Choses vues
Bien sûr le monde est plein de ces vieillards arides
Et dont les yeux blasés, du haut de leurs trente ans,
Ne savent plus rien voir que leur mépris ne fige
En tableau d'Epinal rebattu par les ans.
Mais moi qui marche seule, tous les soirs que Dieu fait,
Je prétendrais encore qu'il y a du nouveau ;
Que chaque instant apporte à l'oeil émerveillé
Quelque chose qui brille un peu comme un cadeau...
Une rose superbe où l'abeille se pose,
Un écureuil joueur courant sur un muret,
L'hirondelle affairée dont l'aile bleutée frôle
Le miroir de l'étang qui lui tend son reflet...
Ma surprise aujourd'hui, ce fut d'apercevoir,
Dans un silence pur que respectaient mes pas,
Flotter entre deux eaux, lentement, sans me voir,
Un énorme brochet que mon oeil retiendra.
Merci encore à toi, Nature généreuse,
Pour ces instants bénis, comme des friandises ;
D'aucun rira de ma naïveté heureuse...
Il ne m'importe pas : il faut que je le dise.
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