Chapitre 6.2 : Astrid
Posant un regard circulaire tout autour d'elle, Astrid finit par lui désigner un buisson non-loin, à l'abri des regards, bien que le Quartier Général semblait désert à cette heure avancée de la nuit. Ils s'y accroupirent tous deux, le temps de discuter vaguement de la suite de leur plan… mais aussi de cette énergie étrange.
– J'ai l'impression qu'elle m'appelle…, lui informa Astrid sans aucune gêne, son regard fixé sur la statue en question, désormais toute proche.
Après tout, si le châtain l'avait cru pour cette histoire de Prophétie, peut-être serait-il tout aussi compréhensif avec cette soudaine apparition de sixième sens !
Thandon leva légèrement le cou dans l'expectative d'examiner à son tour l'Invoqueur de pierre. Puis, fronçant ses épais sourcils châtains de concentration, il finit par reporter à nouveau toute attention sur Astrid.
– Si tu es vraiment l'objet d'une Prophétie, lui expliqua-t-il doucement pour ne pas se faire entendre des oreilles indiscrètes, j'imagine que tu dois ressentir ce genres de choses… magiques. A mon avis, cet endroit renferme des secrets que même nous ignorons.
Les yeux écarquillés de réalisation, l'archère repensa subitement à ce qui lui avait appris Yume un soir, dans les Plaines Séréna. Seven garderait jalousement quelque part une sorte de donjon secret, où y seraient enfermées des créatures qu'il s'amuse à torturer dans un but encore inconnu, mais forcément démoniaque. Et si… l'entrée de ce terrain de jeu morbide et sordide se trouvait juste sous ses yeux, et que le fameux appelle qu'elle semblait percevoir venaient en réalité des ces pauvres âmes en peine ?
– J'imagine qui tu as raison, approuva Astrid mystérieusement, mais nous n'avons effectivement pas le temps de nous attarder sur ce sujet. On doit trouver un moyen de sauver Thandon, Yume et Fileya, seulement…
– On n'a aucune idée de l'endroit où ils sont, termina Thandon en soupirant de dépit.
Le jeune garçon se laissa totalement tomber à terre, tandis qu'il arracha dans un geste de rage l'herbe verdâtre sous ses pieds.
Tout à coup, des bruits de pas tout proches les firent tous deux sortir de leur transe émotionnelle. Baissant automatiquement la tête dans le but de se soustraire à la vue d'un possible passant, les deux jeunes gens sentirent leurs cœurs battre jusque dans leurs tempes à l'idée de se faire repérer maintenant. Cependant, les bruits de pas passèrent tout près, mais ne prirent pas le temps de s'arrêter. Une fois l'écho de ceux-ci partiellement éloignés, les deux amis relevèrent dans une parfaite synchronisation la tête par-dessus le buisson, dans le but d’identifier le visiteur nocturne. A leur vue se dessina alors la silhouette de la jeune femme Épéiste aux cheveux courts et blonds et à la peau cuivrée. Cette dernière ne sembla réellement pas avoir fait attention aux deux fugitifs cachés tout près, se contentant de monter des escaliers non-loin qui menaient à l'étage supérieur.
Une fois que Anthéa fut enfin disparue de leur champ de vision, Thandon déclara, plus sérieux que jamais, ainsi qu'en se redressant de tout son long :
– On la suit.
– Quoi ? s'étrangla Astrid en fronçant les sourcils de mécontentement, tout en forçant son ami à s'abaisser de nouveau en lui tirant sauvagement le bras. Mais c'est de la folie ! Si elle nous choppe, on est foutus !
– Oui, mais est-ce que tu as un meilleur plan pour retrouver nos amis ?
Astrid soupira, sachant pertinemment que le jeune garçon avait raison. Elle n'avait pas non plus d'autres solutions qui lui étaient venus à l'esprit, à elle non plus, et d'autant plus que cette possibilité lui avait également effleuré les idées. Seulement, la brune avait jugé cela bien trop dangereux et n'en avait de ce fait pas fait part à Thandon. Cependant… avaient-ils réellement le choix ? Qui savait, à part la Déesse elle-même, ce qu'enduraient Yume et Fileya en cet instant précis, tandis qu'elle, elle hésitait à approuver un plan aussi simple ?
– C'est d'accord, accepta-t-elle dans un énième soupir, mais on essaie de se la jouer discret. Je n'ose imaginer ce qu'il pourrait advenir de nous si jamais ils nous découvraient maintenant, après toutes les épreuves qu'on a dû traverser pour arriver jusqu'ici…
Se lançant un dernier regard entendu, les deux jeunes gens se faufilèrent discrètement à la suite d'Anthéa, qui gravissait les escaliers, toujours avec une démarche des plus félines. Cependant, les deux amis attendirent avec impatience que la jeune femme eut atteint l'étage avant de se lancer à leur tour dans l'ascension des marches. Le dos courbé, tels deux loups quêtant leur proie particulièrement juteuse, les deux amis se stoppèrent néanmoins à deux marches de l'étage supérieur, ayant remarqué que la femme Épéiste s'était elle aussi arrêtée en plein milieu du couloir supérieur.
– Mais qu'est-ce qu'elle fabrique ? questionna Astrid, qui n'osait pas lever le cou dans le but de l'espionner, de peur de se faire prendre.
– Je n'en sais rien du tout ! répliqua immédiatement Thandon en murmurant pour ne pas se faire prendre lui non plus.
Il redressa cependant légèrement le chef, de sorte à avoir une petite vue, quoique basse, sur l'étage tant convoité. Fronçant ses sourcils d'incompréhension, le grand frère de Khomas s'abaissa à nouveau au niveau d'Astrid, et déclara, toujours sur un ton incroyablement bas :
– Elle n'est plus seule. Il y a quelqu'un avec elle. Enfin, je crois.
– Pardon ?! s'étrangla la jeune archère car elle n'avait pas le loisir de s'exprimer comme elle le voudrait. Mais qui ?
– Puis-je savoir ce que vous faites encore dans le bâtiment à une heure aussi tardive, Anthéa ? questionna une voix des plus irascibles, qui eut tôt fait de faire lever les yeux d'Astrid au ciel.
Teki, forcément. Cela ne pouvait être que lui. Qui d'autre pourrait avoir le courage de veiller aussi tard ? Enfin, tard… Quelle heure était-il, exactement ? Astrid leva les yeux vers la voûte céleste visible depuis une partie du toit ovoïdale à découvert, et vit la lune, belle, ronde et rouge, au-dessus de leur tête. Effectivement, il devait être tard.
La réponse de la femme soldate mit un certain temps à être prononcée, comme si elle avait réfléchit mûrement avant de se lancer dans un dialogue avec son confrère :
– Je pourrais vous poser la même question, Teki.
Un léger rire s'échappa de la gorge de l'homme, et Astrid ne put s'empêcher de l'imaginer en train de toiser Anthéa de haut, les mains croisées dans son dos et le menton relevé dans le but de l'intimider avec une pseudo marque d'autorité qui le rendait juste exaspérant aux yeux de la brune. Fileya aurait sans aucun doute été du même ami qu'elle.
– Sauf que je suis votre supérieur, l'auriez-vous oublié ?
– Pour combien de temps encore, cependant ? répliqua presque instantanément la jeune femme, et un sourire satisfait étira les lèvres d'Astrid à cette réponse bien marquée.
Anthéa avait du répondant, c'était indéniable. Au son de sa voix, la jeune fille avait immédiatement sentit que le courant ne passait pas très bien entre ces deux Épéistes, et Astrid ne pouvait pas en blâmer la femme guerrière. Teki était tout simplement un type des plus détestables. Cependant, Anthéa faisait preuve d'une sérénité incroyable en s'adressant à cet homme irascible, et cela ne pouvait que renforcer le respect. Après tout ce qu'il avait fait subir à ses amis, Astrid lui aurait lancé une flèche entre les deux yeux depuis un certain temps déjà, et encore, cette sentence était presque trop douce à ses yeux.
Devant le manque de répondant de son interlocuteur, Anthéa lâcha un petit rire moqueur, puis se permit de reprendre à sa place :
– Alors, avez-vous perdu votre langue ?
– Votre sens de l'humour me laisse dubitatif, répliqua enfin Teki, après un léger temps d'hésitation cependant. Je n'ai pas encore été mis sur la touche. Seven me fait encore confiance.
– Vraiment ? Alors pourquoi était-ce moi qui ait été chargée d'arrêter Yume, et non pas vous, l'homme en qui il a la plus grande confiance ?
Astrid l'avait sentit et entendu, la manière dont elle avait appuyé sur la dernière partie de sa question. Elle ignorait les raisons qui poussaient la femme soldate à parler ainsi, mais une chose était certaine : elle essayait de pousser son interlocuteur à bout, et cela ne pouvait que réjouir les deux jeunes gens qui les écoutaient à leur insu.
– Il me testait, voilà tout. Notre Souverain souhaitait uniquement savoir si je lui serai encore fidèle après… après m'avoir confié la mission concernant l'Invoqueur. Et je pense être assez humble pour affirmer en être digne.
Un nouveau rire fusa de la gorge d'Anthéa, avant que ses bottes sur le carrelage ne commencent à s'éloigner progressivement en direction du Nord.
– N'ayez crainte, Teki, je ne cherche aucunement à vous voler votre place. Être le petit toutou de Seven ne m’intéresse aucunement. Du moment que je fais mon travail correctement, peu importe ce dont il s'agit, j'en suis juste satisfaite.
La jeune femme s'arrêta soudainement dans sa marche, et poursuivit :
– En temps que seule femme Épéiste à ce jour, il est normal que Seven cherche à montrer qu'il a confiance en moi. S'il décide de faire confiance en une femme, cela prouve bien des bonnes intentions de notre Seigneur, pas vrai ? Il se soucie réellement du bon fonctionnement de son organisation, et ne fait preuve de misogynie. Peut-être devriez-vous prendre exemple sur ce grand homme.
Seven, avoir de bonnes intentions ? Peut-être qu'elle changerait rapidement d'avis en entendant le discours de Yume, qui savait le secret que renfermait le dirigeant d'Onyrik !
– Vous n'avez pas répondu à ma première question, lança tout à coup Teki sans prendre en compte la mise en garde de sa consœur.
– On m'a informée que certaines nouvelles recrues sont instables, expliqua-t-elle sur un ton des plus neutres, sans aucune forme de moquerie. Je me rends donc sur place pour les redresser moi-même. Cette réponse vous satisfait-elle ou bien avez-vous besoin de me suivre pour preuve de la véracité de mes propos ?
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