavale, jamais les Miliciens ne viendront à se dire qu'on serait aussi bêtes pour se mettre autant à découvert.
‑ Hey ! Tu marques un point ! »
Yume parut se réjouir un instant, avant de se rappeler un élément crucial, quelque chose que leur avait montré le marchand ambulant un peu plus tôt dans les Plaines Séréna.
« Je crois qu'on va devoir laisser tomber l'auberge ce soir… pire encore, on va devoir oublier le dîner.
‑ Hein ?! s'étrangla Astrid en écarquillant les yeux de surprise. Mais pourquoi ?!
‑ On est recherchés, tu te souviens ? »
Le jeune homme vit l'enfant de la Prophétie croiser les bras sur son torse, tandis qu'elle semblait chercher, tout au fond de ses pensées, un moyen de lui faire changer d'avis. Et, dans le fond, Yume aurait vraiment adoré que celui soit possible ! Dormir à la belle étoile, dans le désert – même s'il y faisait un froid glacial – ne le dérangeait aucunement ! Mais traverser un désert brûlant et potentiellement mortel le ventre vide… Il ne voulait même pas y penser ! Ils seraient morts bien avant d'avoir atteint la frontière, et plus personne ne serait alors en mesure de prévenir Aristofée du terrible complot qui se tramait à son insu ! Mais, et cette pensée lui était sans doute la plus impensable, Yume ne pouvait pas se permettre de laisser Astrid mourir aussi stupidement, alors qu'elle avait une possible prophétie à accomplir.
Puis, visiblement satisfaite d'elle, Astrid posa ses mains sur ses hanches, un sourire carrément fier plaqué sur les lèvres. En temps normal, Yume se serait inquiété de la voir ainsi. Mais, et peut-être pour l'unique fois de sa vie, cela la rassura, ce petit visage espiègle.
« Les avis de recherches sont peut-être pas encore parvenus jusqu'ici, annonça-t-elle tout sourire. Preuve : si nos têtes étaient réellement affichés de partout, on nous serait déjà tombé dessus, depuis le temps qu'on traîne ici. »
Astrid croisa ses bras sur son torse, relevant fièrement le menton, ses yeux brillants de malice.
« Alors, satisfait ? »
Yume soupira d'exaspération. Cela le tuerait de dire à voix haute qu'elle venait de le réconforter, lui et son estomac. Aussi passa-t-il sa tête par l'une des fenêtre pour y découvrir l'intérieur du bâtiment. De ce qu'il en vit, celui-ci paraissait tout ce qu'il y avait de plus banal : quelques tables rondes disposées de çà et là, certains plus grandes que les autres, à travers toute la pièce. Au fond de la salle était disposé un bar où était attablés quelques personnes. D'ailleurs, la plupart des tables étaient occupées, rares étaient celles qui étaient vides. Mais, parmi celles-ci, Yume en repéra une à l'abri des regards, mais surtout loin des fenêtres.
« C'est parfait, dit-il en se tournant vers la porte, allons-y. »
Sans hésiter plus longtemps, le jeune homme souleva légèrement le vieux rideau qui tombait en lambeau pour entrer dans l'établissement. Aussitôt dans la pièce, les oreilles de l'ancien Épéiste furent agressées par le brouhaha provoqué par les clients de l'auberge. Mais ceux-ci ne semblèrent pas avoir remarqué la présence de Yume et Astrid, deux des trois personnes les plus recherchées du Royaume, et ceci rassura quelque peu la conscience du meilleur ami de Fileya. D'un pas confiant, il se résigna à s'approcher du bar, cherchant à réserver une table ainsi que des chambres pour la nuit. Derrière celui-ci se trouvait une jeune femme qui devait avoir à peine quelques années de plus que lui. Pas très grande, ses cheveux violets, presque bordeaux, relevés en une haute queue de cheval haute à l'instar d'Astrid, laissaient apercevoir ses petits yeux améthyste fatigués. La jeune femme arborait une longue robe verte pomme sans manches, ainsi qu'un tablier, sans doute à l'origine blanc, autour du cou.
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