L'étrangère
Elle était née là-bas,
Dans ce pays lointain,
Il y a si longtemps,
Que nul ne s'en souvient ;
Avait été enfant,
En des temps si anciens,
Qu'on n'imagine pas.
Elle alla à l'école,
Par des chemins sinueux
En gros sabots de bois,
Elle fit de son mieux ;
Et puis rendit heureux,
A l'âge où l'on s'envole,
Un mari qui l'aima.
Et puis la vie passa,
De tendresse en combat,
Et d'hivers en printemps ;
Elle raccomoda,
Des vêtements d'enfants,
Leurs coeurs plus d'une fois,
Jamais ne chancela.
Elle ne se vit pas,
Vieillir jour après jour,
Retenue par l'amour,
Au temps de ses vingt ans ;
Et quand il s'en alla,
Elle ne comprit pas,
Qu'on pût souffrir autant.
Et le temps ralenti
Ramène obstinément
Le même jour tout gris ;
La voilà maintenant,
Assise sur un banc,
Et berçant son ennui,
Comme on berce un enfant.
Elle rêve assurément,
Regardant les pensées
Qui fleurissent en été
Dans le sage jardin,
A ces jardins d'hier,
Passionnément aimés,
Même au coeur de l'hiver.
Aujourd'hui c'est désert
Et sous ses cheveux blancs
Plus rien n'est comme avant...
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