A mon père
La sciure recouvrait ta casquette déteinte
Par le soleil brûlant, lavée et relavée ;
Et pour que tu voies clair à travers tes lunettes,
Je te les nettoyais à l'eau du robinet.
La sciure éteignait également le bleu
De la cotte à bretelles qu'en toutes saisons
Tu portais en disant qu'elle convenait mieux
Au modeste artisan que tous les pantalons.
L'atelier minuscule à large porte blanche
Etait un havre sûr pour l'enfant que j'étais ;
Tu m'appris les secrets, la mesure des planches,
Mortaises et tenons, toupie, fraises d'acier.
L'atelier est désert aujourd'hui ; tes deux mains
Ont hélas quitté l'établi, la perceuse.
Et la poussière est morte qui dort dans les coins
Où elle ensevelit mon insouciance heureuse.
Cependant j'ai gardé ton sourire en mon coeur,
Les mots que tu aimais y résonnent encore ;
Ton amour bien vivant garde contre la peur
Mon épaule fragile et mes lèvres sonores.
Luttant contre le temps je défends ta mémoire
Contre l'ombre oublieuse où la voix se retire ;
Sciure ni copeaux ne sauraient recouvrir
Ni ternir à mes yeux l'éclat de ton regard.
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