Chapitre 11.9 : Yume

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Discrètement, Yume sourit de travers. Son coeur s’emballa. Ses membres tremblèrent. Mais ce n’était pas de la peur que le jeune homme ressentait dans tout son être. Non. Yume jubilait de joie. Cet adversaire était immense, sans doute le plus gigantesque qui ne lui avait jamais été donné de combattre, et cette simple idée suffisait à le remplir d’alacrité. Puisqu’il se trouvait face à une bête, et non d’un homme, il pouvait s’octroyait le droit de tuer. Ce dragon était néfaste, de toute façon, et c’était pour cette raison qu’il se trouvait face à lui, alors pourquoi se priver ainsi ?

– Un dragon ? hoqueta Fileya, une main délicate posée près de son cœur et les yeux agrandis de terreur. Je pensais cette espèce éteinte avec la chute de la Cité des Invoqueurs !

– La magicienne, avec moi, décréta Iakyndy en prenant Fileya par le bras, indifférente à l’état de profonde stupéfaction de cette dernière, qui n’en revenait véritablement pas de se trouver face à une telle créature légendaire. On va laisser les guerriers s’occuper du dragon. Nous, on va libérer les pauvres femmes qui peuvent encore être sauvées.

– Mais je croyais que la bête les dévorait, releva la jeune Invoqueur, tournant ses yeux estomaqués en direction de la Princesse de Cristal.

– Pas toujours, répondit immédiatement Iakyndy sur un ton pressant. Les dragons sont certes imposants, mais ils possèdent en réalité un minuscule estomac. Un seul repas peut leur convenir pour des semaines, voire des mois suivant la taille du Dragon.

La jeune femme à la peau de cristal pivota ses yeux de chat en direction de la bête pantagruelique, qui se contentait pour l’instant, heureusement, de détailler de potentielles futures proie d’une oeil analytique, se questionnant possiblement sur lequel était le plus appétissant. Au vu de la façon dont il fixait Léterno, il avait déjà discerné son futur repas !

– Ici, on est plutôt sur une petite catégorie, annonça Iakyndy, avec une petite moue réflective.

– Petite tu dis ?! s’exclama Yume, tout en faisant apparaître son épée magiquement en tendant le bras devant lui.

Sans répondre, Iakyndy débuta une course folle inconsciente en direction des pattes de l’énorme bête, entraînant Fileya à sa suite qu’elle tenait toujours par la bras. Cette dernière tenta bien de protester avec des mots, mais elle était encore tellement sous le choc que seuls quelques bafouillements incompréhensibles sortirent de sa bouche.

– On vous laisse gérer les garçons, on se retrouve plus tard ! lança Iakyndy à la cantonade.

La jeune femme à la peau de cristal leur lança une dernière accolade, accompagné d’un clin d’oeil et d’un pouce confiant levé vers les cieux, avant d’entrainer davantage la malheureuse Fileya dans son sillage. Avec l’agilité d’un chat que personne n’aurait pu lui soupçonner, la Princesse de Cristal se faufila, aussi discrète que le vent, entre les grosses pattes du Dragon, qui tenta tant bien que mal d’écraser les malheureuses. Tandis que Iakyndy empruntait toujours le chemin le plus juste pour esquiver les griffes acérées de leur ennemi, Fileya, elle, tâchait avant tout de ne pas finir écrasée. La jeune fille avait dû s’arrêter à de nombreuses reprises, lâchant à chaque fois des cris horrifiés quand une patte s’écrasait pile devant elle, avant de reprendre sa course folle, à la poursuite de la Princesse de Cristal.

Quand leurs deux compagnons féminins disparurent dans les ombres de l’antre du Dragon, Yume lança, tout en prenant position sur ses appuis pour mieux réagir en cas d’attaque sournoise de la bête :

– Bien. Alors, comment on s’y prend ?

N’obtenant aucune réponse satisfaisante, Yume se risqua à jeter un œil sur sa gauche, là où il savait la position de Léterno, les sourcils froncés. Cependant, ses yeux s’écarquillèrent en constatant que son compagnon d’arme n’était plus ici. Réalisant qu’il se trouvait désormais seul face à une bête de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, le jeune homme ravala difficilement sa salive. Le guerrier solitaire l’avait-il réellement abandonné en plein combat, pendant un moment d’inattention de sa part, ou bien se trouvait-il encore dans les environs, derrière le Dragon, par exemple… ?

Levant des yeux inquiets sur son ennemi, Yume ouvrit en grand la mâchoire d’incrédulité. Un vortex lumineux venait de s’ouvrir, tel un portail magique, juste au-dessus de la gueule centrale de son adversaire. Le jeune homme s’attendait à voir n’importe qui sortir de ce couloir nitescent, mais certainement pas Léterno lui-même ! Surgissant du vortex avec une dextérité époustouflante pour son gabarit, le grand homme jeta sa main sur le côté. Dans un flash lumineux éblouissant, un sublime katana à la lame aiguisée apparut, flottant dans les airs. Léterno s’en empara fermement par son pommeau sous les yeux impressionnés de Yume, qui n’avait pas bougé d’un cil, véritablement surpris par ce guerrier qui n’avait certainement pas encore dévoilé tous ses secrets.

Arquant sa fine épée sur le côté gauche, prêt à asséner un coup à l’horizontal, Léterno se retrouva en bien mauvaise posture quand, à la dernière seconde, le Dragon pivota sa tête centrale en direction de son ennemi perfide. Maintenant qu’il l’avait repéré, la bête ouvrit la gueule et dévoila à son adversaire qui le fixait sans expression ses deux rangées de dents aussi aiguisées qu’autant de petites dagues qu’on aurait entreposées. Une boule de lumière orangée se forma tout à coup dans le fond du gosier de l’animal enragé, semblable au feu au fond de l'âtre d’un forgeron. Puis, cette sphère se mit à grandir, avant que de la fumée ne s’échappât enfin de sa gueule.

Conscient du danger, Yume ouvrit la bouche dans le but de mettre en garde son allié, lui conseiller de s’enfuir le plus rapidement possible, mais lorsque le Dragon cracha ses premières flammes, il était déjà trop tard. Cependant, le jeune homme capta, depuis sa position sur la terre ferme, un nouveau rayon lumineux. Le brasier sembla tout à coup se diviser en deux branches, à l’image d’un courant d’eau se séparant au cours d’un embranchement. Sans comprendre comment il avait réussi un tel prodige, Yume nota que Léterno avait réussi à invoquer un immense bouclier qu’il tenait à deux mains devant lui, et que c’était sa surface ignifuge et rigide qui avait dispersé les flammes.

Quand le Dragon n’eut plus de souffle, le guerrier vêtu tel un samouraï disparut de nouveau dans un vortex lumineux, avant de réapparaître dans la seconde près juste à côté de Yume, qui sursauta de surprise. Léterno garda son bouclier sur un poing, ce qui fit s’agrandir les yeux de son compagnon. Comment arrivait-il à soutenir une arme d’une telle envergure à l’aide d’un seul bras ?

– Comment t’as fait tout ça ?! s’étonna Yume à ses côtés, des étoiles d’admiration plein les yeux. Disparaître, réapparaître, invoquer DEUX armes aussi vite depuis te Réserve ! Explique-moi, je veux faire pareil !

– Pas le temps, répliqua le grand guerrier d’un ton placide, qui peina profondément l’ancien Épéiste, son unique œil améthyste fixant le Dragon, qui avait tourné ses trois têtes dans leur direction. Attention, attaque de l’ennemi.

Yume eut tout juste le temps de se servir de sa vision périphérique qu’il vit effectivement la bête gargantuesque commencer à effectuer un tour sur lui-même. Avisant la queue à la double lame qui s’approchait dangereusement dans sa direction, le blondinet effectua un prodigieux salto-arrière pour se dévier immédiatement de sa trajectoire, atterrissant à l’aide d’une seule main. Se redressant sur ses pieds avec agilité, pas peu fier de son propre exploit gymnastique, il tourna un visage empli de superbe en direction de son compagnon d’arme, mais ce dernier n’avait manifestement rien vu de sa prouesse. Déçu, une moue boudeuse trouva sa place sur les lèvres de Yume.

Complètement hors du combat, Yume ne remarqua que trop tard les trois têtes tournées à l’unisson dans sa direction. Triplant son jet de flammes, le Dragon concentra cette fois-ci toute sa puissance de feu sur le malheureux jeune homme, qui n’avait plus le temps d’esquiver un tel assaut. Fermant les yeux dans un geste de réflexe tout à fait ridicule, le meilleur ami de Fileya attendit, les dents serrées, le moment de sa mort, ou bien d’un miracle qui pourrait encore le sauver. Cependant, il n’eut jamais l’impression de ressentir une quelconque brûlure. Était-il mort si rapidement que son corps et son esprit n’avaient pas eu le temps de souffrir ?

Rouvrant un unique œil craintif, Yume écarquilla des yeux surpris en comprenant enfin ce qui lui avait miraculeusement sauvé la vie. Léterno, qui avait sans aucun doute dû se téléporter une fois de plus vu les faisceaux lumineux qui s’enfuyaient des contours de son corps telles des lucioles, se tenait droit face à lui, arquant fièrement son immense bouclier entre le Dragon et eux.

– Sérieux, apprends- moi ! s’exclama Yume tout en retirant quelques pointes de ses cheveux brûlées qui n’avaient malheureusement pas survécu au jet de flammes ardentes. Ça peut me sauver la mise !

– Impossible, réitéra la voix placide de son sauveur, son regard porté durement sur le Dragon qui grognait de mécontentement.

Fronçant les sourcils tout en baissant la tête, Yume mordit sa lèvre inférieure. Il n’était pas fâché comme un enfant à qui on refusait de céder un caprice. Non, le jeune homme se méfiait. Léterno était décidément quelqu’un d'énigmatique. Qui était réellement ce guerrier, et où avait-il acquis cette capacité à disparaître et réapparaître aussi vite, et pourquoi refusait-il de la lui enseigner ? De plus, cette étrange aptitude lui était tout à fait inconnue, car jamais dans sa vie il n’avait encore entendu qu’il existait quelqu’un de part le monde - et encore moins d’Onyrik ! - capable d’un tel exploit ! Même s’il venait de lui sauver la vie, Yume ne pouvait s’empêcher de nourrir de la défiance à son égard. Qui savait ce que cet homme avait en réalité en tête en les accompagnant ? Et s’il n’était pas un allié, au bout du compte, et qu’il souhaitait les ramener vivants à l'Élite car il savait que Seven avait besoin de victimes fortes et vivantes pour leur arracher la vie... ?

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