Chemin de halage
Nous allions quelquefois au chemin de halage,
Main dans la main tous deux, quand le temps était beau.
Nos dimanches de mai avaient le doux visage
Du soleil qui se penche au miroir bleu de l'eau.
Puis Solenne courut sur les berges herbeuses,
Jetant aux canetons des croûtes de pain dur,
Soufflant de tout son cœur, épanouie, radieuse,
Les graines affolées des pissenlits futurs.
J'y promenais souvent, esseulée et amère
Notre tout petit Paul, âgé de quelques mois,
Tandis que tu restais au chevet de ta mère,
En cet été maudit de l'an deux mille trois.
Les enfants grandissant prirent leurs bicyclettes,
Filant comme le vent, d'écluses en écluses,
Et riant follement des molles galipettes,
De ragondins surpris que leur sillage abuse.
L'averse quelquefois, furieuse, nous surprit,
Tordant les bras de bois des arbres de la rive.
Il fallut se hâter de rentrer au logis,
Ruisselants et heureux, perclus de joie de vivre.
Aujourd'hui je vais seule au chemin de halage,
Retrouver les échos des souvenirs anciens.
Le miroir bleu de l'eau reconnaît mon visage,
Et se dit, me voyant, "c'est une amie qui vient"
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