Chambre 13bis

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La nuit laisse entendre ce que le jour rend inaudible.

Leurs murmures et leurs rires chuchotés se déployaient, portaient plus loin qu’on ne pouvait le dire. Ils dépassaient les cloisons de leur chambre, s’infiltraient outre-lieu. Et même si le sens des phrases s’en allait perdre dans l’espace de la nuit, même s’il se dissolvait au loin dans le silence intact, la palpitation en demeurait, elle aussi intacte. Et les lignes mélodiques, montantes ou descendantes, poursuivaient leur mouvement propre. Il était possible, sans rien saisir de leur conversation, de percevoir sa tonalité, d’en saisir les modulations, et de suivre les infléchissements de leur humeur dans les rires ou dans la fatigue. Il se diffusait dans l’obscurité, la tonalité de leurs voix et les teintes de leurs impressions.

Battements de cœur. Il se retourne. La manière dont il pose sa tête sur l’oreiller, dont il l’installe dans l’épaisseur du monde, lui rend soudain perceptibles les battements de son propre cœur. Il est parfois si difficile de se sentir en vie. Il perçoit, dans cette position qui lui est venue sans qu’il la cherche, qu’il n’aurait pas trouvée s’il l’avait cherché, il perçoit, déposés sur l’oreiller, dans le murmure qui se déploie contre son tympan, le rythme propre de son existence, qui ne manquera pas de se suspendre, mais qui, pour le moment, le rassure. Il se rassure d’entendre la pulsation de la vie en lui. Il lui est rassurant d’entendre son cœur qui bat.

La nuit laisse percevoir ce que le jour rend imperceptible et recouvre de strates étouffantes.

Il se trouve installé ainsi, par la nuit et les hasards qui s’en suivent et en découlent dans des hypothèses de plus en plus aberrantes, et sans que les arborescences s’en laissent toutes suivre, encore moins prévoir, dans des dédoublements invraisemblables, au plus près de lui-même. Il se retrouve, par un simple mouvement de son corps, sans que sa conscience n’y soit pour rien, sans qu’il doive lui reconnaître la moindre causalité dans cette coïncidence soudaine et inespérée, au cœur de lui, renvoyé par le jour et ses heurts, qu’il ne maîtrise pas, renvoyé au cœur de lui-même, et de la dynamique incessante de la vie, heurtée en lui.

Sans plus de volonté ni de maîtrise qu’un bois flotté sur l’océan sans limites.

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