Chapitre 1 — L’appel de la nuit

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Sous le jet tiède de la douche, dans l’intimité de son appartement parisien, Anna BLUE fermait les yeux, laissant l’eau effacer les marques invisibles laissées par une journée passée à se fondre dans les ombres du cyberespace. Un flash éclata dans son esprit—des lumières rouges, une alarme stridente, le goût métallique de la peur lorsqu’elle avait failli être capturée lors de son dernier hack. Le souvenir était vif, comme un couteau à la gorge, lui rappelant que chaque victoire numérique pouvait se payer en sang. La vapeur dense était une couverture trompeuse, et dans l’épaisseur de l’air chaud, elle percevait les démons de son passé respirer.

C’était dans cette solitude temporaire que la réalité frappait le plus fort. Hackeuse de talent, elle était une silhouette invisible, défiant les murailles numériques que les corporations pensaient inviolables. Ses implants pulsaient légèrement sous la peau, comme pour lui rappeler que son corps était autant une arme qu’une cage. Chaque intrusion était une danse sur le fil du rasoir, mais le frisson de la réussite nourrissait son obsession. Dans l’obscurité du cyberespace, elle détruisait les illusions de puissance des monstres corporatistes, déracinant leurs secrets.

Enveloppe de chair ou carapace de métal, son existence était une question de survie. Elle payait son loyer et son matériel de hacking grâce à ses intrusions, mais elle poursuivait aussi des études en histoire de l’informatique. Une discipline qui la ramenait à une époque plus humaine, quand la technologie était un instrument de rêve et non de servitude. Pourtant, même dans ses études, elle traquait l’histoire des révoltes technologiques, à la recherche d’une faille qu’elle pourrait exploiter.

Sortant de la douche, elle s’essuya en silence, comme si un bruit trop fort pouvait briser l’équilibre précaire de sa vie. Devant le miroir embué, elle examina les lignes discrètes de ses veines, où son pouls semblait danser sous la peau. Son tatouage de dragon bleu contrastait avec la chaleur diffuse de l’humidité, sa couleur bleue actuelle signalant des signes vitaux stables. Ce tatouage, un dispositif biométrique, changeait de teinte en fonction de son état physiologique : vert pour la méditation, rouge en cas de danger imminent. Sa mère, autrefois une journaliste célèbre dénonçant les abus des corporations, s’était volatilisée pour échapper à leur vengeance. Maintenant cachée quelque part, elle restait une flamme vive dans l’esprit d’Anna.

Enveloppée dans une serviette, elle traversa le salon qui ressemblait à un sanctuaire technologique. Des écrans clignotaient doucement, affichant des flux de données cryptées. Les murs étaient tapissés de schémas de réseaux, de diagrammes, et de journaux holographiques relatant les dernières attaques contre les infrastructures de la ville. Les lumières extérieures perçaient les stores comme des couteaux lumineux, illuminant le chaos ordonné de sa planque.

Prête à sortir, Anna enfila une combinaison d’un bleu nuit satiny, taillée sur mesure par un designer underground de Montmartre, mêlant élégance et fonctionnalité. Les bordures étaient rehaussées de microfibres d’or noir capables de capter les fréquences électroniques environnantes. Une jupe en cuir lisse d’un rouge profond glissait sur ses hanches, coupée pour lui permettre une mobilité optimale. Ses bottines en cuir verni, griffées mais piégées, cachaient des lames fines et des dispositifs de piratage miniaturisés. Ce n’était pas seulement une tenue, mais la symbiose parfaite entre le chic parisien et la guerre numérique.

Elle descendit les escaliers plongés dans la pénombre et monta sur sa moto, une Lamborghini Flavio Concept au design futuriste et nerveux. Les phares perçaient la brume urbaine comme des yeux félins à l’affût. Une simple pression sur l’écran tactile fit rugir le moteur, mais le bruit était si bien calibré qu’il semblait être un murmure mécanique. Anna se fondit dans la nuit.

Le pont de Sully, suspendu au-dessus des eaux sombres de la Seine, devint une passerelle symbolique. D’un côté, les tours scintillantes des sièges sociaux dominaient l’horizon comme des forteresses d’un pouvoir impitoyable. De l’autre, les ruelles médiévales et les immeubles en pierre murmuraient des histoires de révolte et de résistance.

Anna accéléra. La silhouette de Notre-Dame était visible au loin, ses gargouilles veillant sur la ville cybernétique. Tandis qu’elle serpentait entre les drones de surveillance et les patrouilles de la police privée, elle sentait le sang battre à ses tempes. Ce n’était pas seulement une nuit de plus. C’était une nuit où tout pouvait basculer.

Dans cette ville aux mille visages, la réalité était un mensonge constant. Sous les vitrines luxueuses où les mannequins en robe haute couture posaient immobiles comme des reines figées, et dans les restaurants étoilés où chaque assiette était une œuvre d’art servie avec des pincettes d’argent, un système corrompu régnait. Les rues pavées bordées de cafés iconiques dissimulaient des accords secrets, et sous ce réseau de façades chics, des collectifs comme le sien glissaient dans l’ombre, cherchant les failles. Ils exploitaient les erreurs et les points de rupture, résolus à faire vaciller cet empire de faux éclat.

Une notification apparut sur son implant visuel—un message crypté. Les mots clignotaient doucement : « L’Edge. Maintenant. » Anna sourit. Ce n'était pas seulement une invitation : c’était un rappel que les ombres de Paris avaient toujours besoin d’elle.

Elle appuya sur l’accélérateur, laissant le vent froid fouetter son visage. La ville défilait comme un rêve électrique, les néons dansant sur le bitume mouillé.

En longeant les quais de la Seine, un éclat de lumière jaillit à sa droite, suivi d’une détonation sourde. Anna ralentit instinctivement, ses yeux s’ajustant à la scène chaotique qui se déroulait en contrebas. Un groupe de mercenaires encagoulés échangeait des tirs avec des forces spéciales bardées d’exosquelettes noirs, leurs visières réfléchissant les lumières vacillantes des lampadaires. Les balles traçantes zébraient l’air comme des éclairs artificiels, éclatant contre les murs de briques usées.

Un camion blindé éventré bloquait l’intersection, ses portières grandes ouvertes, laissant entrevoir des caisses de matériel militaire éparpillées sur le sol. Un mercenaire blessé rampa en cherchant désespérément à se mettre à l’abri, mais un drone sphérique des forces spéciales le repéra. Le faisceau rouge de son scanner s’alluma, et une décharge paralysante le cloua au sol. Plus loin, une grenade électromagnétique explosa, plongeant une partie de la ruelle dans le noir.

Anna inspira profondément, détournant les yeux de ce théâtre de violence. Ce genre de scènes était devenu courant dans Paris, où chaque ruelle pouvait être le théâtre d’un règlement de comptes entre factions ennemies, des mercenaires en quête de pouvoir et des forces spéciales sous contrat des grandes corporations. Le danger flottait dans l’air, omniprésent, mais elle ne pouvait se permettre de s’arrêter.

D’un coup de gaz, elle s’éloigna, laissant derrière elle l’écho des balles et le crissement des pneus. L’odeur de la poudre mêlée à celle de la pluie semblait s’accrocher à ses vêtements.

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