Un thé fumant à la main, elle s’apprêtait à lire son livre de chevet féministe comme chaque dimanche. Seulement, aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres puisqu’elle s’était réveillée avec une douleur intense qui lui remontait des profondeurs. Son cœur, ses poumons et son estomac s’agrippaient à un corps étranger qu’elle ne pouvait identifier mais ce corps broyait ces organes intensément. Une goutte tomba dans sa tasse, elle s’essuya d’un revers de main les pommettes. Il fallait qu’elle tienne bon. Elle se demandait comment elle en était arrivée à se contredire dans ses valeurs les plus profondes. Comment pour un homme, elle en était arrivée à se mépriser sans qu’elle pensât que ce constat fût mauvais pour elle.
Puis, elle comprit. Elle comprit que son âme s’était perdue dans les méandres d’une autre, la sienne. C’était plus fort qu’elle, son corps se souvenait pour elle, chaque parcelle de son palpitant brûlait se remémorant les parties de son être qu’il avait léché, baisé, susurré. Elle était tombée pour cet artiste parce qu’il comprenait le monde comme elle ressentait, elle vivait de ces idéaux qu’elle partageait avec lui. Et il était si intense, qu’elle s’était jeté la tête la première dans la passion enchevêtre de leurs corps.
Elle loupa un battement, puis deux, puis trois. Elle se concentra et soupira fortement, l’oxygène dans cette pièce n’était plus rempli de son odeur corporelle et elle eu le sentiment qu’il ne valait plus la peine qu’on respire. Elle se souvenait de ces moments où il avait essayé de la dénigrer parce qu’elle le comprenait davantage que lui ne saisissait sa personnalité et ces comportements. En fait, plus elle l’aimait, plus il se détestait, plus sa colère s’intensifiait envers elle. Mais elle ne pouvait oublier d’un seul, d’un coup, son corps avec le sien, à quel point leur morphologie était à la base incompatible mais qu’ils passaient tout deux au-dessus de ça au nom d’une magie qui les faisait se sentir complets, beaux et apaisés. Ils auraient pu refaire le monde à cet instant précis. Elle sait qu’elle aurait pu crever d’amour pour lui, alors les doutes s’insinuèrent dans leurs caresses quand elle ne sut si c’était réciproque ou non.
Quand elle eu l’audace de lui demander parce qu’elle mourrait à petit feu de ne pas savoir, Il ne répondit jamais.