Chapitre 8.3 : Yume
Il tendit les précieux objets en direction d'Astrid, qui le regarda tout d'abord avec un mélange de confusion et de surprise, avant qu'elle ne comprenne enfin ce dont il s'agissait réellement.
– De la magie ? s'étonna-t-elle en prenant les sphères qu'on lui proposait. A quoi est-ce qu'elle va me servir ?
– Ça, ce sera à toi de voir, indiqua Yume sur un ton calme, presque serein, malgré la bataille sur le point d'éclater. Je peux juste te dire que ces sphères renferment un sort de Glace.
La brune acquiesça d'un signe de tête. Elle équipa quelques unes de ses flèches en magie, tandis que Yume s'accroupit pour faire face au petit Khomas. Là, le jeune homme apposa une main réconfortante sur son épaule, dans le but de rassurer le plus jeune d'entre tous. Une claire peur pouvait se lire à des kilomètres dans ses grands yeux émeraudes, et son teint livide, à la limite du cadavérique, n'était qu'un élément supplémentaire prouvant son épouvante.
– Khomas, ça va être dangereux. Je te conseille de rester près de Fileya ou Astrid. Elles sauront te protéger.
Toutes deux surprises, les deux sus-nommées écarquillèrent les yeux, tout en se lançant un bref regard. Comment le blondinet pouvait-il leur demander une telle chose ? Les deux jeunes filles seraient incapable de le protéger des balles des Miliciens ! Elles n'étaient même pas certaines de ne pas se faire toucher elles-même !
– D-D'accord ! approuva le petit frère de Thandon dans un élan de courage, alors qu'il ravalait très difficilement sa salive. J'ai de la magie, moi aussi. Est-ce que tu... Est-ce que j'ai le droit de m'en servir ?
Yume fronça tout à coup les sourcils. Khomas savait manipuler la magie ? Mais... depuis quand pouvait-il... Est-ce que Thandon était au courant de cela ?
Un rapide coup d’œil en direction du jeune garçon lui fit comprendre qu'il n'avait strictement rien suivit de l'échange entre son petit frère et Yume. Ce dernier, positionné de dos, se préparait déjà à foncer sur Teki, qui le narguait derrière la bulle protectrice tel un chat tournant derrière un oiseau un cage.
– Toute aide sera la bienvenue, accepta finalement l'ancien Épéiste en se redressant de tout son long.
Là, Yume fit volte-face en direction de Fileya, qui se battait de toutes ses forces pour maintenir la Barrière le plus longtemps possible.
– Tu peux t'arrêter là, conseilla-t-il en s'approchant de la sphère protectrice qui ne tenait déjà pratiquement plus.
– Tu en es certain ? Une fois levée, je ne pourrais plus en invoquer pendant un certain temps...
– Il faudra que tu économises un maximum de forces. Nous aurons plus que jamais besoin de toi si l'un de nous est blessé.
Yume retint tout commentaire pour lui, mais il savait que cette bataille n'était pas gagnée d'avance. Il y avait également cette détestable intuition au fond de son cœur qui lui disait d'une petite voix cruelle qu'ils ne sortiraient pas tous d'ici indemne. Mais le jeune homme avait confiance en la capacité de ses compagnons : ils arrivaient à sortir de Fikternand, l'avenir du monde dépendait de cette victoire !
Fileya brisa enfin son sortilège.
Ni une ni deux, Yume n'en perdit pas une seule seconde, et il s'avéra qu'Anthéa était visiblement du même avis que lui. Sans même lui demander son accord, la jeune femme s'élança droit dans sa direction, prête à engager une danse de lames particulièrement mortelle.
Les coups plurent pendant un certain temps, chacun des deux opposants cherchant à obtenir le dessus sur l'autre. Mais les deux duellistes semblaient en forces égales, ce qui surprit profondément le blondinet. Le jeune homme se savait autrefois le Numéro Deux de l’Élite, plus fort que Teki mais toujours moins puissant que Seven. Comment la femme guerrière pouvait-elle bien lui tenir tête aussi longtemps, et sans jamais montrer aucun signe de faiblesse ? Bien au contraire, ce petit sourire carnassier sur son visage mâte et fin prouvait qu'elle prenait un malin plaisir dans chacun des échanges de coups.
Derrière eux, Yume vit, seulement du coin de l’œil car il devait avant tout se focaliser sur la présence d'Anthéa, que les Miliciens quittaient le sol par poignée de trois. Une fois dans les airs, ceux-ci se retrouvaient violemment balancés dans les eaux entourant le pont principal menant à la sortie, comme s'ils n'étaient rien d'autres que des sacs encombrants dont il fallait se débarrasser le plus rapidement possible. L'ancien Épéiste ignorait qui pouvait bien être à l’œuvre d'une telle prouesse, mais il savait d'avance qu'il ne pouvait pas s'agir de Fileya : la magie de Lévitation n'avait jamais été le point fort des Invoqueurs. Mais alors, pouvait-il s'agir de... ?
Le jeune homme n'avait pas le temps de se poser davantage de questions. Il se concentra à nouveau sur le combat.
Yume évita d'un bond précipité la lame améthyste de la femme guerrière qui avait bien failli lui entailler la gorge. Se réceptionnant maladroitement sur ses pieds, le meilleur ami de Fileya tomba à la renverse, son équilibre brisé.
Fière d'elle, Anthéa s'avança docilement dans sa direction, ses hanches se mouvant à la manière d'une féline. Là, la jeune femme vint écraser le poignet directeur de son adversaire à l'aide de sa botte de combat. Elle lui coupa ainsi toute possibilité de récupérer son arme projetée au loin durant sa chute malencontreuse. Sans ménagements, l’Épéiste arqua la pointe de sa fine lame juste sous la jugulaire de son rival, qui ne put rien faire pour protester si ce n'était lui renvoyer un regard profondément noir.
– C'est pathétique. Et dire que j'avais entendu de si belles choses sur toi. Je suis profondément déçue.
La jeune femme augmenta la pression sur le poignet de Yume, qui se mordit violemment la lèvre inférieure pour s'empêcher de lâcher un cri de souffrance qui n'était pas digne de la réputation qu'il s'était autrefois forgée, en tant que grand Numéro Deux.
– Cela fait déjà deux fois que nous nous rencontrons, et tu n'as pour le moment jamais réussi à me tenir tête. Peut-être n'es-tu simplement pas aussi puissant que ce que tes admirateurs le prétendaient ? Ou alors tu t'es ramolli en côtoyant ces deux fillettes.
Cette insulte gratuite à l'encontre de ses deux compagnons féminins ne fit que gonfler le cœur de l'ancien Épéiste de rage. Astrid et Fileya n'étaient certainement pas que de simples « fillettes » ! Toutes deux savaient se battre et se montrer courageuse à leur manière, bien plus qu'elle-même ne l'était en acceptant de rester aux côtés de l’Élite, qui se servait d'elle pour effectuer les basses besognes ! Si Seven avait réellement l'intention de l'éliminer, pourquoi ne venait-il pas le faire de lui-même ? Parce que c'était lui, le lâche, qui envoyaient constamment ses hommes faire le sale boulot à sa place !
Yume ouvrit la bouche dans le but de répliquer et ainsi redorer le blason de ses deux amies, lorsqu'un événement inouï se produisit.
Une flèche fila à la vitesse de la lumière et vint se ficher presque sans bruit dans l'épaule directrice d'Anthéa, qui ne put empêcher un cri de douleur s'échapper de ses lèvres. Se concentrant davantage sur sa blessure que sur son prisonnier à ses pieds, la jeune femme en avait totalement oublié sa prise sur Yume, qui put se délivrer.
Se jetant sur son épée pour la récupérer, le jeune homme, une fois celle-ci bien en main, lança un regard surpris en direction d'Astrid. Cette dernière, une autre flèche déjà encochée, semblait prête à la laisser filer à n'importe quel moment en direction de son ennemie. Cette dernière la fixait par ailleurs avec des yeux emplis de haine, les dents grincées par la souffrance.
– La prochaine fois, prévint Astrid sur un ton dur que Yume ne lui connaissait pas, je te promets qu'elle ira dans ta tête.
Totalement abasourdi, Yume fixa sa sauveuse inattendue un long moment. Son regard rouge et déterminé fixait sans sourciller son adversaire droit dans les yeux. Sa position parfaitement droite démontrait une parfaite estime de soi ; elle n'avait clairement pas chantonné ces paroles à la légère, elle pensait les menaces qu'elle venait de proliférer.
La légère brise marine faisait danser doucement sa couette haute dans son dos, comme si son corps était subitement recouvert d'une aura magique et mystique.
Astrid avait réussi. Elle commençait enfin à devenir l’héroïne sans peur que tout Onyrik, non, que le Monde entier attendait.
L'Enfant aux Yeux Rouges. Yume y croyait désormais de tout son cœur. Ce ne pouvait plus qu'être elle. Le doute n'était positivement plus permis.
Sans même relâcher ne serait-ce qu'un tout petit cri ni même démontrant aucune expression de douleur, Anthéa retira la flèche dans son épaule gauche comme on arrachait une imperfection extrêmement gênante. La jeune femme, d'un geste sec, balança le projectile à terre, avant de l'écraser sans aucun remords sous sa semelle tranchante. Désormais brisée, la flèche ne pourrait plus jamais se régénérer dans le carquois magique de la sauveuse.
– Ne me provoque pas, petite, tonna-t-elle d'un ton placide, pas même menaçant. Ce n'est pas contre toi que j'ai envie de me battre, alors ne me force pas la main.
– Et je peux savoir ce qu'il a bien pu te faire pour recevoir le plaisir de mourir de ta lame ? demanda courageusement Astrid, qui équipait entre temps l'une de ses flèches d'un sort de Glace.
– Astrid, écarte-toi, intervint Yume à temps, qui ne souhaitait ardemment pas mêler sa nouvelle amie à ses histoires avec l’Élite, bien qu'elle y soit malheureusement plongée elle aussi jusqu'au cou. Je n'ai pas envie qu'il t'arrive malheur par ma faute.
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