Monologue de Bertrand
L'enfant dont j'ai pansé les genoux écorchés,
Dont j'ai séché les pleurs, caressé les cheveux,
S'est changé sous mes yeux en monstre débauché,
Corrupteur d'innocence aux sacrilèges vœux.
Sur mon cœur gros de père, il a posé l'enclume,
Il a couvert mon front d'opprobre rouge sang ;
Et son jeune cadavre au halo indécent
Se défait sous la terre assoiffée d'amertume...
Vous revenez à moi, Faustine au teint de pêche,
Vous qui étiez sa veuve, à l'âge de vingt ans !
Vous revenez à moi dont les phrases revêches
Vous ont giflée, salie, et torturée pourtant.
Vous venez me parler de Bertille ma fée,
Du sourire évanoui de ma fille Clara,
Pour soulager mon cœur qui frappe à l'étouffée,
Dans sa cage dorée, qui se consume bas.
Vous secouez la cendre à mon épaule grise,
Vos yeux bleus de ciel clair à mes genoux ployés,
Ont la fraîche douceur de votre main promise,
A celui qui enfin vous saura mieux choyer.
Je renonce, Faustine, à cette jalousie,
Mauvaise conseillère et injuste matrone ;
Je tuerai ma colère, je reprendrai ma vie,
Ma Bertille et Clara, par votre voix, l'ordonnent.
Et je vous marierai dans quinze jours à peine,
Vous souhaitant, sincère, un bonheur infini,
Et d'oublier, Faustine, et d'oublier les peines,
Que vous a infligées mon fils aîné, Denis.
Moi je n'oublierai pas sous mes paupières closes,
Et mes larmes taries n'assècheront jamais
Dans mon cœur de papa le jardin où repose
Mon aîné, mon enfant, assagi désormais.
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