Aux plumes tendres
Tu aimes Baudelaire à l'alexandrin sombre,
Tombant sur le coeur lourd comme goutte de sang,
Et tu veux que tes vers, vertueux, sortent de l'ombre,
Tous les travers humains, pour y faire leurs dents
Tu veux faire des mots des fusils et des flèches,
Et attaquer de front et paresse et bêtise,
Que tes syllabes soient obus d'épines sèches,
Qui éclatent fervents d'offensante franchise...
Et moi je veux des vers comme des libellules,
Qui volettent légers, pour célébrer le ciel,
Et chanter le printemps et ses fleurs minuscules,
Et goûter chaque soir le vent au goût de miel.
Je veux écrire des mots qui ne veulent rien dire,
Et je veux m"enivrer de leurs syllabes bleues.
Je veux me tricoter sans jamais le décrire,
Tout un nid de douceur et me bercer un peu !
Oublier pour un temps la peine et la colère,
La douleur et la fièvre et mes rêves en cendres.
Des guerres, des fardeaux, et des larmes amères,
En cet instant béni je ne veux rien entendre.
Moi je veux des matins, fragiles de silence,
Et la brise légère et l'odeur du bon pain,
La voix chaude du temps et le goût de l'enfance,
Et l'épaule d'un coeur, battant contre le mien.
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