Dialogue avec ma conscience
À peine ai-je passé le seuil de la demeure,
Que de sa voix pointue, elle attaque sur l'heure :
"Tu es têtue, Ninib, comme une vieille mule !
Si tu t'en vas dehors, par cette canicule,
Tu risques, c'est certain, la bonne insolation !
Il te faut, c'est prudent, rester à la maison !"
Avec force soupirs, j'obéis, que veux-tu ?
Désherber et biner, aujourd'hui, c'est foutu...
À peine j'obtempère, elle reprend, comme ivre :
"Que je ne te vois pas, loucher sur tes vieux livres !
Quitte à tourner en rond, comme un vieil ours en cage,
Tu ferais mieux, Ninib, de faire ton ménage !"
Cette fois je réponds, avec mauvaise humeur :
"Hier encor j'ai passé partout l'aspirateur !
Nous avions dit "pas tous les jours",
Tu es une harpie, tu veux tricher, toujours !
- Ton mari et ton fils travaillent dur pour toi !
Te prélasser, ça non, ça tu ne le peux pas !
Puisque tu ne veux pas t'occuper des poussières
Il te faudra trouver une corvée à faire !
Afin d'apaiser ta conscience
Tu le sais bien, c'est l'évidence !"
C'est alors qu'elle avise, en haut de l'étagère
Et qui fait les yeux doux, ma très vieille Singer...
"Ce coupon de tissu, par toi récupéré,
Si je me souviens bien, tu n'y as rien coupé...
Tu vas donc de ce pas, te mettre à la couture,
C'est la meilleure option entre tes quatre murs !"
J'ai eu beau prétexter l'absence de ma fille
Sans qui je ne pourrais pas enfiler l'aiguille,
Elle m'a répondu : "Tu veux rire, sans doute ?
Dans le tiroir du haut, tu trouveras ta loupe !"
Alors moi j'ai cédé ; dans mon petit salon,
J'ai cousu aujourd'hui mes quatorze torchons.
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